Forum Opéra

Une seule guêtre vous manque…

Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Edito
23 février 2020
Une seule guêtre vous manque…

Infos sur l’œuvre

Détails

En 1914, voulant résumer l’état superlatif de préparation de l’armée française, le général (futur maréchal) Joffre déclara : « Il ne manque pas un seul bouton de guêtre ». Rétrospectivement, la formule paraît surtout révéler une certaine inconscience de l’évolution de l’art de la guerre, puisque cette armée superbement guêtrée allait néanmoins s’avérer incapable de parvenir à la victoire rapide espérée.

Depuis la formule a été reprise par la critique, pour souligner le soin apporté à la réalisation de certains spectacles. Pour autant, les représentations d’opéra où « il ne manque pas un bouton de guêtre » sont-elles plus victorieuses que l’armée française en 1914 ? Même si l’écueil de la surcharge décorative est évité, le plaisir des yeux n’est pas tout, l’esprit réclame aussi sa part. Quant au souci du détail, le costume de scène est fait pour être vu de loin, sous un éclairage de théâtre, et sa magie n’est pas censée opérer dans les conditions qui sont celles du cinéma, par exemple.

Costume « d’époque » – celle de l’intrigue ou celle du compositeur – contre costume d’aujourd’hui ou d’après-demain, le combat fait rage, alors même que certains spectacles (le Saul monté par Barrie Kosky, par exemple) prouvent qu’on peut faire du théâtre moderne en costumes historiques, d’autres montrant qu’il ne suffit pas que les habits soient modernes pour que la démarche soit neuve.

Oublions les déclarations à l’emporte-pièce selon lesquelles c’en serait fait des guêtres, les baskets devenant seules admises sur les scènes d’opéra. Evitons de vouer d’avance aux gémonies la nouvelle production de Manon à l’Opéra de Paris : si le spectacle monté par Vincent Huguet se déroule au temps des haut-de-forme, il ne scandalisera personne ; s’il se déroule aujourd’hui, il ranimera simplement la guerre entre partisans des costumes anciens et défenseurs du costume moderne ou « non-costume ».

Peu de spectateurs s’offusquent de voir habits à la française et robes à paniers se substituer aux toges romaines lors d’une représentation du Jules César de Haendel, mais le remplacement par des treillis ou des tenues de cosmonaute est en revanche contesté par toute une partie du public. L’exigence de stricte fidélité au livret n’explique pas tout : si les costumes d’autrefois sont désirés, c’est aussi parce qu’ils peuvent dépayser, flatter l’œil et charmer l’imagination, alors que les costumes d’aujourd’hui, par définition, nous renvoient à notre quotidien et nous refusent cette dose de rêve qu’on peut aller, entre autres choses, chercher à l’opéra.

Reste à savoir qui exige les guêtres entièrement boutonnées : le néophyte qui en a besoin pour aborder une œuvre inconnue ? le spectateur aguerri qui tient à pouvoir compter autant de boutons que dans les productions antérieures d’un opéra déjà vu maintes fois ? Dans un monde idéal, le mélomane éclairé devrait pouvoir accepter une offre diversifiée, et goûter l’alternance des spectacles avec ou sans guêtres. Par ailleurs, les œuvres qui ont traversé les siècles exercent-elles moins leur fascination si tous les boutons n’y sont pas ? C’est faire bien peu confiance à la musique. Changer le dessin d’un bouton, est-ce donc aussi grave ?

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Infos sur l’œuvre

Détails

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

Dans les profondeurs du baroque
CDSWAG

Les dernières interviews

Les derniers dossiers

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Récemment, un magazine spécialisé en art lyrique – un de ces magazines que l’on feuillette ostensiblement en sirotant un Bellini en terrasse – soumettait à ses lecteurs la question suivante : « la mise en scène d’opéra, est-on allé trop loin ? ».
Edito
Voilà un siècle que Giacomo Puccini s’est éteint à Bruxelles, emporté par le cancer qui lui rongeait la gorge, par le traitement redoutable qu’il était venu y chercher et par un arrêt cardiaque. Et depuis un siècle sa musique n’a cessé de résonner sur les scènes du monde entier.
Edito
C’est sur les rives du Bosphore, en prenant le ferry qui relie Kadiköy sur le flanc asiatique d’Istanbul pour rejoindre la rive européenne qu’est soudainement revenue en moi la question de mon identité.
Edito