Forum Opéra

Guy Chauvet, le dernier Enée français

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Anniversaire
3 mars 2014

Infos sur l’œuvre

Détails

Il y a 80 ans naissait celui qui fut sans doute notre dernier grand ténor héroïque français, celui qui reste notre dernier Enée national. Après une prestation controversée en concert en juillet dernier à Marseille, la véritable prise de rôle de Roberto Alagna à la fin du mois de mars au Deutsche Oper de Berlin dira si la relève est assurée…

La sortie chez Malibran d’un disque dans la série « La Troupe de l’Opéra de Paris » est l’occasion d’ajouter Guy Chauvet à notre Encyclopédie subjective du ténor ; on trouve également chez Malibran un autre disque réunissant un récital enregistré en studio au début des années 1960, sous la direction de Jésus Etcheverry, jadis paru sous étiquette Vega (Cherubini, Gluck, Méhul / Berlioz, Halévy, Meyerbeer) et des airs d’opéra français (La Damnation de Faust, Carmen, Hérodiade, Werther) ou d’opéra italien chanté en français (Traviata, Tosca, Cavalleria Rusticana, Paillasse), tirés de diverses intégrales ou sélections.
 

Guy Chauvet est né le 2 octobre 1933 à Montluçon, dans l’Allier. Il découvre le chant grâce à la chorale mais aussi par le biais de la radio et du cinéma : il admire le ténor d’opérette André Dassary et le ténor d’opéra José Luccioni, spécialiste de ces grands rôles dont il se fera lui-même une spécialité. Chanteur amateur, Guy Chauvet est d’abord baryton, mais se métamorphose en ténor à force de travail. Il participe à plusieurs concours, Pau et Tarbes en 1952. En 1954, au « Concours des Ténors » organisé par le ténor Mario Podesta, le premier prix est partagé entre quatre vainqueurs ex-aequo, Alain Vanzo, Tony Poncet, Gustave Botiaux et Roger Gardes ; Guy Chauvet, benjamin des finalistes, remporte un prix spécial du jury.

Lauréat du concours de Toulouse en 1955, il remporte en 1958 celui des Voix d’or de Luchon, ce qui lui vaut d’être immédiatement engagé par Georges Hirsch, alors directeur de l’Opéra de Paris. Il accumule alors les petits rôles : après avoir été un homme d’armes dans La Flûte enchantée pour ses débuts en janvier 1959, il est Adario dans l’une des innombrables reprises des Indes galantes montées par Maurice Lehmann (il y sera Carlos en 1962). Pourtant sa carrière prend bientôt son vrai départ, à partir duquel les choses s’enchaînent très vite pour lui, peut-être trop vite, même : habitué aux rôles lourds, Guy Chauvet semble avoir parfois sacrifié le raffinement du chant à l’efficacité dramatique, non sans conséquences sur sa santé vocale.

La Damnation de Faust

Son premier grand rôle à Paris est le Faust de Berlioz (qu’il a interprété pour la première fois en 1958 à Lisbonne, aux côtés de Régine Crespin). Le 20 septembre 1959, il est le plus jeune ténor à incarner ce personnage sur la scène du Palais Garnier. Quelques années plus tard, il est choisi pour participer à une des productions de prestige par lesquelles le nouvel administrateur, Georges Auric, cherche à « rénover » le répertoire de la Réunion des Théâtres lyriques nationaux. La Damnation de Faust est alors confiée à Maurice Béjart qui chorégraphie cette œuvre hybride non destinée à la scène, dans des décors et costumes « modernes » dus au danseur et comédien espagnol Germinal Casado. Le 13 mars 1964, Igor Markevitch dirige, et Guy Chauvet a pour partenaires Denise Monteil en Marguerite et Jacques Mars en Méphistophélès, les trois protagonistes ayant chacun leur double dansant. Reprise régulièrement, notamment avec Jane Rhodes, cette production sera même présentée au Palais de Chaillot en 1969, puis au Palais des sports en 1970. Guy Chauvet chante le Faust de Berlioz un peu partout, sur scène ou en concert, dans des théâtres à l’italienne ou lors de festivals en plein air. Le spectacle de Louis Erlo, créé à Lyon en 1966 et repris à l’opéra de Strasbourg, sera diffusé à la télévision en septembre 1978. La Damnation reste à son répertoire jusqu’aux derniers mois de sa carrière. Il existe un enregistrement intégral d’un concert donné à Amsterdam en 1963 avec Régine Crespin et Michel Roux, dirigé par Jean Fournet, jadis disponible chez Bella Voce.

Les Troyens

Le 17 novembre 1961, l’Opéra de Paris présente une version « condensée » du chef-d’œuvre de Berlioz, la mise en scène étant confiée à Margherita Wallman, dans des décors et costumes de Piero Zuffi. L’orchestre était dirigé par Pierre Dervaux, et c’est Régine Crespin, interprète du double rôle de Cassandre et de Didon, qui aurait exigé Guy Chauvet comme partenaire. Robert Massard est Chorèbe, et un jeune chanteur belge nommé José Van Dam y fait ses débuts sur la scène parisienne. Le couple Crespin-Chauvet se reformera plusieurs fois dans Les Troyens au cours de cette décennie : en 1964 au Teatro Colon de Buenos-Aires, en 1968 à San Francisco, en 1969 à Los Angeles, et une ultime fois en 1977 à Cincinnati (uniquement pour Les Troyens à Carthage). Crespin et Chauvet seront également les stars du disque d’extraits enregistré Salle Wagram pour EMI en 1965, sous la direction de Georges Prêtre.
 


Dans Les Troyens, parmi les autres partenaires que Guy Chauvet aura eues en Cassandre/Didon, on peut citer Suzanne Sarroca à Lisbonne en 1966, Josephine Veasey et Berthe Monmart en Didon, Lyne Dourian et Nadine Denize en Casscandre pour la reprise à Garnier en 1969. En 1974, une nouvelle production est créée au Grand-Théâtre de Genève, où le tout jeune John Nelson dirige cette partition qu’il ne devait plus retrouver avant la reprise genevoise de la production du Châtelet en 2003. Guy Chauvet continue à promener son Enée un peu partout : en 1976 à Vienne, en 1978 et 1980 à Marseille, en 1978 à Ravinia (James Levine à la baguette, Nadine Denize et Shirley Verrett en Cassandre et Didon). Sa dernière série de Troyens a lieu en 1982 à Hambourg (Sylvain Cambreling, Karen Armstrong et Hanna Schwarz).

Le répertoire français

Grand défenseur de Berlioz (dont il chante également le Te Deum), Guy Chauvet interprète également ses modèles : Gluck, dont il chante un Orphée sans doute plus héroïque que galant, en 1972 à Bruxelles, et Oreste d’Iphigénie en Tauride, rôle qu’il enregistrera en 1964 dans le cadre d’une intégrale dirigée par Georges Sébastian ; de Cherubini, il enregistra également un disque d’extraits de Médée avec Rita Gorr. Très associé au Faust de Berlioz, il ne chante guère celui de Gounod que pour quelques représentations en 1963, à Paris et à Chicago. En 1965, il incarne son premier Don José, lors d’une reprise de la fameuse production due à Raymond Rouleau créée en 1959 par Jane Rhodes et Albert Lance (il y a pour partenaire une certaine Jacqueline Lussas). Il affrontera en Carmen Grace Bumbry en 1968 à Naples, Brigitte Fassbänder en 1970 à San Francisco, Fiorenza Cossotto en 1972 à Milan, Elena Obraztsova en 1973 à Marseille, Régine Crespin en 1978 au Met, Ann Murray en 1981 à Rouen ou Nadine Denize en 1984 à Marseille.
 


Il n’aborde Samson qu’en 1971, pour un concert de l’ORTF, puis aussitôt après à La Scala. En 1975, il participe à la série de représentations données à l’Opéra de Paris (la production est signée Piero Faggioni) ; il y a d’abord pour partenaire Fiorenza Cossotto, puis Viorica Cortez pour la reprise de 1978. C’est avec Samson et Dalila qu’il donnera un de ses derniers spectacles, en 1983 à San Francisco, avec Marilyn Horne. Quand ladite Marilyn Horne imposa au Met la résurrection du Prophète de Meyerbeer, il reprit pour les représentations de septembre 1979 le rôle de Jean de Leyde, initialement tenu par James MacCracken en janvier 1977. Werther est un rôle dont Guy Chauvet grava un disque d’extraits, avec Denise Scharley en Charlotte et Robert Massard en Albert, mais qu’il ne semble jamais avoir interprété en scène. Julien dans Louise et Jean dans Hérodiade sont deux personnages qu’il interpréta de façon plus épisodique.

Fidelio, Lohengrin

A l’Opéra de Paris, Guy Chauvet n’est qu’un prisonnier dans Fidelio en 1960, mais dès 1962 il succède à Hans Beirer dans le rôle de Florestan, dans la même production. Il chantera Fidelio principalement en France, et pour la dernière fois en 1977 à la Halle aux grains de Toulouse, dans la fameuse mise en scène de Jorge Lavelli. En 1954, son interprétation du récit du Graal de Lohengrin lui avait valu un prix au « Concours des Ténors », mais il attendra 1965 pour incarner à la scène son premier personnage wagnérien, Erik du Vaisseau fantôme, à Avignon. Parsifal sera l’objet d’une tentative sans lendemain à Bruxelles en 1974, tout comme Siegmund à Lyon en 1970, mais Lohengrin est un héros auquel le ténor restera associé. C’est en 1968, et en français, qu’il aborde le rôle, à Rouen. Ce Lohengrin réunit autour de Guy Chauvet Berthe Monmart en Elsa et Simone Coudert en Ortrud. Toujours en 1968, il retrouve le Chevalier au cygne à Lyon, dans une production de Louis Erlo, avec Suzanne Sarroca, Lyne Dourian et Ernest Blanc. En 1970, il participe à la tournée du Deutsche Oper de Berlin et se produit notamment à Osaka. Guy Chauvet interprète encore Lohengrin à Bruxelles en 1975, aux arènes de Fourvière en 1976, à San Francisco en 1978, puis enfin à Rouen en 1981.
 


Son passage à San Francisco laisse un souvenir durable aux spectateurs, et l’on peut lire ce commentaire extrêmement élogieux sur le site “operawarhorses” : “Guy Chauvet, le ténor français qui sonnait comme un croisement entre Sandor Konya et Jess Thomas, n’était pas en très bonne forme pour la première de cette série de Lohengrin, mais la diffusion radio qui date de quelques jours plus tard nous le montre exécutant avec aplomb son numéro à la fois claironnant et doux. Il chante même les sept premières measures de “In fernem Land” plus doucement que le pianissimo spécifié par Wagner. Essayez un peu ! Dans les Adieux, grâce à un mélange fortuit de fatigue à minuit et d’expressivité tendue, il créait une atmosphère de désespoir quasi terrifiant qui n’appartenait qu’à lui”. Les deux passages en question sont précisément ceux que donne à entendre le disque Malibran.

Aïda, Otello, Tosca, Turandot, Paillasse
A part un très épisodique Arturo dans Lucia di Lammermoor avec Joan Sutherland à l’Opéra de Paris en avril-mai 1960, et quelques apparitions en Don Carlos, Guy Chauvet se borna à quelques rôles dans le répertoire italien : Radamès, Otello, Cavaradossi, Calaf et Paillasse. Il chante Tosca dès 1960 à Genève, avec Suzanne Sarroca et Xavier Depraz, à Londres en 1963 avec Marie Collier et Tito Gobbi (la même année, un film réalisé par Henri Spade avec Chauvet, Sarroca et Roger Bourdin est diffusé à la télévision française). Il sera encore Cavaradossi aux Chorégies d’Orange, à Avignon, à Lyon et à Paris, mais ne chante plus le rôle après 1968. Guy Chauvet ne chante que rarement Paillasse, à l’Opéra-Comique, en 1965 et 1970. Dans Aïda, qu’il chante aux quatre coins de la planète entre 1969 et 1979 (Genève, San Francisco, Bruxelles, Vérone, New York), il aura eu par partenaires Virginia Zeani, Gwyneth Jones, Eva Marton. Il chante son premier Calaf en 1971 à La Monnaie, et sa dernière Turandot en 1976 à Marseille, avec notamment toute une série de représentations en 1972 au Palais Garnier. Sa prise de rôle en Otello attendra 1977, d’abord un peu partout en France, puis en 1979 à Venise, et il le chantera une ultime fois au Palais Garnier en 1983.
 


La Musique du XXe siècle
Bien qu’essentiellement associé à un répertoire allant de Gluck à Puccini, Guy Chauvet n’en dédaignait pas pour autant les opéras de son siècle. Dès 1960, il chante dans Le Roi David à Paris. Il participe à diverses créations : Sardanapale, de Jean-Jacques Grunenwald, avec Suzanne Sarroca et Xavier Depraz, en 1961 à Monte-Carlo, et Pourpre impériale, de Robert de Fragny, en 1965 à Fourvière. A Fourvière également, l’année suivante, il assure la création française du Prince de Hombourg, de Henze, qu’il reprendra en 1968. Il chante dans Wozzeck à Lyon en 1970, et dans Mahagonny à Lyon et Marseille. A une époque où la France ignore encore à peu près tout de Janacek, il fait partie de la distribution réunie pour la création de Jenufa au Palais Garnier en novembre-décembre 1980 : tandis que Rachel Yakar campe le rôle-titre et Nadine Denize la sacristine, Guy Chauvet est Laca, sous la direction de Sir Charles Mackerras, mais dans une version française commandée pour l’occasion.

Après s’être retiré des scènes en 1984 et s’être un temps consacré à l’enseignement, Guy Chauvet s’est éteint le 25 mars 2007, quelques mois avant Régine Crespin qui avait été sa partenaire privilégiée dans Les Troyens, mais avec qui il avait aussi chanté Pénélope de Fauré en 1962 à Buenos Aires, Hérodiade de Massenet en 1963 à Carnegie Hall, Iphigénie en Tauride à Buenos Aires, Paris et Lyon en 1964-65, Tosca à Avignon en 1965 et à Paris en 1968, Carmen au Met en 1978 et à Montpellier en 1980.

 

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Infos sur l’œuvre

Détails

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

Dans les profondeurs du baroque
CDSWAG

Les dernières interviews

Les derniers dossiers

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Portrait suivi d’un compte rendu de La Belle Meunière à Londres ce 8 novembre, d’une discographie et de divers entretiens.
Actualité
L’impact des technologies numériques sur le chant lyrique est un sujet à débats qui reflète la rencontre entre la tradition de l’opéra et les innovations technologiques de notre époque.
Actualité
[themoneytizer id="121707-28"]