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Vraiment cool, les séances Relax à l’Opéra Comique ?

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Edito
14 novembre 2019
Vraiment cool, les séances Relax à l’Opéra Comique ?

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Depuis quelques semaines, l’Opéra Comique communique autour du « dispositif d’accessibilité » baptisé Relax, spécialement destiné aux personnes « dont le handicap (autisme, polyhandicap, handicap mental, handicap psychique, maladie d’Alzheimer…) peut entraîner des comportements atypiques ». Il s’agit de proposer à ces spectateurs particuliers « un environnement bienveillant et détendu où chacun peut profiter du spectacle et vivre ses émotions sans crainte ». L’intention est évidemment des plus louables et s’inscrit dans le cadre de la lutte contre la handiphobie. Hélas, la réalité n’est peut-être pas aussi simple.

On concède volontiers que la mise en place d’un tel système peut prendre du temps et qu’il n’est pas forcément déjà au point. Cependant, dans sa communication, l’Opéra Comique affirme l’expérimenter depuis 2018 en tant qu’établissement-pilote : Relax n’en est donc plus tout à fait à ses balbutiements, et il est même désormais question d’en étendre l’application à l’ensemble du pays. Une conférence de presse était prévue le 5 novembre, qui aurait détaillé cet ambitieux projet en présence du ministre de la culture, de la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, de la direction de l’Opéra Comique et de délégués de l’association Ciné-ma différence, conceptrice du dispositif. Hélas, Frank Riester étant parti pour la Chine au début du mois, ladite conférence a été remise au 18 décembre.

Pour le moment, aucun des collaborateurs de Forum Opéra n’a assisté à une de ces séances Relax, qui ont lieu le dimanche en matinée (à terme, l’Opéra Comique prévoit « de proposer ce dispositif sur toutes les représentations programmées le dimanche ». Si la déontologie interdit de rendre compte d’une générale, dans la mesure où il s’agit encore d’une répétition, les journalistes assistent le plus souvent à la première d’un spectacle, qui a rarement lieu un dimanche après-midi. Et pour le moment, aucune « première Relax » n’apparaît sur le calendrier de la Salle Favart.

Dans ces conditions, le témoignage de « vraies gens » peut se révéler précieux. Nous reproduisons ci-dessous, avec l’autorisation de l’auteur, quelques extraits d’un article où Maud Pouradier relate, sur son site Esthétique et Philosophie de l’Art, l’expérience qu’elle a vécue lors d’un de ces Dimanches Relax, le 10 novembre, durant une représentation « inclusive » d’Ercole amante.

«… je me suis retrouvée à quelques places d’un jeune homme ne pouvant s’empêcher de commenter à voix haute le spectacle. Dans l’ensemble de la salle, on entendait assez régulièrement diverses manifestations émotionnelles, lesquelles étaient adéquates à ce qui était en train de se passer sur scène, mais empêchaient les autres membres de l’assistance de goûter le spectacle et d‘entrer dans l’expérience musicale et esthétique. Les personnes présentes spécifiquement pour ce “Dimanche relax”, incontestablement, goûtaient et comprenaient la représentation. Sachant qu’il n’y a pas de raison de considérer d’emblée que leur expérience dramatique, visuelle et musicale serait moins riche que la mienne ou celle de n’importe quel lyricophile, un problème se pose. Comment faire pour que tous les publics puissent jouir d’un spectacle qu’il n’est plus acceptable, en démocratie, de réserver par principe à une élite sans léser pour autant ceux qui, légitimement, viennent pour goûter l’oeuvre dans sa dimension musicale ?  […] Il est clair que dans un cadre aussi sur-sonorisé [qu’un concert de musique électrifiée], les commentaires de mon voisin enthousiaste n’auraient pu me gêner. Il en va tout autrement d’un opéra baroque : la puissance des voix lyriques est aisément recouverte par la voix ou le bruit d’un proche voisin. Les instruments anciens à la sonorité chaude si caractéristique n’ont pas non plus la force acoustique des instruments modernes. Incontestablement, les réactions de mon voisin ont en partie gâché mon expérience musicale. Or, comme beaucoup de spectateurs des “matinées” parisiennes, je venais de loin, j’avais réservé une chambre d’hôtel, et mes billets avaient été acquis plus d’un an en avance. […] Je prends acte du choix de l’Opéra Comique de faire porter aux seuls provinciaux, retraités et banlieusards l’inégalité induite par le souci de justice et d’équité à l’égard du public souffrant de handicaps particuliers. Cette inégalité de traitement du public étant elle-même inéquitablement répartie, j’en conclus que l’Opéra Comique se paye une belle image sur mon dos. J’en tire la conclusion qui s’impose : je dois renoncer aux matinées de l’Opéra Comique ».

Sans en arriver néceessairement à cette conclusion radicale, et attendant d’éventuels témoignages contradictoires, on peut se demander s’il n’y a pas encore, pour les théâtres, matière à réflexion, notamment en termes de politique tarifaire et de communication : le petit R discrètement ajouté au bout de la ligne correspondant au dimanche 10 novembre suffit-il pour signaler à tous les spectateurs que cette représentation, bien qu’accessible au même prix que les autres, risque pourtant de se dérouler dans des conditions inhabituelles ? Espérons malgré tout que la présence dans la salle de gilets jaunes (ceux qu’arborent les bénévoles de l’association Ciné-ma différence) permettra bien à l’avenir que « tous les spectateurs, avec ou sans handicap, se sentent les bienvenus »

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