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C’est la faute au budget

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Edito
1 novembre 2014

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Hé bien !

Depuis notre dernier édito manifestant un certain pessimisme sur l’état des maisons d’opéra, le défilé funéraire ne s’est pas interrompu. Il n’est pour ainsi dire pas une semaine qui n’annonce la mort prochaine  d’une institution lyrique, d’un orchestre (le Concertgebouw lui-même !), d’un ensemble. Derniers en date : Les Arts Flo, qui seraient privés des quelques 330 000 euros de subvention accordés par la Ville de Caen. Ah certes, la bonne ville de Caen doit être parfaitement consciente de ce que les Arts Flo lui ont apporté de rayonnement local, national, mondial. Couper la subvention ne doit pas être un choix effectué de gaieté de cœur. Elle est cependant imitée par la région Basse-Normandie, qui elle aussi couperait les 370 000 euros de subvention. Caen est à droite, la région est à gauche. Match nul.

Sauf que dans le même temps, rapport après rapport, la Cour des Comptes fustige l’augmentation constante de la masse salariale dans les collectivités territoriales, et notamment dans les communes. Entre 2000 et 2012, la masse salariale des communes a augmenté de… 46% (de 23 à 40 milliards) ! En cause, certes, certaines missions transférées par l’Etat. Mais surtout des recrutements hors de contrôle, des conditions salariales souvent exorbitantes et même, dixit la Cour des Comptes, « un temps de travail inférieur à la durée forfaitaire légale ». Ajoutons à cela la suppression en 2014 du jour de carence dans l’administration coût pour les collectivités territoriales : 122 millions d’euros, un chiffre qui ne compte pas l’effet incitatif à l’absentéisme, autre plaie récemment identifiée par l’IFRAP : le coût annuel des absences pour maladie ordinaire dans la fonction publique territoriale se chiffrerait à 1,2 milliard d’euros.

Devant des chiffres de cette ampleur, parler des « contraintes budgétaires » pour éliminer de la carte des institutions musicales fondamentales dans la vie des territoires français relève au mieux de la mauvaise foi, au pire de l’irresponsabilité.

C’est bien que l’argument budgétaire n’est que le faux nez d’une lassitude des élus à l’égard d’une certaine forme de culture, d’une absence complète de conviction que la culture classique ou « élitiste » mérite subvention : les mécènes privés sont sommés de prendre le relais à un moment où, économiquement, ils peinent à le faire (la pression fiscale n’y est pas pour rien non plus).  Et s’ils ne le font pas, il sera toujours possible d’arguer du désintérêt de la société civile pour cette culture-là.

Il n’est du reste pas difficile pour les responsables publics d’étayer leur propos : il n’est pas d’art plus subventionné que la musique. Le public vieillit et semble se renouveler fort peu. La baisse de fréquentation de certaines salles alimente le tarissement des subventions. Cercle vicieux.

Dans ce tableau , je le crains, assez réaliste, il demeure toujours des zones de lumière et c’est fort heureux, mais elles se détachent sur un fond de nuit  noire que Kent Nagano a récemment décrite ainsi dans un entretien plein de vérité :

« Au quotidien et en particulier pour les plus jeunes, la musique classique a quasiment perdu toute signification. La part de la population qui va une fois par an au concert diminue. Le public vieillit. Les pratiques et préférences culturelles changent. Nous vivons à l’époque de l’obsession économique. Tout est soumis au calcul coût-utilité. Seul compte le retour sur investissement… »

Et certes, le retour sur investissement d’un concert des Shaka Ponk est plus tangible que celui d’un concert Rameau par les Arts Flo. Du reste, les Shaka Ponk seront en novembre au Zénith de Caen.  Ah, au fait : le Zénith de Caen ne touche aucune subvention.

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