Le 1er janvier est traditionnellement la période des bonnes résolutions. En ce domaine, comme en bien d’autres, les amateurs d’art lyrique seraient bien inspirés de formuler quelques vœux, même s’il n’y a guère d’illusions à se faire : les résolutions du Jour de l’An débouchent-elles jamais sur de véritables changements concrets ? Enfin, c’est peut-être comme pour le père Noël, il suffit d’y croire pour que le miracle opère.
Parmi les attitudes dont il serait souhaitable qu’elles évoluent, plusieurs coïncident à peu près avec le phénomène du déni fétichiste observé par la psychanalyse, résumé par la formule « Je sais bien, mais quand même ». Il y a ainsi des fantasmes, des mythes auxquels le lyricomane s’accroche, alors même qu’au fond de son esprit, il sent bien qu’il ne s’agit que de croyances. A moins que l’on ait affaire à un cas pathologique d’aveuglement pur et simple, ce qui serait grave. Ou bien, encore plus simplement, qu’il s’agisse du procédé rhétorique bien connu que l’on nomme prétérition ou paralipse. Cette figure de style consiste à parler d’une chose après avoir annoncé qu’il n’en sera pas question ; c’est un moyen d’éveiller l’attention de l’interlocuteur, de mettre en relief ce dont on veut l’entretenir et de donner plus de force encore à ce que l’on veut affirmer.
Sans chercher à faire le tri, on se contentera ici d’évoquer quelques-uns de ces travers dont nous avons tous eu à faire les frais, au gré de nos rencontres avec d’autres passionnés. Peut-on se contrôler lorsque l’on est la proie d’une passion ? Non, sans doute, mais il devrait être possible de séparer le temps où l’on réagit avec passion, et celui où l’on discute avec raison, afin que toute conversation autour de l’opéra prenne un caractère moins « tripal ».
Figurent donc ci-après quelques exemples de ces formules que l’amateur d’opéra semble avoir le plus grand mal à ne pas employer lorsqu’il parle de l’art qu’il aime.
« Je ne suis absolument pas passéiste mais » je déplore amèrement qu’aucun artiste actuellement en vie ou en activité n’arrive à la cheville des grands noms du passé, et que plus aucun spectacle ne vaille ceux d’il y a cinquante ans.
« Je suis toujours ouvert(e) à la discussion mais » je ne tolère pas que l’on soit d’un autre avis que le mien sur tel artiste ou tel spectacle que j’exècre ou idolâtre, et je considère comme des misérables dépourvus privés de leur sens et de leur entendement ceux qui ne vénèrent ou n’abhorrent pas les mêmes noms que moi.
« Je n’ai de leçon à donner à personne mais » j’explique en détail aux autres ce qu’ils devraient faire et comment je procéderais si j’étais à leur place puisque leur incompétence me stupéfie et que je sais évidemment mieux qu’eux comment il conviendrait d’agir.
« Je déteste la violence et la vulgarité mais » je déverse des tombereaux d’ordures verbales sur les spectacles qui me déplaisent et je voue explicitement au bûcher ou à la géhenne quiconque a l’outrecuidance de me contredire, même en termes polis.
Qui se sent morveux, qu’il se mouche. Et bonne année.