C’est la rentrée, et j’aurais mille et trois choses à vous dire. Par exemple que nous avons été stupéfaits et heureux de vibrer à l’unisson de la France soudain tout entière captivée non par la canicule, la température de la mer ou celle du rosé, mais par le si naturel de Roberto Alagna, qui Dieu soit loué est revenu vincitor. Et puis que nous sommes émus et honorés par les lignes que Roselyne Bachelot a accepté de rédiger pour nous. Nous avions pu constater lors d’une récente interview que l’ancienne ministre n’était pas une lyricomane en carton, mais en béton, en émotion et en passion, et nous sommes servis : voici ses impressions de Bayreuth. Il faut aussi dire combien nous sommes reconnaissants à tous les artistes et à toutes les équipes qui ont permis que l’été soit lyrique, dans toute la France, et pas seulement dans les hauts lieux. Rien de plus périlleux qu’un festival lyrique, de plus osé, de plus méritant : eh bien, il se trouve encore des gens pour en faire vivre, en inventer, en programmer, et par-dessus le marché souvent ils installent la salle, la balayent, servent les bières à l’entracte, et nettoient après. Tant d’énergie et de dévouement, ça se salue.
Revenons à nos moutons. Vous savez que 2013 correspond au bicentenaire de la naissance de Verdi et de Wagner (nés toutefois de parents différents). Nous y consacrerons une série d’articles qui nous permettrons d’éviter les stériles comparaisons et nous ferons entrer dans le secret de fabrication de ces deux génies musicaux. Partenariats, dossiers, interviews, la musette est pleine, mais pour mettre un terme à ce décousu, je voudrais lancer un cri, quelque chose comme un contre-ut de protestation. Car voilà, lecteur, tu te souviens qu’au début de ce siècle, la France découvrit émerveillée une soprano de haute lignée : Alexia Cousin. De fil en aiguille, elle s’installa tranquillement comme seule candidate à la succession de Régine Crespin, quoique avec des moyens différents. Ampleur, vaillance, ligne, musicalité, beauté, rien ne lui manquait que peut-être un peu d’assurance technique. Et voilà qu’après avoir accordé mainte interview laissant espérer pour les dix ans à venir des prises de rôles censément captivantes, elle arrêta tout un jour funeste de 2005. Depuis, plus de nouvelles. Alexia, dans quel Harar perdu as-tu remisé ton talent ? Dans quel Aden erre ton chant inoublié ? Qu’as-tu fait des fruits splendides à nous promis ? Comme pour le Hollandais, sept ans sont passés : die Frist ist um, il est temps de remettre pied sur la scène. Sept ans de silence, c’est trop. Les critiques mauvais, les rivales aigres, les impresarios incompétents (ndlr : Alexia Cousin avait vivement remercié le sien), les directeurs ignorants, nous les mettrons hors d’état de nuire pourvu qu’il nous soit donné d’entendre encore ce chant dont tous les amoureux du lyrique ont vécu la brûlure et la joie. L’été s’achève, et c’est le vôtre, Madame, qu’on aimerait à présent découvrir.