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Hommages à Jodie Devos

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Actualité
27 juin 2024
Au revoir Jodie ! Face à cette disparition si injuste, nous avons voulu donner la parole à celles et ceux qui la connurent de près et dont le deuil profond est aussi le nôtre.

Infos sur l’œuvre

Détails

Hommage de Sylvain FORT

Le théâtre, la danse, le piano, le chant : en Jodie Devos, toutes les muses s’étaient donné rendez-vous. Elle aurait pu, travailleuse et concentrée comme elle était sous des dehors faciles, se contenter de cela et devenir un phénomène vocal et artistique, offrant en pyrotechnies le spectacle de ses dons à travers le monde. Cela sans doute aurait suffi à notre bonheur. Mais elle fut bien davantage qu’un phénomène ; et en dix années de carrière, elle imposa mieux que son talent : son humanité. La nouvelle de son décès a terrassé tout le monde parce que la jeunesse était fauchée, parce qu’une voix sans pareille s’éteignait, mais surtout parce que disparaissait soudain une artiste qui, telle un Cherubino faisant si bien tout ce qu’elle faisait, savait en outre faire du bien à ceux qui l’écoutaient. C’était sa part indéfinissable, sa part de génie – somme toute si rare dans le monde musical.

On se trompe en pensant qu’une voix de soprano colorature est un passeport pour le succès. Pour ces voix, le répertoire n’est pas immense, les exigences techniques sont impitoyables, l’heure de faner vient tôt, et la possibilité de dispenser des sentiments et des couleurs en plus des démonstrations vocales est étroite. À peine son prix Reine Elisabeth fut-il empoché avec des airs de concours forcément renversants que Jodie Devos attesta qu’elle serait avant toute chose une artiste, et qu’elle s’intéresserait moins à ce qui fait briller qu’à ce qui fait rire ou pleurer. Ces dix années de maturation vocale l’auront certes vu passer par les inévitables Reines de la Nuit et Olympia, et ses impayables Offenbach dont elle fit un disque étourdissant ; mais très vite, elle se pressa d’aller à la rencontre de ce que sa voix recelait de moins spectaculaire et de plus attendri. Elle trouva derrière l’émail du timbre des couleurs neuves, des nuances et des accents que nombre de ses consœurs omettent de chercher tant peut-être payant le seul affichage d’un contre-fa.

Elle sortit de la voie toute tracée que semblait lui réserver le cristal de sa voix et sa silhouette de danseuse. Elle remit son art entre les mains de quelques maîtres et amis qui surent reconnaître l’intelligence de son cheminement, et tirer d’elle des trésors comme Nicolas Krüger, Christophe Rousset, les frères Dratwicki, Pierre Bleuse, ou même le compositeur Philippe Boesmans dont elle créa On purge bébé à La Monnaie. Dans le monde de l’art lyrique tel qu’il va, il faut bien réaliser ce que voulait dire ce chemin préférant Susanna des Noces à une énième Olympia, Gilda de Rigoletto à une autre Reine de la Nuit. Il faut pour cela que la maturité du caractère précède et anticipe la maturité vocale. De là des interprétations où sa personnalité propre faite de générosité joyeuse et d’une étrange mélancolie éclataient et nous emmenaient. Elle semblait aimer la musique où un nuage vient troubler l’azur. D’ores et déjà elle nous menait au cœur de Mozart comme au cœur de ces mélodies anglaises si délicates, sans doute grâce à ses études à Londres.

Ces dernières années, Jodie Devos avait trouvé le chemin qui lui permettrait d’éviter tout ce qui pouvait dénaturer son art, contraindre ses envies, la détourner de son but comme artiste. Elle était, autant qu’on peut l’être dans ce métier, libre. Elle avait en tout cas la volonté et le courage de l’être. Cela semblait la rendre heureuse. En tout cas, cela nous rendait heureux car nous savions que, quoi qu’elle chante, ce serait un choix intègre, plein de sens, et qui nous ouvrirait des horizons où, confiants, nous pourrions la suivre. Elle avait ainsi pris rang parmi ses rares artistes dont l’intelligence est à hauteur d’âme.

L’onde n’a plus le murmure
Dont elle enchantait les bois ;
Sous les rameaux sans verdure
Les oiseaux n’ont plus de voix

Face à cette disparition si injuste, nous avons voulu donner la parole à celles et ceux qui la connurent de près et dont le deuil profond est aussi le nôtre.

Sylvain FORT

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  1. Alexandre DRATWICKI (Directeur du Palazzetto Bru Zane)
  2. Vannina SANTONI (soprano)
  3. Eléonore PANCRAZI (mezzo-soprano)
  4. Alexandre DUHAMEL (baryton)
  5. Romain GILBERT (metteur en scène)
  6. Maxime PIERRE (collaborateur de Forum Opéra)
  7. Laurent CAMPELLONE (chef d’orchestre, directeur de l’Opéra de Tours)
  8. Leonardo GARCÍA ALARCÓN (chef d’orchestre)
  9. Benoît MERNIER (compositeur, professeur de Jodie Devos à Namur)
  10. Etienne DUPUIS (baryton)
  11. Elsa de LACERDA (violoniste)
© Edouard Brane

Texte lu par Alexandre DRATWICKI lors des funérailles à Namur, le 22 juin

Chère Jodie,

J’espère que tu n’en voudras pas à tes amis de la profession et ceux que nous représentons de venir tracer de toi un portrait intime qui permettra de prendre la pleine mesure de la collègue irremplaçable que tu étais. Rassure-toi, nous resterons discrets sur les milliers de confidences hilarantes ou touchantes – pour ne pas dire inavouables – dont nous fûmes les destinataires et complices, et qui resteront enfouies, et vivantes, dans le secret de nos souvenirs. Mais tu n’aurais pas voulu qu’une telle cérémonie, fût-elle « officielle » et « publique », se déroule sans porter la marque de ta personnalité spontanée, ni la griffe de ton éternelle bonne humeur. Nous sommes ici, autour de ce micro, pour ajouter à cet hommage ce « je-ne-sais-quoi » qui te fit si grande, toi qui n’a pourtant jamais dû te baisser pour passer une porte. Et pour parler de toi, nous le ferons sous la forme d’un opéra imaginaire, ce genre musical qui représentait le meilleur de ta vie professionnelle. Ce sera un grand opéra, en 5 actes donc, mais en 5 minutes néanmoins, qu’on se rassure. Nous voici les comparses et petits rôles de ce libretto dont tu vas être l’héroïne. Que nul ne s’attende à te voir entrer en scène, malheureusement. Mais n’est-ce pas t’offrir le plus beau rôle de ta carrière que celui où il n’y a aucun texte à mémoriser ni aucune vocalise à risquer ? Laisse-toi aller, chère Jodie. Le rideau se lève !

ACTE 1 : LA BIENVEILLANCE
Il suffit de voir tes grands yeux rieurs pour imaginer quelle collègue tu étais. Douce et patiente, mais aussi drôle et spontanée. Partout où tu entrais, tu captais la lumière. On finissait par ne voir plus que Jodie. Mais cette lumière, tu la redistribuais généreusement, et il était difficile voire impossible de te croiser de mauvaise humeur. Cette malice et cette joie de vivre s’exprimaient dans les milliers de messages et SMS que tu nous écrivais, parfois tard le soir, avec un éventail de préoccupations incroyable : « Faut-il rajouter un contre-ré à la mesure 42 ? », « Combien met-on d’œufs dans la carbonara » ou « L’Amour est-il aussi fait de peine ? ». Savais-tu seulement à quel point tu étais aimée ? Le déluge de pensées amicales, chaleureuses, sincères qui occupe les réseaux sociaux depuis plusieurs jours en dit long sur cet amour. Car tu as réussi ce miracle de l’équilibre entre la scène et la coulisse. L’artiste était la femme, la femme était l’artiste.

ACTE 2 : L’AVENTURE
Le monde de l’opéra se souviendra longtemps de ton disque « Offenbach colorature ». Il te correspondait tellement qu’il semblait une émanation directe de ta personnalité et de ton caractère. Cet enregistrement révéla aussi ton goût pour la découverte et ton désir de défendre des répertoires négligés auxquels tu as prêté ton talent pour leur redonner une nouvelle jeunesse. Telle une chercheuse d’or de l’Arizona – enfin… de Namur –, tu n’hésitais pas à te lancer toi-même dans les recherches sur internet ou dans les bibliothèques, pour dépoussiérer ce siècle romantique que tu aimais tant et qui te le rendait bien. Tu aurais dû enregistrer en avril prochain du Onslow, du Clapisson, du Grisart, du Maillart, du Poise, du Adolphe Adam. C’est dire si tout le panthéon des compositeurs oubliés doit t’attendre les bras tendus pour te couvrir des baisers que nous ne pouvons plus te donner. Tu y gagnes certainement, car vous êtes plus nombreux là-haut que nous ici-bas. Nous vous imaginons danser des bacchanales frénétiques en écoutant ton autre récital emblématique, qui n’a jamais si bien porté son nom qu’aujourd’hui : « Bijoux perdus ». Aventurière, tu l’étais aussi au quotidien car tu ne vivais pas dans un monde lisse et ennuyeusement rangé. Tu nous racontais être mortifiée de voir dans ta boîte email des messages datant de 2018, et tu savais transformer ton appartement en champs de bataille à faire blêmir Verdun. Notamment, tout récemment, quand tu avais étalé une sublime mosaïque de contrats et de notes de frais sur le sol pour faciliter la gestion de ta déclaration d’impôts. C’était Koh-Lanta et Fort Boyard tout à la fois pour tes visiteurs.

ACTE 3 : LE DOUTE
Derrière le masque médiatique de la Jodie pétillante et désinvolte, il y avait pourtant une autre artiste que nous – tes proches – avons bien connu. Être soprano colorature signifiait affronter, chaque soir de spectacle, des rôles ardus, hérissés de vocalises et parsemés de notes aiguës fiévreusement attendues par le public. Ce public s’est rarement douté de l’angoisse que pouvait provoquer chez toi certains de ces personnages, et combien cette fragilité, cette crainte du faux-pas, a jeté d’ombres sur des séries de spectacles éprouvants nerveusement. C’est peut-être à cet instant, chère Jodie, que tu devenais pour nous l’artiste la plus admirable et la plus exemplaire. Parce que tu étais modeste, lucide, humble, fragile mais travailleuse et courageuse, en un mot humaine. Toi qui as dû construire pas à pas ta voix et ta virtuosité, tu mesurais mieux que personne le chemin parcouru et celui à parcourir. En ce sens, tu serais sans doute devenue une excellente professeure pleine d’empathie et de compréhension pour tes élèves.

ACTE 4 : DIVERTISSEMENT
Comme dans chaque grand opéra, celui que nous racontons ce matin a aussi son acte léger, qui aurait mérité un grand ballet. Mais tu comprendras que, dans ces circonstances namuroises, nous nous contentions d’évoquer la malicieuse Jodie sans grand écart ni pirouette. Nous sommes tous coupables ici de t’avoir donné, dans l’intimité, des conseils aussi hardis que tes questions étaient osées, mais c’était pour avoir le plaisir de t’entendre nous raconter ensuite le résultat de tes aventures. Oui, les chips aux truffes sont bonnes pour la santé ! Non, ce n’est pas grave de regarder trois épisodes d’une série Netflix sans pause ! C’est une grande fierté de pouvoir témoigner aussi de ce versant de toi, Jodie, qui savait brûler la chandelle par les deux bouts et ne pas être spectatrice placide de ton existence. Ce feu et cette joie sur scène devait se nourrir de tous les plaisirs de la vie, à commencer par le rire ! Et ce n’était pas la moindre de tes qualités que de faire sonner nos téléphones et de nous dire d’une voix faussement candide : « Tu ne sais pas ce qui m’arrive ! » ou « Je crois que je n’aurais pas dû ». Tu n’étais jamais avare, à ton tour, de conseils ou de suggestions pour pimenter nos vies, et nous pousser dans tel restaurant ou à telle lecture de magazine. Merci, Jodie, pour ces fous rires, ces confidences, ces histoires à rebondissements dont Offenbach, lui-même, aurait sans doute fait sa meilleure opérette.

ACTE 5 : LE DRAME
Au dernier acte d’un grand opéra, l’histoire se précipite. Le décor change tout à coup. Les heures joyeuses font place à la tristesse et à la séparation. Toutes ces héroïnes que tu incarnais connaissent un destin tragique dans lequel tu plongeais avec une palette émotionnelle toujours renouvelée. Ce drame du cinquième acte nous empoigne aujourd’hui avec une violence irréelle. Cette Ophélie qui se noie, cette Lakmé qui se condamne, cette Lucie qui renonce, cette Violetta qui ne peut plus lutter contre la maladie semblent toutes là, dans ce cercueil, devant nous aujourd’hui. On voudrait croire que c’est encore un opéra qui se joue, que le rideau baissé va se relever bientôt. Pourtant, non, ce n’est plus un opéra, c’est le fil de ta vie qui a été trop tôt et trop violemment coupé. Le rideau ne se relèvera plus cette fois. Mais, loin au-dessus du théâtre de nos vies, passera une étoile – celle que tu fus sur la terre. À coup sûr, cette étoile filante impressionnera la NASA qui, sous le nom de « la Devos JD 1988 », te prendra pour une arme de haute précision namuroise destinée à répandre la paix dans le monde. C’est que cette étoile est une étoile « colorature », qui va donc plus vite et monte plus haut. Permets-nous, chère Jodie, si le rideau ne doit plus se rouvrir, de t’adresser la récompense ultime que les grands artistes méritent. Et, non, il ne s’agira pas d’un cachet augmenté sans prélèvement à 40% de charges, défraiements hébergement non-plafonnés, commission d’agence supprimée et moins encore sur la base de la présentation d’un certificat de détachement A1, mais tout simplement d’un tonnerre d’applaudissements qui résonnera longtemps et t’accompagnera pour toujours.

Alexandre DRATWICKI

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Message de Vannina SANTONI

Il est des personnes qui dès la première rencontre vous donnent le sentiment de les connaître depuis longtemps. Jodie fait partie de ces êtres exceptionnels. Elle ne se livrait pas au premier venu mais laissait transparaître sa sensibilité par son regard, sa façon de parler, son sourire ou sa moue mélancolique qui la rendait si irrésistible et attachante.

Les longues discussions sur nos vies personnelles, professionnelles, sur les choses futiles qui devenaient rapidement un sujet profond, les avis, les conseils que nous nous donnions, tout cela a été d’une importance et d’une inspiration essentielles. J’ai appris que le futile n’existe pas et que la simplicité est la plus belle des promesses.

Maintenant que tu es sur d’autres rives, ici tu vas nous manquer. Mais l’amour que tu as répandu lorsque tu foulais les scènes, lorsque nous nous prélassions à la terrasse d’un café ou lorsque, bien que fatiguée lors d’une soirée dansante, tu voulais malgré tout participer et que tu faisais danser ton pied, affalée et hilare sur un fauteuil, est un immense cadeau.

Ton au revoir est digne des grandes héroïnes d’opéras. Ta force, ton courage, ta persévérance et ta rage de vivre ont marqué nos esprits et nos corps. L’air que nous respirons et que nous chantons est plus précieux et savoureux, grâce à toi. La profonde tristesse dans laquelle nous sommes plongés se mêle à la lumière que tu as semée.

Merci infiniment d’avoir été mon amie et je sais que nous nous retrouverons.

Je t’aime.

Vannina SANTONI

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Message d’Eléonore PANCRAZI

Ma Jo,

Nous nous disions tout. Absolument tout. Et c’est d’ailleurs parce que je ne me suis jamais sentie jugée avec toi que je me sentais la liberté de tout te confier. Parler de toi en quelques lignes et avec la justesse qui caractérisent mes sentiments et mes émotions actuellement est très difficile, mais je vais essayer de te rendre hommage du mieux que je peux.

Nous nous sommes rencontrées en 2013, lors des auditions finales pour intégrer l’Académie de l’Opéra-Comique. Je n’oublierai jamais cette première impression : tu chantais le rôle d’Adèle dans La Chauve-Souris de Strauss – rôle qui d’ailleurs lancera ta carrière à la scène l’année suivante – avec un talent inégalable et une détermination sans pareille. Je le comprendrai très vite, cette détermination illustrait ton besoin d’être sur scène et de chanter, ce plaisir grisant, ce moteur, ce moyen d’expression si singulier.

Très vite, au sein de cette académie, une complicité s’est établie entre nous, musicalement d’abord, car nos voix se mariaient et nous nous trouvions « une respiration commune » comme tu aimais me le dire. Bientôt, nos échanges sur des passions communes nous ont rapprochées, ainsi que ton humour belge irrésistible, nos confidences et surtout, des rires aux éclats.

Cette relation s’est mue en une amitié indéfectible, pendant plus de 10 ans, durant lesquels j’ai eu l’immense chance d’être aux premières loges d’un début de carrière flamboyant et amplement mérité : quelle chance d’avoir été là pour ton Adèle le soir où tu as remplacé Sabine Devieilhe à l’Opéra-Comique, ou ton Yniold, premier rôle que tu chanteras à l’Opéra de Paris.

Je ne vais pas faire la liste de tes nombreuses qualités, mais qu’est-ce que tu étais drôle ! Je pense pouvoir dire que le rire était sans doute un pilier fondamental de notre amitié, mais aussi le moyen d’éclairer n’importe quel moment obscur – de doute, de tristesse – de ta vie, car cela faisait aussi partie de toi. Tu étais solaire, oui,  mais tu avais aussi une facette mélancolique dont tu te servais sur scène. C’est aussi grâce à ça que tu étais si extraordinaire en Lakmé, en Ophélie, en Gilda, en Lucie…

Quand tu as su pour ta maladie, tu m’as confié que ce qui t’attristait le plus ce n’était pas de partir dans ton sommeil, mais c’était la peine que l’on devrait endurer et celle que tu ressentais à l’idée de ne plus pouvoir chanter. Dire que ma peine est grande serait un euphémisme. Avec toi s’en est allée une partie de moi. Une confidente, une partenaire de voyage, un soutien indéfectible. Deux années de suite, tu as accepté de venir chanter dans le Jardin de mes parents en Corse pour nous aider à récolter des fonds pour venir en aide au personnes atteintes du…. cancer. Qui aurait pensé que ta grande générosité t’amènerait à chanter pour une cause qui deviendrait la tienne…
Les mots me manquent.
Je chérirai à jamais cette chance infinie d’avoir pu me compter parmi tes amis et d’avoir été à tes côtés, jusqu’au bout.

J’t’aime

Eléonore PANCRAZI

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Message d’Alexandre DUHAMEL

J’ai beau voir depuis dimanche les innombrables hommages mérités, je n’arrive toujours pas à y croire. Jodie, toi qui aimais tant la vie, infatigable, solaire, si rayonnante… Nous ressentons tous une peine incommensurable et un sentiment d’injustice terrible.

Je pense à sa famille, à ses amis, à ses sœurs de cœur et à son âme sœur… Son Gérald, son Edgardo, son Julien, à qui je pense particulièrement aujourd’hui : Tu ne seras plus jamais seul, ni sur scène ni dans la vie. Je sais que sa lumière continuera de te porter et que tu brilleras désormais pour deux. Et bien sûr je pense à toi Jodie, merveilleuse collègue et artiste irremplaçable. Merci pour tout ce que tu nous as donné, tu resteras pour nous tous une éternelle source d’inspiration. Repose en paix.

Alexandre DUHAMEL

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Message de Romain GILBERT

La lumière
Celle qui se dégageait de tes grands yeux, celle qui irradiait de ton beau sourire et bien entendu celle qui rayonnait de ta voix. Première rencontre aux Bouffes du Nord où à peine rentrée dans la pièce, quelque chose s’est allumé. Le théâtre des Champs Elysées, Tours, Mulhouse ont été nos terrains de jeu et il y en avait tant d’autres à venir. Cette lumière s’en est allée briller encore plus haut que tes contre-mi et cela pour l’éternité. Tu vas tant me manquer.

Romain GILBERT

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Message de Maxime PIERRE

Il y a encore quelques semaines, faisant face avec beaucoup de courage au cancer qui s’était attaqué à son corps vulnérable, Jodie me disait : « Quand j’étais ado, je voulais que ma vie soit extraordinaire. Il fallait que ce soit dans tous les sens du terme… ».

Extraordinaire, sa vie l’a été. Née avec une passion inébranlable pour le chant. D’abord pour la variété, puis le jazz et plus tard pour l’opéra, un art qu’elle a découvert avec émerveillement et, par sa force sublimatoire, par lequel elle a trouvé un moyen de s’élever. Outre le chant, Jodie était animée par la scène, en témoigne ses talents de comédienne évidents dès la finale du Concours Reine Élisabeth en 2014 – « le début de tout » et « une revanche sur la vie » confiait-elle à la RTBF – où elle faisait la démonstration d’une palette d’interprétations très variées. Son dévouement à son art, sa rigueur au travail, sa technique vocale impeccable et sa capacité à transmettre des émotions profondes resteront gravés dans nos mémoires, dans nos oreilles et dans nos cœurs.

En ces moments difficiles, je pense à ses amis et collègues qui ont eu la chance de la côtoyer, et plus particulièrement à Eléonore Pancrazi, une de ses plus proches et fidèles amies. C’est à Eléonore que je dois ma rencontre avec Jodie à l’occasion de La Vie parisienne à l’Opéra de Tours. Vous m’aviez hébergé un soir dans la maison que vous partagiez toutes les deux le temps de la production. Notre connexion fut immédiate et je me souviendrai toujours de cette soirée. L’adrénaline post-représentation aidant, nous avions veillé tard et beaucoup ri. Dès lors, nous nous sommes revus de nombreuses fois, partageant des moments de complicité, de rires et conversations passionnées (sur le chant mais pas que !). C’est donc naturellement à Eléonore que vont aussi mes pensées, elle qui a été auprès de Jodie jusqu’aux tous derniers moments et qui chantera pour elle désormais. Eléonore, tu es une personne magnifique et rare.

Jodie, je n’oublierai jamais tes grands yeux et ton regard pétillant, ton sourire espiègle, ton esprit vif, ta joie de vivre irradiante, ton humour incisif, ta voix d’or et ton amour pour l’opéra – un art auquel tu donnais tant. Tu étais, quelque part,  à l’image de la musique d’Offenbach : gaie, joyeuse, drôle et virtuose.
Je garde précieusement ces mots – pleins d’optimisme – que tu m’écrivais en avril dernier, en faisant face à la maladie : « il faut toujours regarder devant et avancer, quoi qu’il arrive ».

Au revoir, Jodie, et merci pour la beauté que tu as apportée au monde. Tu nous manques terriblement.

Maxime PIERRE

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Message de Laurent CAMPELLONE

« Grazie signora ! »

Chez Homère, la plus grande malédiction, c’est de ne pas être là où on doit être, de ne pas être dans son destin, de se détourner de sa vérité.

Ce qui subjuguait tous ceux qui approchaient Jodie, c’était de voir à quel point elle était exactement où elle devait être : sur scène, et pour chanter. C’était une évidence, une chose extraordinaire à voir chaque soir. Elle était faite pour cela, née pour cela. Pour venir devant une salle, incarner un personnage et pour offrir absolument tout ce qui l’avait construite et nourrie jusqu’à ce jour précis à cette heure précise où le rideau s’ouvrait. Je ne l’ai jamais vue une seule fois entrer sur scène sans être absolument prête à donner le meilleur d’elle-même. Et je ne l’ai jamais vu sortir une seule fois de scène sans avoir chanté comme si toute sa vie en dépendait. Cette sincérité et ce don total, chaque soir, participaient à faire éclore sur scène, à chacune de ses apparitions, un « petit miracle » que tout le monde percevait.

Il y aurait tant à dire sur la générosité de Jodie envers tous, sur sa capacité de travail impressionnante et inusable, sur son amour immense des grands compositeurs ! Que ce soit pour une représentation, une séance de travail, ou dans la vie privée, la retrouver était toujours une vraie grande fête. Jodie était comme un soleil et elle éclairait tout ce qu’elle touchait de la lumière puissante et sincère de sa joie, de son appétit de vivre et de beauté. Rien ne lui résistait, personne ne pouvait ne pas être bouleversé par son immense humanisme. Elle prenait la peine des gens pour leur donner, en échange, tout son amour.

Un souvenir fabuleux, parmi tant d’autres, avec elle : nous sommes à Padova, près de Venise, en février 2019 pour un concert d’airs d’opéra français. C’est le matin, il doit être 10h environ. Cinq minutes avant d’arriver sur le plateau pour faire la « répétition générale » du concert (c’est un filage complet du programme dans les conditions techniques du concert), répétition durant laquelle il était convenu que Jodie ne chanterait que certains passages puisqu’elle doit chanter le soir même un programme exigeant, nous découvrons que la salle est pleine de… 850 enfants qui ont entre 5 et 10 ans, invités à venir écouter la générale. Ils piaillent d’impatience : on leur a fait entendre des enregistrements de Jodie et ils ont même tous appris un bout du texte d’un air qui est au programme. Ils sont déchaînés, le brouhaha est impressionnant et les instituteurs, dépassés, tentent de retenir certains de ces tigres dans leurs velléités de monter sur scène. L’orchestre s’accorde tant bien que mal dans ce tumulte, tandis que le violon solo tente calmer le jeu à coups de « Silenzio ! » à destination des marmots, marmots dont certains sont d’ailleurs déjà debout sur leurs sièges pour mieux voir.

En coulisse, je dis à Jodie : « C’est plus une répétition, c’est un hommage à Fellini » et, évidemment cela suffit à nous faire rire. Les yeux de Jodie pétillent de cette malice et de cette joie de vivre qui pouvaient soulever des montagnes.

On se prend la main et elle me dit : « Viens, on va les calmer direct, mon Lolo ! »

On entre en scène, devant des enfants déchaînés. Après avoir fait signe à l’orchestre qu’on jouerait exceptionnellement l’ouverture prévue au début du programme plus tard, on attaque un premier air héroïque et rythmique  qui se termine par un contre-ré. Un contre-ré de Jodie à 10h du matin : l’effet est sidérant sur les 850 enfants qui explosent de bonheur.

Je dis à Jodie en riant : « Pour ce qui est de les calmer, on repassera !!! ».

Elle me fait un clin d’œil, se retourne vers la salle. Puis, de façon incroyable, le silence total se fait en 5 secondes juste parce que Jodie pose son index sur sa bouche pour montrer aux enfants que maintenant il faut écouter attentivement. Suit alors un air lent dans lequel elle enchaîne les pianissimi sur le souffle. À la fin, les enfants sont bouche bée. Ils n’osent même plus bouger. C’est une petite fille qui brise le silence en disant au troisième rang en disant « Grazie signora ! ».

La générale a duré 1h30. Jodie a tout chanté à pleine voix. Ce fut un des plus grands moments de musique, de partage et de joie qu’il nous fut donner de vivre ensemble.

En sortant, elle me dit : « Tu sais, si ça a pu donner envie à un seul d’entre eux de venir découvrir l’opéra, alors je suis tellement heureuse d’avoir fait ça pour cet enfant ! »

C’était Jodie.

Laurent CAMPELLONE

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L’adieu de Leonardo GARCÍA ALARCÓN

Adieu Jodie, adieu à La Divine.

Aucune musique sur terre pourra exprimer le manque que ton absence provoque chez nous aujourd’hui, chère Jodie.

Ta voix était gardienne de la beauté, le plus bel ornement de notre ciel et lumière de la terre entière, la plus tendre caresse en musique que l’air ait connu.

Je pense n’avoir jamais éprouvé cette sensation, ce sentiment de vouloir offrir aujourd’hui ma propre existence contre la tienne, pour que ce monde continue à profiter de ton être, de ta voix, de ton Art et de ton sourire, ce sourire qui soignait l’âme de tous ceux qui t’entouraient, ta famille, tes collègues et ton public.

« Le monde ne sera pas le même sans toi » … cette phrase semble avoir été inventée pour ce jour.

Quelle erreur monumentale de la vie inattentive.

Tu étais pour beaucoup d’entre nous le sens ultime de ce qu’un être humain artiste doit provoquer lors de son passage dans ce monde, le symbole même de l’amour, la passion, l’humilité et la dévotion pour la musique.

À l’âge de ton Mozart aimé, tu pars, mais tu nous offres le souffle unique de ta voix et le souvenir impérissable de ta personne.

Tu es éternelle Jodie, tu l’étais déjà sur scène et dans la vie de tous les jours. On le sentait dans ton regard, qui contenait les émotions les plus belles de cet univers.

Tu n’as pas de temps ni d’espace aujourd’hui, tu es toi même le temps et l’espace.
Tu es devenue notre étoile pour toujours, guide de nos cœurs et nourriture de notre chemin jusqu’à la fin de nos propres jours.

Leonardo GARCÍA ALARCÓN

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Message de Benoît Mernier

J’ai rencontré pour la première fois Jodie Devos en 2006. Elle avait 18 ans et commençait ses études musicales supérieures à l’IMEP à Namur où j’enseignais à l’époque. Très vite, son talent, sa vitalité, son énergie toujours positive et contagieuse la firent sortir des rangs, même au sein de cours parallèles tels que l’analyse musicale dont j’avais la charge.

Seize ans plus tard, l’écriture de la fin de « On purge Bébé »  l’opéra de Philippe Boesmans qu’il me demanda d’achever quelques heures avant de nous quitter en avril 2022, me donna l’occasion de pouvoir travailler avec Jodie, essentiellement lors des répétitions de cette formidable production où elle chantait le rôle de Julie Follavoine.

Jodie est arrivée aux premières répétitions totalement souveraine dans ce rôle extrêmement exigeant vocalement. Cette assurance ne l’empêcha pas – que du contraire – de chercher sans cesse comment améliorer musicalement les choses, comment moduler les intentions et la psychologie de son personnage…

© Jean-Louis Fernandez 

L’intensité de sa présence lumineuse et légère portait toute la production et l’entraînait vers l’excellence dans une ambiance rendue toujours positive par sa volonté, son professionnalisme et son éternel sourire qui restera gravé dans la mémoire de tous ceux et celles qui ont eu la chance de la côtoyer. Merci Jodie!

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Message d’Etienne DUPUIS

Il est très rare que je n’arrive pas à trouver les mots pour parler de quelqu’un.  Je lui en ai offert tellement, et souvent.  Des mots de musique, de théâtre et le plus souvent, d’amour et d’amitié.  C’est mon amie Jodie, et même mieux, c’est notre amie !  Nicole, Noah et moi (et même Lily le chien), elle nous a adoptés ou nous l’avons adoptée ou les deux. Elle ne se posait pas souvent, mais quand elle le faisait, on discutait longuement. Et on lui offrait des mots. En échange des siens, de ses sourires à fossettes, de ses étoiles d’âmes… On parlait beaucoup !

Belle comme l’amour. Elle était si belle.  Son amour pour la vie, pour ses amis, sa famille, son art, son amour pour l’amour…il était vif et doux, chaud, flottant, éclatant et soyeux. L’amour utilisait Jodie pour qu’on le voit et qu’on l’entende ! L’amour s’est servi d’elle et elle aura pu en profiter un peu… Je cherche mes mots pour parler d’elle : l’amour, la beauté, l’amitié…

Je veux la voir encore passer la porte et serrer ma femme dans ses bras, gronder Lily, complimenter Noah… Je veux la voir triompher sur scène, et savourer chaque moments entourée de ceux qu’elle aime. Je veux qu’il y ait justice, et que la mort emporte les corbeaux noirs qui ont comme valeur le pouvoir. Que cette mort puisse nous rendre le velours, notre Jodie, celle qui semait l’amour !  Celle qui aimait l’amour. Jodie, notre amie.

Tu nous manqueras toujours.

Etienne DUPUIS

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Message d’Elsa de LACERDA

J’ai souvent oublié que Jodie était une reine de l’opéra. La voyant descendre les escaliers du Théâtre de La Monnaie ou de l’Opéra de Paris, démaquillée et en tenue de ville, elle était encore plus belle que sur scène : elle m’adressait immédiatement ce regard vif et cet énorme sourire, qui traduisait avec gourmandise les retrouvailles de deux amies. La conversation reprenait de plus belle, dans un rythme effréné : la famille, les amours, les conseils beauté pour sublimer nos crinières lusitaniennes. Jodie était un rossignol multicolore, si impatiente de virevolter et reprendre le cours de son existence terrestre. Je pense que ce lien instantané, après parfois des mois de séparation, exprimait parfaitement qui était Jodie : femme de lien, d’une humilité déconcertante, elle n’était au-dessus de personne, elle ne s’écoutait jamais parler, elle avait trouvé mieux : chanter et jouer, tel l’enfant espiègle toujours émerveillé, une forme de candeur doublée d’une maitrise infaillible. Jodie se donnait toujours dans son plus simple appareil : sur scène comme à la vie, sans tabou et sans retenue, légère mais profonde, sans fard mais pudique, joyeuse mais si consciente du fatum, tel Mozart, dont elle est désormais la jumelle. Comme lui, elle quitte la scène du réel à l’âge de 35 ans . Elle avait comme lui, cette lumière intérieure, ce don théâtral dramatique et comique et l’intuition qu’ici-bas, tout n’est que farce ! Embrasse Wolfi pour moi ma Jodie et fêtez cette nouvelle vie comme il se doit !

Elsa de LACERDA

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En 2014, Jodie Devos obtient le deuxième Prix au Concours Reine Elisabeth, un résultat qui lancera sa fulgurante et trop brève carrière.
Après 3 semaines de compétition, son programme  pour la finale pourrait faire blêmir la plus aguerrie des sopranos (l’Orchestre Symphonique de la Monnaie est dirigé par Roland Böer) :
1. Joseph HAYDN – Die Schöpfung : « Es bring die Erde Gras hervor – Nun beut die Flur »
2. Wolfgang Amadeus MOZART – « Vorrei spiegarvi, oh Dio » KV 418
3. Gaetano DONIZETTI – Linda di Chamounix : « Ah tardai troppo – O luce di quest’anima »
4. Richard STRAUSS – Amor
5. Leonard BERNSTEIN – Candide : « Glitter and be gay »

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