Conversation à bâtons rompus chez June Anderson, à Paris, le matin de la finale du premier Concours Bellini, le 18 décembre 2010. Nous avons parlé de son apprentissage du bel canto dont elle est, avec Joan Sutherland, l’une des héritières les plus fidèles, tant pour le style que pour la technique. Très détendue et souvent avec beaucoup d’humour, elle se raconte.
Vous venez d’une famille de musiciens ?
Pas du tout, il n’y avait aucun musicien dans ma famille. Ma mère aimait la danse avant tout. J’ai pris des leçons de danse dès l’âge de deux ans et demi. Mais comme je chantais très juste – ce qui est assez rare à cet âge-là – j’ai fait ma première apparition en public, à deux ans et demi en chantant et en faisant des claquettes ! C’étaient mes débuts. À l’époque, je pensais surtout à la danse. J’ai eu malheureusement un problème aux genoux et j’ai été opérée. J’avais neuf ou dix ans. Ce fut la fin de ma carrière de danseuse ! C’est comme cela que ma mère m’a présentée à cette dame qui m’a enseigné le chant, Madame Riggio. En fait j’ai auditionné pour elle. Elle m’a dit que c’était trop tôt et qu’il fallait que je revienne plus tard, quand j’aurais 11 ou 12 ans. Nous sommes revenues et j’ai commencé à prendre mes leçons chaque samedi matin.
Parlons de cet héritage du bel canto qui est le vôtre.
J’ai eu la chance de travailler avec des professeurs qui formaient partie d’une sorte de chaîne, de lignée, constituée de personnes ayant été en contact avec des chanteurs et professeurs qui avaient été eux-mêmes en contact avec cette école qui remontait au XIXè siècle (aux dernières années surtout). C’est vrai qu’il y a très peu de gens qui ont eu cette chance. Il faut reconnaître qu’aujourd’hui la chaîne qui nous lie à ce passé est plutôt brisée. Je pense que ce lien existe, en moi, avec ce passé et avec ces traditions. Ça a été à la fois une chance et quelque chose que j’ai recherché.
Au niveau technique, par exemple ?
J’avais un professeur qui enseignait la technique de Manuel García, qui est tout à fait la technique de cette époque-là. Son père, qui s’appelait aussi Manuel García, a été le premier Almaviva. C’était également le père de María Malibran et de Pauline Viardot. C’est cette technique-là que m’a enseignée Robert Leonard, mon professeur de New York. Un homme plutôt mystérieux. Je n’ai jamais su d’où il tenait toute cette tradition. J’avais déjà étudié les premières chansons italiennes des XVIIe et XVIIIe siècles, les vocalises de Vaccai et Marchesi, chez Madame Riggio. Mais je ne peux pas dire que c’est elle qui m’a donné la technique qui m’a servi au long de toute ma carrière. C’est Robert Leonard qui me l’a donnée. Madame Riggio m’a guidé, elle m’a montré la route à suivre. Je chantais tout à fait naturellement, sans technique, j’avais une voix très bien placée naturellement, je pouvais vocaliser facilement, mais j’ignorais tout du souffle et de l’appui. Et c’est cela que j’ai acquis par la suite.
Et où tout cela se passait-il ?
D’abord dans le Connecticut, avec cette femme, et ensuite à New York. Je prenais des leçons privées. Je n’ai jamais mis les pieds dans un conservatoire.
J’ai remarqué que les grands chanteurs ont souvent eu des professeurs privés !
La plupart en effet . Et pourtant nous avons tellement de conservatoires ! À mon avis, un chanteur trouve rarement dans un conservatoire le professeur qui lui convient. Un professeur c’est un peu comme un psychiatre. Il faut un rapport de confiance et de fidélité. Il s’agit de mettre une chose précieuse dans la main de quelqu’un d’autre. Il faut vraiment croire en cette personne et avoir entière confiance en elle pour pouvoir lui confier quelque chose d’aussi précieux. C’est très important.
Vous arrivez à New York et vous rencontrez Robert Leonard ? Comment cela ?
Grâce à un répétiteur avec qui j’avais été mise en contact et qui ne savait absolument pas quoi faire de moi ! J’avais 19 ou 20 ans. On m’avait octroyé une bourse pour travailler avec lui. Je suis allé le voir, depuis Yale, chaque week-end. J’habitais New Haven. Il fallait deux heures jusqu’à New York. Chaque samedi, je prenais le train et j’allais prendre ma leçon avec ce pianiste. Quelquefois je sonnais, et personne ne répondait. Des années plus tard il a avoué que c’était parce qu’il avait eu très peur ! « Qu’est-ce que je vais faire de cette toute petite Joan Sutherland avec des tresses? » C’est comme cela qu’au bout d’un moment, il m’a présentée à mon professeur. J’ai vu alors ce monsieur barbu et pas très soigné, avec une boucle d’oreille, et je me suis dit : « C’est lui qui va m’enseigner le chant ? » Mais je dois dire qu’après une heure de cours avec lui, j’ai su tout de suite que c’était ce qu’il me fallait. Il m’avait parlé immédiatement du souffle. J’ai du mal à m’en souvenir en détail : il y a plus de 30 ans de cela. Mais ça a été très fort. Je savais qu’il y avait quelque chose qui ne marchait pas. Je chantais et à l’oreille c’était très bien. Mais après avoir chanté deux ou trois airs, j’avais mal à la gorge et je ne savais pas pourquoi. Leonard m’a fait comprendre que c’était l’appui qui me manquait. J’étais jeune, tout allait bien. Mais il m’a expliqué qu’au fil des ans, sans cet appui, je commencerais à avoir des problèmes. Il m’a fait comprendre que la respiration devait être basse, et qu’on ne devait pas la voir.
Le souffle c’est donc la base du chant. Il vous en faisait prendre conscience par des exercices ?
Oui bien sûr. C’est surtout un travail qui prend des années pour se mettre en place. C’est très facile de savoir où placer le souffle. Il suffit de s’allonger par terre et de respirer. Quand le corps est complètement allongé, on respire naturellement de façon correcte. Même quelqu’un qui a tendance à respirer très haut, une fois allongé par terre, il respire comme il faut. La respiration est automatiquement très basse. Mon professeur me donnait l’exemple des bébés de quelques mois qui crient tout le temps. Avez-vous, un jour, remarqué une voix rauque chez ces enfants? Non, parce qu’ils sont allongés. D’ailleurs on arrive sur terre en respirant naturellement très bien et très bas. C’est par la suite, en se levant, qu’on prend parfois l’habitude de respirer haut. Pour les hommes, c’est souvent plus facile car ils font davantage de sport, ils sont plus en contact avec leur corps (Ce qui n’empêche pas certains chanteurs de respirer mal). Disons que ce problème est plus fréquent chez les femmes.
C’est un très long apprentissage. Alors combien de temps avant de se dire : « je peux me présenter en public » ?
Oh, mais je chantais tout le temps, j’ai toujours chanté ! Je suis une œuvre en transition. Je suis encore aujourd’hui une œuvre en transition. Les choses sont différentes avec le temps, mais on n’arrête jamais de travailler. Il ne faut pas, car le corps change sans cesse. Il faut changer avec le corps et ne pas se laisser dominer par lui. Il faut lui dire : « tu dois faire ceci ou cela, mais pas ça ! ».
Et le choix du répertoire ?
Madame Riggio, mon premier professeur, m’avait offert pour mes seize ans une partition de Lucia qu’elle m’avait dédiée et que je garde toujours. J’ai commencé comme cela avec le bel canto. Son mari était sicilien et il dirigeait un petit orchestre avec lequel il faisait parfois des opéras. C’est ainsi qu’elle m’a poussé à faire de l’opéra plutôt que des comédies musicales, ce qui aurait été beaucoup plus naturel aux Etats-Unis. Voilà comment j’ai commencé. Et j’ai continué avec le bel canto parce qu’en plus je pouvais m’accompagner au piano. J’ai de très petites mains, je n’ai pas une grande extension, je peux faire à peine une octave. Et je ne suis pas une grande pianiste, ça c’est sûr. Mais je peux jouer et apprendre ainsi mes partitions. J’ai quand même besoin d’un pianiste quand l’œuvre est difficile ou quand je ne veux plus m’asseoir au piano et que je veux répéter sans regarder la musique.
Vous avez commencé si jeune à chanter « Lucia » ?
J’ai chanté dans un opéra très moderne quand j’avais 14 ans, avec le New Haven Symphony Orchestra. C’était « La Princesse et le Petit Poix », un conte de fée composé en 1927 par Ernst Toch. L’histoire d’une princesse qui apparaît sous la pluie : personne ne croit que c’est une princesse. Pour s’en assurer on la soumet à une épreuve. On la fait dormir sur 21 matelas, après avoir caché un petit poix sous le dernier. Le décèlera-t-elle ? La pauvre ne parvient pas dormir, quelque chose la dérange : le petit poix sous le 21è matelas. La preuve est faite : c’est bien une princesse ! C’était de la musique très moderne. Comme quoi, aujourd’hui, je suis revenue à la musique de mes origines car je chante à présent beaucoup de musique du XXe siècle. Après ce petit opéra, j’ai chanté L’Infedeltà Delusa de Haydn et puis Gilda de Rigoletto. J’avais 17 ans. On me disait que ma voix, à cette époque-là, ressemblait à celle d’Erna Berger ! J’avais toujours un bon médium. Et un bon legato. Par chance j’ai trouvé Robert Leonard. Autrement je n’aurais jamais fait carrière. La nature c’est bien, on peut arriver jusqu’à un certain point avec la nature, mais, après, il faut savoir exactement ce que l’on fait.
Donc il faut continuer toujours à étudier?
Oui absolument, il faut toujours continuer à travailler. J’ai perdu hélas mon professeur : Robert Leonard est décédé, il y a une vingtaine d’années. Mais je travaille toujours toute seule techniquement, je m’écoute beaucoup, je m’enregistre, j’essaie de réparer les choses. Et puis une fois qu’on a résolu un problème, il y en a un autre qui apparaît. C’est comme cela, c’est la vie ! La voix est toujours en train de changer ….en bien ou en mal !
Mais revenons à votre carrière. Y a-t-il eu un concert ou une représentation qui a été déterminante et qui vous a lancée?
Non, pas du tout, cela a été très lent. Il y a eu des soirées où on disait: « Ça y est ! On vient de découvrir June Anderson! » La presse unanime, les acclamations du public ! Et pourtant il n’y avait pas forcément d’engagement à la suite de tels succès ! Par exemple, j’ai remplacé Montserrat Caballé, au pied levé, à New York, dans Semiramide, en concert. Gros succès et tout le monde s’est dit : « après cela, sa carrière est vraiment lancée ». Et non ! Il a fallu attendre. En fait, ça a commencé quand je suis partie des Etats-Unis pour aller chanter en Italie, puis quand j’ai fait mes débuts en France et partout ailleurs par la suite.
Il y a eu ce concert mémorable à Paris, avec Alfredo Kraus !
J’étais déjà bien dans la carrière. C’était il y a 23 ans !
Et c’était toujours, alors, le bel canto ?
Oui, en effet, j’ai commencé par le bel canto. Je me suis dit que pour aller de l’avant dans la carrière ce serait bien qu’on associe le nom de June Anderson à un certain répertoire. Alors j’ai fait exprès de me consacrer principalement au bel canto d’autant plus que c’était, à mon avis, un répertoire qui me convenait particulièrement et que je pouvais y trouver une petite niche. Malheureusement après y avoir creusé cette place, cette « niche », on ne me voyait plus dans autre chose, dans un autre répertoire. J’étais connue dans le bel canto. On m’avait casé là-dedans, un point c’est tout. Et je n’ai pas aimé cela. Ces dernières années, j’ai pu m’en échapper, car je chante à présent davantage de musique du XXe et du XXIe siècle, à part certains récitals et concerts, pour lesquels on me demande surtout des oeuvres du XIXe.
Le soir de votre récital du 13 décembre, votre interprétation de l’air de « Show Boat » a étonné et enthousiasmé le public !
Mais je suis née avec les comédies musicales et je les adore ! J’ai fait des comédies musicales quand j’étais au lycée ! Pas Show Boat mais Guys and Dolls et Carrousel par exemple.
Vous allez bientôt chanter « Salomé » dans la version française réalisée par Richard Strauss lui-même !
C’est un projet qui date de plusieurs années, et qui n’avait pas abouti. Une idée de Sergio Segalini pour La Fenice. J’y avais interprété Daphné et l’année suivante ce devait être Salomé en français mais le projet ne s’est pas réalisé. J’ai beaucoup aimé chanter Daphné et je me passionne à présent pour cette Salomé « française » (à Liège en juin 2011) tellement différente de l’« allemande » que tout le monde connaît si bien. Auparavant j’étais très heureuse de chanter le bel canto jusqu’au jour où j’ai chanté Norma. À partir de ce moment-là, Norma a été le seul ouvrage que j’ai voulu chanter dans le répertoire belcantiste. Les autres œuvres me paraissaient très fades, pas très intéressantes finalement. C’est alors que j’ai commencé à regarder de nouvelles partitions, à chercher quelque chose de nouveau pour moi.
Et tout d’un coup, à Paris, le succès de June Anderson dans « Die Bassariden » de Henze ! La technique du bel canto permet de s’adapter à tout ?
C’est ce qui est bien avec le bel canto. Cela demande tellement de choses, d’exigence, il faut un tel contrôle technique que, par la suite, si on a les moyens vocaux, on peut aborder beaucoup de styles et de répertoires différents. Mais, bien sûr, seulement si la voix le permet. Moi, par exemple, je n’aurai jamais la voix de Brünnhilde ! Même si je le voulais, je ne pourrais jamais chanter ce rôle. Par contre, d’autres rôles de Wagner oui ! Par exemple, j’ai enregistré, toute jeune, un disque de son premier opéra, « Die Feen ». Le bel canto vous oblige à faire tellement de nuances. La voix est pratiquement nue. Il exige une discipline et un contrôle importants qui permettent d’aborder ensuite d’autres répertoires.
Donc la mise en scène d’opéras belcantistes doit être attentive avant tout à la musique ?
Oui, parce qu’elle doit refléter visuellement la poésie qui est dans la musique et ce n’est malheureusement pas toujours le cas. L’opéra belcantiste est très fragile. Le metteur en scène doit avant tout l’aborder avec respect et sensibilité. Ce qui n’empêche pas une vision théâtrale forte et originale.
Vous avez longtemps hésité à transmettre cet héritage et soudain vous vous découvrez pédagogue !
C’est vrai que n’ai jamais voulu enseigner. Jamais, jamais ! J’étais convaincue que je ne pouvais pas. On m’a demandé de faire quelques « master classes ». Mais je souffrais, je n’aimais pas cela du tout. C’était horrible. En fait, il y a quelque chose que je n’avais pas compris. Et cela m’est revenu par la suite. Une chose que mon professeur m’avait dite : « Un professeur est aussi bon que l’élève ». Pour être un bon professeur, il faut avoir un bon élève et vice-versa. La première fois que j’ai eu une expérience très positive à cet égard c’est quand j’ai enseigné à « La Chapelle Reine Elisabeth » à Bruxelles. José van Dam y dirige le département de chant. J’y ai fait trois jours de « master classes » privées. Je n’aime pas du tout faire une « master class » avec du public. Cela devient un show ! C’est très difficile. J’y arrive mieux aujourd’hui grâce à mon expérience de professeur et j’accepte quand il le fallait mais un élève ne va pas beaucoup apprendre en 40 minutes devant un public. Il vaut mieux que ce soit en privé ou en présence d’autres élèves. Ce que j’aime c’est faire des stages de plusieurs jours où j’ai la possibilité de travailler plus d’une fois avec chaque élève. L’important, c’est de travailler un jour avec un élève, de le revoir le lendemain et de faire le bilan de ce qu’il a retenu, s’il a fait des progrès ou s’il a tout oublié. De cette façon, je sais si je peux aider ou pas. Comme je le disais, la première fois que j’ai eu de bons élèves, c’était à « La Chapelle » de Bruxelles. Puis j’ai fait des cours à Cardiff, au Pays de Galles. Dennis O’Neill, un collègue avec qui j’ai beaucoup chanté, entre autres à Covent Garden, y a créé une école de chant et il m’a invitée. Là aussi il y avait des talents. Enseigner demande beaucoup d’énergie et moi je me donne toujours beaucoup car quand je décide de faire quelque chose, je le fais à 100%. Quand je ne veux pas, il n’y a rien à faire, on ne peut pas m’obliger. Et j’aime enseigner. En plus, c’est bien pour moi aussi, car cela me confronte à ma propre technique. En effet, quand je fais une remarque à quelqu’un, je me demande en même temps « Est-ce que je fais moi-même ce que je dis ? » Je dois me poser la question. Ce qui fait qu’en donnant une leçon aux autres je me donne aussi une leçon à moi-même.
L’autre jour, lors de votre « master class », vous avez réussi en peu de temps à décontracter un ténor dont on a entendu soudain la vraie voix !
On ne peut pas changer quelqu’un en quelques minutes, mais on peut un peu briser la glace. Oui c’est cela : il faut trouver très vite quelque chose qui va le faire changer. Lui, il avait la mâchoire serrée. C’était une émission qui allait devenir « ingolata », laryngée. En écoutant les vieux enregistrements, il n’était pas allé à l’essentiel, il n’avait retenu que les tics !
Il ne faut pas écouter les disques ?
Bien sûr que si, au contraire. On peut apprendre beaucoup en écoutant les disques des Grands Chanteurs.
L’autre soir après votre interprétation de mélodies de Duparc on vous imaginait dans des « Wesendonck Lieder ». Mais Wagner au fond avait composé pour des chanteurs qui venaient de l’école italienne?
Mais c’est ce que Wagner voulait ! Il voulait des chanteurs de l’école italienne. De la même manière, Jean-Pierre Brossmann a voulu m’engager pour un opéra moderne à cause de ma pratique du chant italien et non pas une artiste spécialisée dans la musique contemporaine. Il voulait une approche de l’œuvre un peu différente, et quelqu’un qui aborderait cette musique comme si c’était du Bellini. Et j’ai trouvé un vrai partenaire en la personne du chef d’orchestre Kazuchi Ono qui est vraiment fantastique. Je l’adore. J’ai eu peur un moment: il y avait une espèce d’air de folie dans le dernier acte et c’était deux pages formidables, comme un petit Lied. C’était bouleversant et avant de connaître Kazuchi j’avais peur qu’il le veuille très carré et métronomique. Mais pas du tout. C’est ce même lyrisme qu’il recherchait dans cette musique du XXe siècle.
Et pourquoi pas compositeur qui composerait pour vous ?
Mais oui bien sûr, maintenant que je deviens une spécialiste de la musique contemporaine ! (Rires !)
Propos recueillis par Marcel Quillévéré