Forum Opéra

Sophie Marceau et Gérard Mortier

Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Edito
3 février 2009

Infos sur l’œuvre

Détails

Sophie Marceau et Gérard Mortier

Je n’étais qu’un enfant lorsque Sophie Marceau fit ses débuts au cinéma dans des films dont instinctivement je perçus, avec délices, la sentimentalité frelatée et sale.

J’étais lycéen lorsque dans L’Etudiante, vêtue de T-Shirts épousant son sein, et portant de grosses lunettes coquines (comme, depuis peu, Camille De Rijck), elle infligeait des tirades intellos à un Vincent Lindon médusé (et qui, vainqueur du Prix de Rome, composait des mélopées incertaines sur son piano électronique).

J’étais étudiant lorsque Sophie Marceau, sans doute frappée par son échec à l’agrégation dans ladite Etudiante, s’avisa qu’elle n’avait jamais lu que des synopsis de séries B, et résolut de devenir une intellectuelle. Cette période dura. Elle semblait se poser toutes sortes de questions et leur chercher réponse dans les épais ouvrages de Luc Ferry ou les pages roses du Larousse.

Heureux habitant du Quartier Latin, il était naturel que j’allasse voir dans des salles d’Art et d’Essai Sophie Marceau exposer dans des films abscons et prétentieux les trésors de son esprit – et au passage, les attraits de sa plastique. Car c’est bien connu : pour voir des actrices nues, il faut aller voir des films intellectuels. Il faut voir et revoir ce film engagé sur Tsahal, Pour Sacha, où Sophie incarne une combattante et plonge nue dans l’eau calme du Jourdain.

Elle passa derrière la caméra, et sa filmographie m’intéressa moins que quand elle était devant, forcément.

Il y eut cet épisode larmoyant au Festival de Cannes (ou aux Césars ?) où elle bafouilla des banalités pleine de détresse naïve. Et cet autre épisode, à Cannes, où son sein glissa – ô surprise !- de son fourreau.

Bref, Sophie Marceau était devenue une icône has been, mi-sexy, mi-paumée, loin en tout cas des émois juvéniles qu’elle avait su éveiller en nous. Son meilleur film reste Joyeuses Pâques, avec un très bon Belmondo.

La voici qui nous revient, avec des franges, toute maigrie, et posant sur toutes les couvertures à la maman résolue, avec toutes sortes de déclarations propres à la rapprocher de la quadra-quinqua la plus moyenne.

Une chose est sûre : Sophie Marceau a renoncé à être glamour, et a renoncé à être une intellectuelle. Elle a élu domicile dans la banalité et la médiocrité ambiantes, mélange de moralisme et de féminisme agonisant, de bouffe bio et de maternité moderne.

C’est triste.

Non parce que cela nous donne un coup de vieux. Mais parce que disparaît de notre horizon érotique une silhouette depuis longtemps familière et aimée.

Parce que, surtout, cet effondrement fantasmatique nous fait comprendre ce que nous vivons au royaume enchanté de l’opéra.

Je ne parle pas ici des divas qui trouvent plus malin de prendre des airs canaille et de ne pas recoudre les accrocs à leur robe de concert.

Je parle, une fois n’est pas coutume, de Gérard Mortier.

Comme Sophie, Gérard a commencé de bonne heure. Comme Sophie, il a connu des succès populaires, est devenu une valeur sûre, et très tôt a catalysé l’enthousiasme du public et du milieu lyrique. Puis, Gérard s’est avisé qu’il était non un comptable flamand, mais un intellectuel est-allemand, et s’est haussé du col à Salzbourg puis à Paris à coup de ténèbres théoriques et spéculatifs.

Mais voici : en postulant à New York puis à Madrid, Gérard a montré qu’il n’avait désormais cure de ces sursauts philosophiques et entendait surtout, comme Sophie, peaufiner sa respectabilité et tirer les dividendes de son parcours habilement géré.

Comme Sophie, Gérard cesse de s’inventer des masques, arrête de jouer et redevient ce qu’il était tout au fond de lui : un habile carriériste surfant sur le consensus et offrant au public le miroir de sa propre indifférenciation esthétique et morale.

Sophie Portier et Gérard Marceau ont un exact correspondant dans le monde des lettres : Philippe Sollers.

Peut-être ce syndrome est-il le signe que la crise intellectuelle ouverte dans les années 70 en Europe est en train de se refermer et que nous revenons dans les eaux tièdes d’un pompidolisme benêt.

La première option a de quoi réjouir, et la seconde de quoi inquiéter.

Le combat continue.

Sylvain Fort

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Infos sur l’œuvre

Détails

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

Dans les profondeurs du baroque
CDSWAG

Les dernières interviews

Les derniers dossiers

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Récemment, un magazine spécialisé en art lyrique – un de ces magazines que l’on feuillette ostensiblement en sirotant un Bellini en terrasse – soumettait à ses lecteurs la question suivante : « la mise en scène d’opéra, est-on allé trop loin ? ».
Edito
Voilà un siècle que Giacomo Puccini s’est éteint à Bruxelles, emporté par le cancer qui lui rongeait la gorge, par le traitement redoutable qu’il était venu y chercher et par un arrêt cardiaque. Et depuis un siècle sa musique n’a cessé de résonner sur les scènes du monde entier.
Edito
C’est sur les rives du Bosphore, en prenant le ferry qui relie Kadiköy sur le flanc asiatique d’Istanbul pour rejoindre la rive européenne qu’est soudainement revenue en moi la question de mon identité.
Edito