La période des festivals s’achève, et ceux qui sont restés � la maison ont tout de même eu l’occasion d’assister au triomphe prévisible et si j’ose dire « préfabriqué » du couple Alagna dans Roméo et Juliette � Orange. L’art lyrique est entré depuis maintenant de longues années dans l’ère du vedettariat avec tout ce que cela comporte d’effets nocifs, il faut s’en accommoder. Que certains osent affirmer avant d’en avoir entendu la moindre note que le Trouvère de ces deux « Amants magnifiques » sera forcément une grande réussite me navre et m’attriste cependant, quelle que soit l’admiration que j’éprouve pour ces deux chanteurs aux moyens généreux.
La routine des festivals (cette proposition ne s’applique pas bien sûr � Montpellier) a été brisée par la production de Turandot avec le nouveau final écrit par Luciano Berio. Le résultat prête certes � commentaires mais nous avons eu le déplaisir d’assister � une énième levée de bouclier de ces théoriciens qui vont � l’Opéra comme on va au musée, et qui souhaiteraient figer définitivement l’Art lyrique, préférant l’accommoder � leur goût qu’� celui du siècle. Ignorant l’ambition « tristanienne » qui avait obsédé le compositeur � la fin de sa vie, ils ont condamné l’entreprise sans même se donner la peine de l’entendre au nom d’un principe de conservation. Quel paradoxe pour des personnes qui se réfèrent sans cesse � une époque où tous les charcutages de partitions étaient permis (le ballet dans Don Giovanni !).
Une fois n’est pas coutume, puisque j’éprouve autant de répugnance pour la politique que pour la publicité gratuite, je vous recommande la lecture dans Diapason du mois de septembre de l’entretien accordé par le nouveau ministre français de la Culture, Jean-Jacques Aillagon. Ses prédécesseurs immédiats ont pêché tantôt par excès de dogmatisme et tantôt par une inefficacité due � leur méconnaissance des dossiers. S’il obtient les moyens et l’indépendance nécessaires � la mise en action de ses idées, Monsieur Aillagon pourrait laisser une marque autrement plus positive et plus durable. Acceptons-en l’augure…
Il est temps maintenant de reprendre le chemin des salles de concert pour retrouver nos classiques (les Noces de Strehler toujours � l’affiche de Bastille), mieux faire connaissance avec des ouvrages trop rarement représentés (allons visiter Strasbourg où Rudolf Berger nous propose Vanessa de Barber et Cendrillon de Massenet), retrouver les chanteurs les plus attachants (j’ai envie de citer ici Alexia Cousin et Mireille Delunsch), souhaiter la bienvenue � de nouveaux directeurs (Olivier Desbordes qui se sédentarise � Dijon)… Beaucoup de petits bonheurs en perspective.
Le disque ne sera pas en reste puisque, outre le Trouvère susmentionné, nous attendons notamment une Carmen (avec devinez qui ?), l’écho des représentations viennoises de La Juive avec Neil Shicoff et la version française de Lucie de Lammermoor qui consolera ceux qui n’ont pas eu la chance d’entendre Natalie Dessay dans ce rôle � Lyon. Ceux qui comme moi ont goûté les réels mérites de sa remplaçante, Patrizia Ciofi, profiteront du live de Martina Franca pour se livrer � d’utiles comparaisons. Que la saison lyrique nous soit bonne !
Vincent Deloge
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