Proposée en billetterie à moitié prix comparée aux autres productions du Royal Opera House, cette Katia Kabanova, deuxième volet du cycle Janacek, n’en est pas moins une solide et entière proposition.
Certes, Richard Jones opte, contraint et forcé, pour la frugalité des décors : des côtés de scène en cartons percés de portes à cour et à jardin, par lesquelles défilent le chœur et une foule de figurants qui épient en permanence la pauvre Katia ; un pan de mur de maisons amovible, déco vieillotte, qui descend des cintres et se retourne pour montrer la façade ; et un abris bus vert… Les costumes pattes d’éléphant font eux pencher la balance vers une époque proche de nous mais d’avant la libération sexuelle, choix judicieux eu égard à l’ambiance « ordre moral » du livret. Dommage que, pour soignée qu’elle soit, notamment pour montrer scène après scène l’ambiance suspicieuse qui pousse Katia vers la folie et le suicide, la direction d’acteur s’affuble de quelques tics agaçants. Ainsi Katia se jette un peu trop souvent contre les murs qu’elle rencontre. Reste un deuxième acte nocturne sous un lampadaire, qui, costumes sixties et amourette réunis, fait penser à une sorte de La La Land des pays de l’est.
© Clive Barda
Dans la fosse Edward Gardner convainc malgré des bois et des cuivres pas toujours à leur affaire. Le chef britannique parvient tout de même à imposer contrastes et dynamisme à ses troupes. Si les couleurs, consubstantielles à ce répertoire, pâtissent de la méforme des pupitres suscités, le lyrisme et l’ironie de la partition sont bien mis en avant.
La distribution apporte son lot de satisfaction, à commencer par les petits rôles dont le Dikoï caractériel de Clive Bayley ou le Tichon impuissant d’Andrew Staples. Pavel Cernoch, après son Laca brûlant d’Amsterdam cette saison, réitère ici dans le rôle plus court de Boris : brillance des aigus et chaleur du timbre en font un amant idéal. Chez les femmes, on reste sur notre faim avec la Kabanicha de Susan Bickley à cause d’un medium amenuisé mais on se régale du chant pétillant d’Emily Edmonds (Varvara). Enfin Amanda Majeski, loin des Mozart qu’elle défend sur les scènes du monde, effectue une prise de rôle réussie en Katia. Hallucinée et fragile en scène, elle déploie un chant pur et lumineux, d’une précision d’orfèvre, même si on peut toutefois préférer des timbres plus charnus pour incarner la jeune femme adultère.