Forum Opéra

Nice, une certaine idée de l’opéra

Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Edito
29 octobre 2019
Nice, une certaine idée de l’opéra

Infos sur l’œuvre

Détails

Il est pourtant bien joli, l’Opéra de Nice, avec son grand vitrail – pas tout à fait Art Nouveau ; 1885, c’est un peu trop tôt pour cela –, avec sa salle dont la disposition rappelle furieusement les plus beaux théâtres d’Italie, tous ces box superposés autour d’une grande loge royale. Pourquoi, depuis une dizaine d’années, est-il en proie à une tourmente qui se traduit, entre autres choses, par un renouvellement ultra-rapide des directeurs ? Le dernier en date, Bertrand Rossi, sera le quatrième en une décennie : puisse-t-il jouir d’une longévité qui démentira ce triste constat.

Longtemps, l’Opéra de Nice fut un fief où les directeurs duraient, s’éternisaient presque : les 32 années de mandat de Fernand Aymé laissent rêveur. Mais il faut dire qu’à Nice, les maires aussi savaient s’imposer pour longtemps, formant comme une dynastie contrôlant à la fois l’Hôtel de ville et l’Opéra : ainsi, Jean Médecin, maire de 1947 à 1965, engendra deux fils, Jacques, maire de 1965 à 1990, et Pierre, directeur de l’Opéra de 1982 à 1994. Douze ans : bagatelle par rapport à la longévité de monsieur Aymé, mais quand même. D’autant que ces douze années furent le marchepied permettant d’accéder à la direction de l’Opéra-Comique.

Vint ensuite la période des quinquennats, qui vit d’abord se succéder Jean-Albert Cartier, faisant le chemin inverse de Pierre Médecin, puisqu’il avait précédemment exercé ses fonctions au Châtelet et à l’Opéra de Paris, puis Giancarlo del Monaco, fils de Mario. Epoque faste où l’Opéra de Nice embauchait encore les plus illustres gosiers pour défendre les grands titres du répertoire. Après eux, le Belge Paul-Emile Fourny put même exercer son activité pendant deux quinquennats.

Mais en 2009, tout change, avec la nomination d’une équipe bicéphale : Jacques Hédouin, ex-administrateur du Châtelet, se voit charger du côté administratif et financier, et recevra les conseils avisés d’Alain Lanceron, niçois d’origine et bien connu dans l’industrie du disque. On compte sur les deux hommes pour refonder l’Opéra de Nice. Une « refondation », pourquoi donc ? Peut-être parce qu’un parfum de scandale commençait déjà à flotter sur l’institution, un audit financier ayant révélé que Giancarlo del Monaco aurait pratiqué le népotisme, le cumul d’emplois et diverses autres malversations, ce qui n’avait pas empêché la mairie de le soutenir mordicus et même de prolonger son mandat.

Donc, en 2009, on repart du bon pied, et on repart même très bien : Dialogues des carmélites, mis en scène par Robert Carsen et dirigé par Michel Plasson, obtient cette année-là le prix Claude Rosant décerné par le Syndicat de la critique. Christian Estrosi, maire depuis 2008, avait donc des raisons de se féliciter de son choix. Sauf que non. Au bout d’un an, le tandem Hédouin-Lanceron est purement et simplement remercié. Leur travail coûte trop cher, apparemment. Un élu d’extrême-droite, qui deviendra par la suite conseiller municipal chargé de l’Opéra, s’est indigné du montant du salaire de la direction. Leur succède en 2012, après deux années de vacance du siège, Marc Adam, qui ne tiendra que quelques saisons, son travail à lui étant jugé trop difficile, croit-on, car l’intéressé a vu son mandat non renouvelé sans explication. En 2016, c’est Eric Chevalier qui arrive à la direction de l’Opéra de Nice. Et en 2019, la mairie décide à nouveau de remercier le directeur, alors même que celui-ci était prêt à poursuivre son mandat. Après avoir établi la programmation 2019-20, Eric Chevalier quitte son poste en février.

Au terme d’une procédure de recrutement dont Christophe Rizoud soulignait « l’opacité » en mai dernier, la mairie annonçait le 18 octobre que Bertrand Rossi avait été désigné. Figure bien connue de l’Opéra du Rhin où il exerçait les fonctions de directeur général adjoint, sa nomination semble consensuelle. Sauf que les choses sont un peu plus compliquées. Les neuf membres du jury avaient retenu deux finalistes. Jean-Romain Vesperini obtenant 5 voix et Bertrand Rossi 4. En l’absence de majorité décisive, il appartient au maire de trancher.

C’est là que le candidat éconduit nous adresse un message où, en des termes mesurés, il conteste la version officielle, et dit notamment avoir été reçu moins longtemps que la mairie ne le dit. Une fois ce texte diffusé sous la forme d’une brève, Forum Opéra a reçu de la Direction des relations publiques de Nice une réponse à ce droit de réponse. André Santelli, directeur général adjoint de la culture et du patrimoine de la ville, y déclare « inqualifiables » les propos de monsieur Vesperini qu’il juge inapte à prendre la direction de l’Opéra de Nice, car « totalement éloigné des enjeux concrets de gestion, de management et de rayonnement ».

Persiste néanmoins un problème : comment cinq membres du jury sur quatre ont-ils pu se laisser abuser par un candidat inapte ? Cette question, Forum Opéra l’a posée à la mairie de Nice, qui a préféré la laisser sans réponse, pas plus qu’elle n’a souhaité revenir sur le nombre de questions posées par Christian Estrosi, autre point contesté par Jean-Romain Vesperini.

Apparemment, la mairie de Nice vise pour son Opéra le label d’opéra national en région. Espérons qu’elle saura se donner les moyens de ses ambitions, en toute transparence.

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Infos sur l’œuvre

Détails

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

Dans les profondeurs du baroque
CDSWAG

Les dernières interviews

Les derniers dossiers

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Récemment, un magazine spécialisé en art lyrique – un de ces magazines que l’on feuillette ostensiblement en sirotant un Bellini en terrasse – soumettait à ses lecteurs la question suivante : « la mise en scène d’opéra, est-on allé trop loin ? ».
Edito
Voilà un siècle que Giacomo Puccini s’est éteint à Bruxelles, emporté par le cancer qui lui rongeait la gorge, par le traitement redoutable qu’il était venu y chercher et par un arrêt cardiaque. Et depuis un siècle sa musique n’a cessé de résonner sur les scènes du monde entier.
Edito
C’est sur les rives du Bosphore, en prenant le ferry qui relie Kadiköy sur le flanc asiatique d’Istanbul pour rejoindre la rive européenne qu’est soudainement revenue en moi la question de mon identité.
Edito