Que serait la critique musicale sans le lecteur ? Une voix dans le désert. Un soliloque bavard, pédant et inutile. Et pourtant, la critique s’est-elle jamais souciée des attentes de ceux qui régulièrement la lisent ? Non, drapée dans la chasuble de ses supposées connaissances, elle jauge, elle qualifie, elle catalogue, elle professe. Du moins en donne-t-elle l’impression. Alors pourquoi la consulter ?
Désireux de mieux comprendre les motivations de nos lecteurs, nous avons lancé une courte enquête* dont les résultats, suffisamment nombreux pour être significatifs (677 répondants), apportent quelques éléments de réponse.
En premier lieu, l’intérêt évident que suscite la critique. Comptes rendus – de spectacle, de CD, de DVD, de livre – sont pour près d’un lecteur sur deux (43,3%) la rubrique lue en premier, bien avant l’actualité, qu’elle soit sous forme de brève (13,4%), d’interviews ou autres formes d’articles liés aux préoccupations lyriques du moment (19,4%).
Sur les attentes de chacun, les avis sont plus partagés. Si la balance penche en faveur d’un compte rendu le plus objectif possible (47,5%), près d’un lecteur sur trois (31,8%) apprécie la subjectivité propre à l’exercice et, un sur cinq (20,7%), conscient peut-être de la relativité de l’analyse, s’attache à la forme plus qu’au fond (peu importe les avis formulés, pourvu que ce soit drôle).
Quant au contenu, le critère le plus proposé, parmi ceux cités, est « rien de particulier » (39,4%). Le lecteur n’aurait donc pas d’attentes. A la critique de le surprendre. Un passage en revue de toutes les composantes du spectacle s’avère néanmoins nécessaire (29,6%) avec en priorité les chanteurs (33,5%), puis la mise en scène (22,6%) et la direction d’orchestre (15%). Enfin, si l’œuvre est peu connue – on le suppose –, un rappel du synopsis s’impose (8,1%).
Faire court, mais pas trop, –entre 3000 et 6000 caractères – est la consigne majoritaire (82,9%).
Même si les questions s’éloignent du sujet, nos lecteurs seront heureux d’apprendre que selon eux, nos trois points forts sont la réactivité (47%), le style (41,4%) et l’exhaustivité (30,2%). Pour plus de la moitié d’entre eux (55,3%), nous n’avons pas de points faibles, notre principal axe d’amélioration étant la subjectivité (21,7%). Mais la critique peut-elle être objective ?
Passage du féminin au masculin. Et le critique, quel que soit son sexe, comment le faudrait-il ? Avant tout amateur éclairé et – souhaitons-le – éclairant (70,9%), formé si possible à la musique (22,7%) et très accessoirement doté d’une belle plume (6,3%).
Enfin, trois lecteurs sur quatre (75,9%) se concentrent exclusivement sur les spectacles qui les intéressent. Il aurait fallu, au risque d’allonger dangereusement l’enquête, demander quels critères font, selon eux, le spectacle intéressant ou non. Le compositeur? L’œuvre ? Les artistes ? Le metteur en scène ? Un peu de tout cela et d’autres choses encore. Une généralité n’est pas forcément la somme de ce qui est propre à chacun.
Lire une critique n’est-ce pas aussi confronter ses idées à celles de l’autre – ses impressions si l’on a vu le spectacle, ses a priori sinon – et par là-même approfondir son analyse, l’enrichir, la structurer, la fertiliser. Que serait le lecteur sans la critique ?
* Enquête réalisée avec l’aide d’Antoine Brunetto, auquel nous adressons nos remerciements.