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Tant de délicat amour

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Edito
4 janvier 2011

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L’exercice consistant à adresser ses vœux urbi et orbi tels de petits papes locaux ne va pas sans tartufferie. Car à quelques-uns de ceux qui reçoivent nos vœux empressés nous serions parfois enclins davantage à souhaiter une mort lente et cruelle, une année 2011 en forme de supplice, un an nouveau tout semé de herses aiguës et d’obstacles douloureux. Tant de mondaine hypocrisie est rendue plus amère encore par la mesure polie que nous mettons à souhaiter la bonne année à nos proches. Eux, nous voudrions qu’ils connussent une année non point bonne, mais merveilleuse, miraculeuse, sublime, inoubliable. Hélas, même nos plus indulgents parents et amis ne laisseraient pas de recevoir de tels vœux avec un frisson d’angoisse, et nous les verrions se mettre en recherche pour nous d’une maison de retraite avec services libre au 15 janvier 2011.  

Pour autant, l’éditorialiste au franc-parler reconnu ne saurait se répandre ici, comme ailleurs, en indifférents augures. Les lecteurs de Forum Opéra méritent la vérité.

 

Oh Dieu ! Combien de lyricomanes il nous siérait séance tenante d’étrangler, de mettre au secret, d’ostraciser, de condamner à vivre dans les clapiers que Camille de Rijck oublie d’entretenir au fond de son parc paysager. Combien nous en voyons, aux soirées de première, distiller des avis dont on voudrait qu’ils les assassinent sur place comme ferait une dose de cyanure équivalente à leur malveillance gourmée. Et combien on rêve parfois que Jupiter foudroie les sots et les mal-embouchés de l’univers lyrique après une juste sélection établie par mes soins. Faut-il en plus qu’on souhaite la bonne année à ces casse-pieds qui ne vont au théâtre que pour en mieux médire ? Qui n’écoutent de l’opéra que pour dénicher matière à dégoiser ? Qui ne prennent la plume que pour vitrioler ou saper, jamais pour célébrer et remercier ? Oh que non, cher lecteur : si tu t’es reconnu dans ce bref croquis, sois honni et que 2011 anéantisse tes biens, ton engeance et jusqu’à ton souvenir, qu’il vaporise en milles gouttelettes la remuglante sauce qui encombre ton crâne malade, oh oui, que le diable enfin t’emporte, et qu’on n’en parle plus.

 

Aux autres, aux amoureux, aux tendres, à ceux que l’art lyrique encore émeut, touche, bouleverse, à ceux que l’opéra fait vivre mieux et plus, je ne souhaiterai pas une bonne année, non. Je leur adresserai mille baisers de délicat amour, je leur dirai tout mon désir de les voir grandir et prospérer, toute mon ardeur à savoir mieux qui il sont et à leur dire combien ils me sont chers. Ah, vous, les Elus, les Bienheureux, ceux que la musique a touchés du doigt non pour, telle une vilaine sorcière, faire d’eux des crapauds fétides au verbe puant, mais pour les enchanter et les revêtir d’une durable grâce, à vous je souhaite un 2011 livré aux tourbillons de la joie et aux exultations opératiques. C’est pour toi, lecteur aimé, lecteur précieux et entre tous chéri, que nous écrivons ces lignes, et pour te dire que de ton amour nous tirons notre quotidienne raison de poursuivre la tâche à nous confiée par quelque ange malin d’éditorialiser sur ce site.

 

Oui, communions à l’aube de cet an nouveau, et que la tourbe censément infâme des miséreux du lyrique s’alimente de notre gracieux mépris et accueille comme une manne notre exemple altier.

 

Sylvain Fort

 

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