La nouvelle production d’Il Barbiere di Siviglia Festival de Glyndebourne signée Annabel Arden n’a d’autre prétention que de divertir et de suivre ce « champagne de vie » (note du programme) qu’est la musique de Rossini. Aussi, au retour de l’entracte s’amuse-t-elle avec les codes du lieu : le rideau se lève sur Bartolo attablé autour d’un panier de pique-nique en osier. Celui-là même que les festivaliers viennent d’engloutir sur les gazons un brin humides en raison d’une météo peu estivale de ce côté de la Manche. Enrique Mazzola lui-même est mis à contribution : il reprend Bartolo quand celui-ci intervertit le nom de « Rosina » dans sa romance. Et Berta, incarnée par l’indétrônable et truculente Janis Kelly, hérite du plus loufoque numéro de soubrette coquine, bien que sur le retour. Les décors cèdent à la mode du chic un peu kitsch qui fleurit sur nos scènes, tout en rappelant l’alcazar sévillan par des arabesques. Seule l’omniprésence de clavecins, transportés par les serviteurs, ou tombés des cintres, reste un mystère. A moins d’y voir un hommage à Nikolaus Lehnoff, habitué du festival décédé en 2015, dont on nous souffle que sa mise en scène de L’affaire Makropoulos in loco usait du même procédé (1995).
© Bill Cooper
Bien que le niveau vocal soit disparate, la fête est au rendez-vous sur scène car tous s’amusent follement. Danielle de Niese surjoue l’espièglerie de Rosina et se débat comme elle peut avec le haut de sa tessiture ou des variations parfois hasardeuses dans « una voce poco fa ». Le deuxième acte la trouve plus à son aise. De même pour Björn Bürner, jeune Figaro, qui savonne son « factotum » mais brille dans les ensembles. Dommage que « Cessa di piu resistere » n’ait pas survécu aux ciseaux, Taylor Stayton déploie une belle grammaire belcantiste et réussit à plusieurs reprises de subtils piani : le ténor américain semblait suffisamment à son avantage pour affronter le morceau de bravoure. Alessandro Corbelli prend deux ou trois minutes pour chauffer un organe récalcitrant, puis il délivre une leçon de chant : diction, accents, endurance l’aident à incarner un barbon irrésistible. Christophoros Stramboglis en Basilio ne dépareille l’ensemble que par une prononciation assez caoutchouteuse.
La jovialité s’échappe également de la fosse où Enrique Mazzola, toujours souriant, règle avec une précision d’horloger les mécanismes de la farce rossinienne. Les crescendos et tutti sont des modèles du genre, le volume toujours maitrisé pour laisser s’épanouir le plateau dans l’acoustique avantageuse de Glyndebourne. Le choix du tempo, les ruptures de rythme occasionnelles, collent à la scène si bien que l’après-midi dominicale dans ces verts pâturages anglais s’achève avec un sentiment de trop peu.