La cantatrice française Jane Rhodes est décédée le 7 mai à l’âge de 82 ans.
Cantatrice certes mais soprano ou mezzo-soprano ? A vrai dire, on ne sait pas exactement. Jane Rhodes fait partie des ces voix dont les limites ne sont pas clairement fixées. L’égalité et la rondeur de timbre font pencher la balance du côté de mezzo mais la facilité avec laquelle le chant se déploie et se maintient dans l’aigu laisse planer le doute. Elle interprétait aussi bien Tosca et Salomé que Marguerite de la Damnation de Faust ou Carmen. C’est ce dernier rôle qui la révéla six ans après ses débuts à Nantes (ou Nancy selon les sources), en 1959, à l’occasion de l’entrée de l’œuvre au répertoire de l’Opéra de Paris. Dans la salle le Général de Gaulle et dans la fosse, un jeune chef d’orchestre âgé de 20 ans qu’elle épousera sept ans plus tard : Roberto Benzi. Si cette Carmen marque le début de sa carrière internationale (1961, le Festival d’Aix-en-Provence avec Le couronnement de Poppée ; 1962, le Metropolitan Opera de New York avec Salomé), Jane Rhodes n’en reste pas moins profondément attachée à la France dont, à l’heure de l’ORTF, elle devient l’un des emblèmes. On a relevé la longueur et la beauté cuivrée de la voix mais il faut aussi souligner la qualité de la diction puis la plastique et le tempérament qui, sur scène, faisaient le prix de ses interprétations.
Ce bref hommage serait incomplet s’il ne mentionnait pas les grands rôles d’Offenbach : Hélène, la Grande Duchesse, la Périchole, Métella que Jane Rhodes osa aborder à une époque où il était de bon ton de faire la grimace quand on évoquait la musique du compositeur des Contes d’Hoffmann. En ce sens, on peut la comparer à Elisabeth Schwarzkopf ou Nicolaï Gedda, grands chanteurs d’opéra qui n’hésitèrent pas inscrire l’opérette à leur répertoire. On peut même établir un parallèle avec Maria Callas ou Cecilia Bartoli qui, par leur art et leur audace, surent redonner à des compositeurs méconnus, voire méprisés, leurs lettres de noblesse : Donizetti et Rossini pour la première, Vivaldi pour la seconde. Jane Rhodes, elle, fut à l’origine d’une « Offenbach renaissance » qui, au milieu des années 70, devaient aboutir à l’enregistrement par Michel Plasson de La vie parisienne et de La Grande Duchesse avec les chanteurs – Crespin, Mesplé, Vanzo… – et le succès que l’on sait.
C’est à cette époque, fin des années 1970, que Jane Rhodes décide de se consacrer davantage à la mélodie française et au lied. Elle abandonne peu à peu l’opéra pour le récital et l’enseignement. Au disque, outre sa Carmen, historique on l’a dit, il faut avoir écouté sa Belle Hélène, superbe d’allure et de drôlerie, et son enregistrement d’airs d’Offenbach qui verse parfois dans la caricature mais témoigne de la noblesse du chant français en ses riches heures.
Christophe Rizoud