Dessinateur allemand né en 1984, Mickaël Ross a d’abord effectué une formation de tailleur à l’opéra de Munich, avant d’étudier le stylisme à Berlin puis de choisir de rester dans l’univers de la bande dessinée, qu’il a abordé dans les années 2000.
Son nouvel ouvrage, qui paraîtra le 23 avril chez Dargaud, est centré sur Ludwig van Beethoven, dont il ne prétend pas nous offrir toute une biographie. Cette BD porte un regard décalé sur les années 1778 (Ludwig – Luddi – a 7 ans) – 1795 , jusqu’à la création de son 2ème concerto pour piano (en réalité composé en premier) et jusqu’aux prémices de ce mal qui surgit du plus profond de son crâne et envahit ses oreilles comme l’horrible bête qui clôture l’ouvrage, le laissant pétrifié d’angoisse. On reste longuement sur l’enfance de Beethoven et sur la construction de son génie, à la fois étouffé et aiguillonné par un père alcoolique qui rêve de faire de son fils un autre singe savant, comme Léopold Mozart l’avait fait avant lui. Comme le souligne le titre, c’est l’histoire du petit Ludwig qui va laisser peu à peu laisser place à Beethoven, dès lors qu’on le laissera enfin composer ses propres œuvres.
Le dessin est abrupt, torturé. Il convient finalement bien à ce que l’on sait des débuts de Beethoven dans la vie, le quasi dénuement de sa famille, un père perpétuellement ivre qui l’astreint à travailler même la nuit, une mère aimante qui croit en lui et les problèmes de santé qui le harcèleront toujours. Mais aussi les coups de chance successifs qui lui ont permis de rencontrer les bonnes personnes au bon moment, jusqu’à Joseph Haydn, professeur austère et distant qui comprend tout de son élève. Nous voici plongés dans un univers enfantin rarement drôle, plein de cauchemars et de fantômes, souvent grossier voire ordurier. Un monde aux couleurs rares, sombre, où le jeune Beethoven, colérique et tourmenté, est environné de crétins (ses frères), d’alcooliques (son père et ses amis) et de profiteurs (le comte Waldstein) et dans lequel les seules couleurs qui surgissent sont celles qui proviennent de sa musique, qui laisse toujours (sans exception) ses auditeurs stupéfaits d’admiration.
On aura donc compris que non seulement il ne s’agit pas d’une biographie complète de Beethoven en BD, mais que ce qui nous est ainsi décrit mélange l’imaginaire et le réel, à commencer par l’alcoolisme de son père, qui finira par le rattraper aussi, mais aussi les rencontres plus ou moins décevantes (Mozart, Haydn, Waldstein…) ou encore les flirts bien connus (Magdalena Willmann, Eléonore von Breuning).
Ces chassés croisés permanents entre inventions et réalité historique n’ont bien sûr rien de nouveau ni de rédhibitoire, c’est un parti pris assez commun. On regrettera seulement que cette bande dessinée, intéressante, vive et énergique, insiste autant sur les désordres intestinaux de Beethoven, certes connus et aggravés par le saturnisme dont il souffrait, mais érigés ici en leitmotivs assez douteux et passablement fatigants, qui débutent avec le moqueur Ludwig van Pète-au-Vent que lui balancent des garnements dès les premières planches. De même que la brève rencontre avec Mozart nous offre un portrait de ce dernier puant et ordurier, image outrancière et elle aussi scatologique de l’entrevue de 1787, que ne rattrape pas tout à fait la fable inventée de Mozart autour du porc et du merle (vous drevez lire la BD pour la découvrir). L’auteur cherchait-il un effet de contraste avec le monde merveilleux créé par la musique de Beethoven ou avec une certaine image idéalisée que nous avons du raffinement mozartien pourtant déjà écornée par l’Amadeus de Forman ? Nous voici davantage dans la caricature que dans le contraste. Pourquoi pas, mais dommage d’avoir choisi cet exemple, et de façon si appuyée, pour le figurer.