Peu de discussion cette année au sein de la rédaction de Forum Opéra pour décerner nos trophées annuels : l’Arabella de platine qui récompense l’artiste du monde lyrique le plus émérite et l’Ortrud de cristal qui, à l’inverse, anathématise la personnalité la plus irritante. En 2013, les lauréats sont une évidence…
Arabella de platine : Patrice Chéreau
Patrice Chéreau forever. Son décès inattendu a endeuillé le cinéma, le théâtre et l’opéra – quelques mois après une Elektra qui avait fait chavirer les cœurs au Festival d’Aix-en-Provence. Il aura inlassablement questionné l’opéra, pour en faire surgir une intelligibilité supérieure et surtout faire voir ce que d’ordinaire on n’y voyait pas. Tout cela n’alla pas sans inquiétude ni ruminations sur la viabilité théâtrale du genre. Mais au bout de cette pensée labyrinthique, ce sont des trésors d’aveuglante évidence qui émergeaient. Jamais une production de routine dans ce qu’il nous lègue. Nous attendions son Moïse et Aaron avec impatience, tant cet Everest semble imprenable. A défaut, nous parcourrons longtemps grâce aux nombreux DVD les autres sommets où il nous guida. [Sylvain Fort]
Ortrud de cristal : Sarah Montague
La provocation est parfois bienvenue. Personne, même un grand artiste lyrique, n’est à l’abri des questions-pièges. Du moins cela doit-il être pertinent et faire œuvre salutaire de remise en question des préjugés. Lorsqu’au contraire le préjugé tient lieu de pensée et que l’insolence se nourrit d’ignorance, on est face à un cas incontestable de bêtise carabinée. Il n’est que trop justifié que Madame Sarah Montague reçoive cette année le bonnet d’âne que, pour l’occasion, nous hérisserons de clous trempés dans du curare pour son interview de Thomas Hampson le 30 juillet dernier sur la BBC. Elle y accable ce grand artiste de clichés aberrants sur l’opéra, un « genre pour les vieux riches » et reste à l’avenant. L’indignation qui a gagné les spectateurs n’a pas été consolée par la parfaite courtoisie et intelligence du baryton américain en la circonstance. Nous n’en rajouterons pas dans les noms d’animaux dont a été affublée la présentatrice en la circonstance. Disons seulement que la terrifiante Ortrud, dont cette année nous lui attribuons le trophée, ajoutait du moins au vice une lueur d’esprit. [Sylvain Fort]