« C’est le charme, c’est l’esprit. Depuis Les Noces de Figaro de Mozart, on n’a pas écrit un opéra-comique de la valeur de celui-ci. » applaudissait Carl Maria von Weber à la sortie d’une représentation de La Dame blanche le 28 février 1826. L’œuvre, la quatrième au box-office de la Salle Favart (derrière Carmen, Manon et Mignon), retrouve les faveurs de l’affiche après une éclipse de près d’un siècle, si l’on excepte la production de Jean-Louis Pichon en 1997, reprise en 1999, qui donna lieu à un enregistrement, aujourd’hui de référence (Minkowski, Massis, Blake…). On aurait aimé que les retrouvailles scellent la réconciliation avec l’ouvrage. Elles en rappellent la fragilité.
Enthousiasmée de son propre aveu par le « romantisme gothique » du livret, Pauline Bureau semble hésiter : comique ou fantastique ? Premier ou deuxième degré ? Deschiens or not Deschiens ? Cela donne un spectacle indéfinissable. Décors en carton-pâte, costumes enguenillés, lumières verdâtres, projections vidéo grand-guignolesques… Le premier acte est laborieux. Les interprètes que l’on connaît et que l’on aime semblent eux-mêmes mal à l’aise. Yann Beuron est-il le ténor de caractère auquel on associe Dickson et Sophie Marin-Degor, le mezzo-soprano qu’exigent les notes graves de sa ballade ? Philippe Talbot aussi apparaît en retrait dans les ensembles. Si l’on a connu Georges Brown plus vaillant, le soldat conserve son caractère jovial.
© Christophe Raynaud de Lage
La scène des enchères dope le deuxième acte. Aude Extremo prête son timbre étrange à Marguerite. En Anna, Elsa Benoit fait preuve de tempérament à défaut de science belcantiste, ce que confirmera ensuite l’air « comme aux jours » dépourvu d’effets. On sait trop combien la pensée de Rossini hanta Boieldieu durant la composition de La Dame blanche pour ne pas regretter d’en discerner davantage l’esprit. Heureusement, le courant passe entre les amoureux. La voix de Philippe Talbot trouve une assise plus large dans la cavatine « Viens gentille dame ». L’air écossais touche ensuite à la grâce en une quête effrénée d’aigus, plus haut, toujours plus haut, sur le fil et dans le ton. Jérôme Boutillier est trop sympathique pour que Gaveston endosse le mauvais rôle. La mise en scène ne l’aide pas à choisir son camp. Les Elements rendent justice à une écriture chorale complexe qui ose diviser les pupitres. L’orchestration de Boieldieu, en revanche, n’est pas le point fort de la partition. Au moins la direction de Julien Leroy, animée et précise dans les ensembles, a-t-elle le mérite de nous le faire oublier, à défaut de donner entièrement raison à Weber : ni vraiment le charme, ni vraiment l’esprit.