L’actuelle production du chef d’œuvre de Rossini a été créée en 2008, puis reprise en 2011 et 2013. Le cru 2016 est de bonne qualité sans pour autant être un millésime exceptionnel. On y trouve un Figaro gouleyant incarné par Davide Luciano : voix sonore et bien projetée, avec un réel abattage scénique. A ses côtés, Chiara Amarù est une Rosine ronde en bouche, d’une belle présence théâtrale : une authentique voix de contralto, au timbre fruité, avec des vocalises irréprochables et des ornementations bien venues, des graves bien sonores et un aigu facile. Omar Montanari est un Bartolo d’une parfaite maturité, théâtralement juste, drôle sans caricature, et avec une parfaite maîtrise du chant syllabique. La voix de Giovanna Donadini (Berta) a quelque peu dépassé son apogée mais garde quelques fulgurances : des aigus surpuissants et surtout un bonheur scénique qu’elle sait faire partager. On peut dire du vétéran Roberto Scandiuzzi (Don Basilio) qu’il a de la bouteille mais sa voix est restée ample, et le timbre mordoré est intact, sans signe d’usure. Chanteur de style mozartien, Anicio Zorzi Giustiniani (Almaviva) est en revanche bien égaré au milieu de ces rossiniens : une émission trop nasale, un aigu trop couvert, une projection faible… On se croirait revenu avant la révolution de la Rossini Renaissance initiée à Pesaro au début des années 80. Sans surprise, le ténor ne donnera pas un « Cessa di più resistere » qui aurait sans doute tourné au vinaigre.
Dans de beaux décors classiques mais un peu chichement éclairés, Bepi Morassi propose une vision un peu terne de cette comédie et les chanteurs-acteurs semblent bridés dans leur expression. Si dans certaines productions on en vient à regretter l’abus d’effets comiques surajoutés, nuisible à la continuité musicale, ici, on a plutôt un goût de trop peu ! Les scènes les plus naturellement comiques (Bartolo découvrant Almaviva sous les traits d’Alfonso, Basilio ne comprenant pas pourquoi il serait malade, Figaro faisant écho aux répliques des amoureux avant qu’ils ne se fassent tous piéger, etc.) tombent un peu à plat et les rares gags sont quelque peu éventés (Bartolo qui embrasse Figaro croyant avoir affaire à Rosina, chanteurs qui dansent dès qu’ils sont au moins trois…).
Les chœurs sont impeccables et l’orchestre pétillant comme du Champagne sous la baguette de Stefano Montanari qui imprime un rythme constant à cette autre « folle journée » qui fait la joie du public.