Une fois n’est pas coutume, il sera ici question de Forum Opéra (qui a dit « encore ! » ?). Les lecteurs les plus attentifs savent que notre site a fêté, cette année, ses dix ans, mais peu enclins à l’autocélébration, nous n’avons pas donné à cet anniversaire l’importance (sinon l’éclat) qu’il méritait.
Fêter ses dix ans, pour un site internet, c’est presque plonger ses racines dans le paléolithique. C’est aussi le signe que se sont produits trois phénomènes pas toujours concomitants.
D’une part la cristallisation d’une équipe de rédacteurs capables sur la durée de cultiver une passion commune, de rapporter de leurs pérégrinations lyriques des comptes rendus, d’ajouter au plaisir de l’écoute le devoir du partage – et d’attirer ainsi de nouvelles plumes.
Ensuite, la mobilisation d’un lectorat toujours plus nombreux, mais surtout toujours plus fidèle et trouvant désormais dans Forum Opéra le site lyrique de référence – en tout cas, c’est ce qui ressort du courrier que nous recevons.
Enfin, et ce n’est pas rien, la reconnaissance des théâtres et des maisons de disques : en dix ans, Forum Opéra est passé du statut de fanzine à celui de partenaire, le franc-parler devenant non plus un vice de jeunesse, mais un trait de caractère dont les acteurs du monde lyrique ont compris qu’il est aussi souvent source d’enthousiasmes contagieux.
L’éditorialiste que je suis surfe chaque mois sur cet énorme travail souterrain et figure indûment en première page d’une revue dont il n’est qu’un parasite. Aussi est-il plus que légitime de saluer, en ce début de saison, le zèle sidérant du patron de Forum Opéra, Christophe Rizoud, et la tutelle sans égale de son fondateur, Camille de Rijck.
Lors d’un récent dîner de rédacteurs, on fut frappé par l’amour de l’opéra qui les anime. Rien que de naturel, dira-t-on : mais ce serait méconnaître que bien des amateurs se laissent souvent aller, hélas, à la pose, à un certain snobisme, voire à un peu trop de fiel. Rien de tel ici : il ne fut question que de ce qui nous emballait, et de la place centrale qu’occupent dans nos vies cet art incomparable, et sans lequel sans doute elles seraient un peu tristes, tant est virulente la gangrène de la laideur et de la vulgarité contre lequel l’opéra est notre cordial à nous.
L’aigreur n’est pas dans le tempérament de Forum Opéra, sauf lorsqu’elle naît d’un amour déçu. A l’orée de cette saison, redisons donc aux directeurs de théâtres, aux musiciens, aux producteurs de disques que rien ici ne sera jugé au trébuchet du ressentiment et de la frustration. Une seule attente : être transportés, séduits, amusés, touchés, enthousiasmés si possible. Et si cela n’advient pas, qu’on nous permette encore de le dire et de le faire savoir. Car s’il est quelque chose qui constitue Forum Opéra au moins autant que cette passion pour l’art lyrique, et qui fait largement succès de notre site, c’est bien sa liberté.
Sylvain Fort