La saison s’ouvrira le 30 novembre par un concert de l’Hostel-Dieu et Heather Newhouse, canadienne devenue lyonnaise, avec laquelle l’ensemble travaille depuis plus de dix ans. Son ambitieux programme vient d’être publié.
Le microcosme lyonnais s’est ému du changement de gestionnaire et programmateur de la Chapelle de la Trinité, à la faveur du concours qui vous a désigné, pour 5 ans, renouvelables une fois, à compter du premier juillet dernier. Pouvez-vous revenir sur ces péripéties ?
Effectivement, nous attendions depuis 25 années que ce lieu puisse s’ouvrir à une nouvelle vie musicale, et c’est enfin arrivé ! puisque la Métropole et la Ville de Lyon nous ont confié la gestion de cette magnifique chapelle dans le cadre d’un Appel à Manifestation d’Intérêt. Nous avons fait le choix d’inviter le festival Supespectives à nous rejoindre dans le développement de ce projet, ce qui nous permettra d’enrichir l’offre de programmation, notamment en croisant les esthétiques baroques et contemporaines ; Ainsi est née La Trinité, une saison culturelle émaillée de festivals qui fera la part belle aux musiques baroques et irrégulières (voir la programmation).
Après trente ans d’activité, abandonnez-vous votre berceau, la chapelle de l’Hôtel-Dieu ?
Pour ce qui est de l’Hôtel-Dieu, certes, ce fût notre berceau, mais le lieu n’est en fait pas très propice au développement d’un projet musical ambitieux : jauge réduite, activité religieuse importante, travaux sur site,… La Chapelle de la Trinité est donc désormais notre nouvelle maison, une maison que nous partagerons largement.
A parcourir cette première saison, la surprise prévaut, constante, puisqu’à travers trente-quatre manifestations, sauf erreur, elle couvre pratiquement le plus large champ, de la chanson de la Renaissance et au baroque, à l’état pur ou mixé, pour nous conduire à Mahler et aux contemporains. Sans oublier les échappées aux confins de notre continent (de l’Iran à la Palestine, des pays baltes et russe). L’auditeur est invité à sortir de sa cabine, si confortable soit-elle, pour respirer l’air du large…pouvez-vous nous dire ce qui a guidé vos choix ?
Au cœur de notre projet figurait la promesse d’un « baroque pluriel » ouvert sur l’interdisciplinarité et l’hybridation des esthétiques. Notre compagnonnage avec Superspectives contribuera à accentuer et enrichir cette inclination, avec l’ambition d’intégrer diverses thématiques sociétales, telles que l’égalité F/H, la diversité culturelle, l’inclusivité sous toutes ses formes, l’accompagnement de l’émergence professionnelle, … Outre le bouillonnement artistique et humain que nous souhaitons implémenter, nous portons également l’espoir d’accueillir un public plus large et divers, reflétant davantage les inclinaisons et attentes des habitants de la Métropole lyonnaise.
Peter Greenaway, en 1991, dans Prospero’s Book adaptait au style des concertos de Vivaldi l’esprit répétitif des minimalistes, auparavant, dès 1973, Georges Delerue, pour François Truffaut (La nuit américaine) avait revisité Bach et Haendel… Faut-il chercher là ou ailleurs les origines de votre démarche aboutissant à mixer baroque, traditionnel et contemporain ?
Oui, à l’origine de ces croisements figurent quelques références de ce type, mais il y a également l’intuition personnelle que la musique baroque est à la fois intemporelle et universelle, organique et malléable. Ce qui me fascine et m’inspire depuis toujours dans les musiques du XVIIe et XVIIIe siècle, c’est le jeu des tensions et détentes, les pulsions rythmiques et l’énergie tellurique qui émane de certaines œuvres baroques, l’expressivité et la sensualité, mais aussi la singularité et l’aléatoire, les aspérités et les imperfections, … C’est ce que je souhaiterais partager à la Trinité, que cela soit à travers l’accueil des projets de nos collègues ou en développant de nouvelles créations avec le CHD, telles Bach to minimalism ou 4 Seåsøns.
La danse, intégrée dès votre concert d’ouverture, est bien présente, comme les arts circassiens, mais c’est encore l’électronique et ses prodigieuses ressources qui trouvent là une singulière vitrine et un étonnant amplificateur. Pourquoi ce choix ?
Oui, le concert Dolce Follia, née du ballet Hip hop baroque Folia, ouvrira la saison, le 30 novembre prochain. Mais sans électronique ! En version « unplugged » en quelque sorte…On retrouvera l’électro plus tard, notamment dans le festival Synth Chapelle qui aura lieu en février. L’interdisciplinarité se retrouvera lors de diverses soirées : en avril par exemple, avec le projet Movimento, ou encore lors du festival de mai, baptisé Chapelle Sauvage, avec le spectacle de La Volière baroque et le slam de Mehdi Krüger accompagnant la création française de 4 Seåsøns. de Rasmussen, d’après Vivaldi.
Le patrimoine régional, musical et architectural, vous a fréquemment motivé. Comptez-vous poursuivre en ce sens ? Elargir le regard à votre Bourgogne natale, qui en a bien besoin (il n’y a pas que Rameau !) ?
Nos liens renouvelés avec la Bibliothèque municipale de Lyon, laquelle conserve, entre autres, de nombreux manuscrits italiens se développeront favorablement dans ce nouvel écrin. Mais pas dans l’immédiat ! Car notre prochain projet patrimonial se nourrit plutôt de manuscrits retrouvés dans diverses bibliothèques transalpines. Avec le concours du musicologue Paolo Montanari, nous présenterons le 18 février, le projet Les Fantômes d’Hamlet , également objet de notre prochain enregistrement (label Arcana), lequel présente des extraits de divers opéras consacrés à la légende du prince Hamlet, des œuvres inédites de Scarlatti, Carcani, Gasparini,…
Votre présidence du Concours international de chant baroque de Froville, auquel on doit la révélation de tant de talents, se poursuit. Pouvez-vous faire le point sur les voix dont ce fut l’envol, comme sur l’avenir du concours ?
Après 12 années d’engagement personnel et d’accompagnement du concours de Froville, j’ai désormais passé le flambeau à d’autres bonnes volontés, placées sous la direction dynamique d’Emiliano Gonzalez Toro, qui est le nouveau directeur artistique du festival. Mais cette collaboration vit encore à travers de nombreuses productions du CHD qui accueillent des lauréats du concours. Ainsi, en décembre prochain, (le 5 à Lyon, le 6 à Marcq-en-Baroeil), nous donnerons le programme Prima Donna avec Blandine de Sansal, merveilleuse mezzo-soprano, lauréate du concours 2022.
Quelques mots du rayonnement international, de vos projets, tant pour l’ensemble que pour la programmation de la Chapelle de la Trinité ?
En novembre, nous donnerons à Leipzig, Madrid et Valence, le projet européen Babel Bach (voir la video), une rencontre entre la musique du Cantor de Leipzig et un slam à 3 voix et 3 langues. Puis en février et mars, suite à une belle tournée européenne (Marseille, Lyon, Namur, Helsinki), nous nous envolerons avec la soprano Roberta Mameli, pour notre première tournée nord-américaine avec des concerts à Montréal, New York, Washington, Burlington… La Chapelle de la Trinité accueillera quant à elle l’orchestre Arion de Montréal, le Helsinki Baroque Orchestra, A Nocte temporis, etc. Mais aussi de nombreux ensembles locaux ou français, tels que le Poème harmonique, les Folies françoises, les Kasper’girls, Dedalus, le quatuor Tana,…