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Matthieu Dussouillez : « Il faudrait pouvoir venir au spectacle sans attente, avec sa curiosité et sa bienveillance »

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Interview
13 septembre 2024
Matthieu Dussouillez, directeur de l’Opéra national de Nancy-Lorraine, évoque sa saison 2024-25.

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Détails

Quel est le fil conducteur de la nouvelle saison ?

Cette saison éclaire les cinq siècles de l’histoire de l’opéra, de la création au baroque, en passant par les œuvres du xxe siècle, que je tiens tout particulièrement à défendre. Dans l’architecture d’une saison, j’accorde une grande importance à la manière dont les ouvrages se répondent et entrent en résonance les uns avec les autres. Cette saison, le fil qui relie toutes les propositions est celui de la transgression, avec en ouverture une soirée qui en est aussi la signature : Héroïne, un triptyque composé de trois œuvres rares et néanmoins fascinantes, de compositeurs qui ont défié les codes de leur temps dans le fond comme dans la forme. Hindemith tout d’abord avec Sancta Susana, opéra jubilatoire et ô combien blasphématoire, Bartók et sa réinvention du conte Barbe Bleue de Perrault et enfin Honegger, qui brave l’ultime tabou avec sa Danse des morts. Trois gestes saisissants, qui offrent un formidable aperçu de ce que l’opéra du xxe siècle peut contenir de puissance et de sensations. 

Qu’en est-il du jeune public ?

Nous y sommes très attachés. C’est pourquoi nous avons conçu des programmes tout spécialement pour eux, et ce… dès le berceau ! Avec « Opéra berceau », dont nous ouvrons la quatrième saison, nous proposons aux familles un vrai moment d’opéra où musiciens et chanteurs invitent parents et enfants à prendre part au spectacle. Pensés et conçus par nos propres équipes techniques qui en assurent la création et la réalisation, ces programmes « maison » sont un vrai bijou d’éveil musical, cousu main.

Je ne peux m’empêcher d’admirer le décor de votre bureau et de son ambiance très musicale…

En effet, mon piano et mon tuba sont aussi des outils de travail ! L’ordinateur est dans un coin de la pièce car je préfère de loin consacrer de l’espace aux réunions. Cela ressemble à un joyeux désordre, mais je m’y retrouve, et je dois dire que je l’apprécie. C’est important, compte tenu du temps que j’y passe. On y trouve aussi quelques indices de mon histoire personnelle : cette photo des Boréades de Barrie Kosky, c’est un souvenir cher à mes yeux, l’un des derniers spectacles que j’ai pu produire à l’Opéra de Dijon. J’adore Rameau et puis Barrie Kosky a fait sa première mise en scène à Dijon en 2013 avec Castor et Pollux, à l’initiative de Laurent Joyeux avec qui je faisais alors équipe.

Vous allez continuer cette aventure autour de Rameau ici ?

Ce type de programme, qui appelle des formations spécialisées sur des instruments anciens, ne serait pas adapté à l’Opéra de Nancy. Nous avons la chance d’avoir un orchestre à demeure, le programme doit être envisagé comme une manière de le donner à entendre dans sa singularité, et cela ne peut se faire qu’avec des ouvrages adaptés à sa dimension et son identité.

Ressentez-vous ces problèmes de budgets en termes de manque ?

Nous ne pouvons plus travailler dans les conditions du passé, c’est un fait. On peut le déplorer, je préfère m’adapter et préserver l’enthousiasme intact. Cela passe par une programmation réjouissante : faire preuve d’inventivité et penser le dosage entre spectacles maison et productions déléguées, des formats nouveaux et des rendez-vous avec les publics, pour créer toujours d’avantage de liens et d’espaces de transmission et de rencontre, avec les moyens dont on dispose. Britten l’a fait dans les années 1950 (English Opera Group) et il a donné forme à une esthétique qui n’a rien à envier au faste d’autres décennies. 

De quels nouveaux formats parlez-vous ?

Notre soirée Héroïne constitue à mon sens un bel aperçu de ce que les conditions actuelles peuvent aussi générer d’alliages insoupçonnés, et finalement très bienvenus : trois œuvres encore jamais données en une même soirée, dont les échos sont pourtant frappants, réunies dans un seul geste par le jeune metteur en scène Anthony Almeida, qui a su faire des contraintes une source de création. Quelques mois plus tard, L’Avenir nous le dira, création jeune public avec l’Opéra de Lyon, confiée à Diane Soh, Emmanuelle Destremeau et Alice Laloy, fait tinter la musique mécanique jusque dans les décors. Entre création lyrique et théâtre musical, les frontières sont poreuses à mes yeux, l’une doit se nourrir de l’autre. Les plus jeunes mélomanes n’éprouvent, à ce que l’on dit, pas encore le goût des catégories, et c’est heureux.

La fin de saison verra se poursuivre l’aventure de l’expérimental Nancy Opéra Xperience, notre laboratoire de création lyrique, tout entier dédié à l’exploration de formes inédites. Pour ce nouvel opus, Les Incrédules, NOX#3, Samuel Achache et ses acolytes ont recueilli les histoires de miracles ordinaires et extraordinaires de Nancéiens, de Parisiens, de Napolitains de tous horizons. Parce que si notre réinvention passe par une agilité économique, elle ne doit pas nous détourner des enjeux sociétaux qui sont les nôtres.

Que répondez-vous à ceux qui vous parlent encore et toujours d’opéra « élitiste » ?

En termes de stratégie, je fais en sorte de créer l’événement à ne pas manquer dans la vie nancéenne. Et cela fonctionne. « Opéra berceau », par exemple, est devenu incontournable pour les parents nancéens. Le meilleur moyen, pour moi, de faire venir des parents à l’opéra est de faire devenir leurs enfants spectateurs. Cette émotion partagée met en mouvement naturellement toute la famille vers l’opéra. Je me réjouis que nos publics représentent une photographie fidèle du Nancy d’aujourd’hui. Dans la salle, on trouve des jeunes de tous âges, ainsi que de nombreux étudiants grâce notamment à nos places à 10 euros (qui ne sont pas au poulailler mais au milieu des abonnés !). La production d’un opéra demande certes des moyens conséquents, c’est un art qui requiert des savoir-faire et des effectifs considérables, mais nous avons à cœur de proposer des tarifs abordables, et mettre la magie à portée de tous.

Comment attirer aussi ceux qui ont peur de l’opéra ?

Certains sont persuadés que l’opéra est truffé de codes ; le bâtiment, qui semble réservé aux bourgeois, ferait peur. Mais je suis, pour ma part, convaincu que le lieu, et la somme des artistes qui s’y rencontrent, participent du spectacle – et nous avons cette chance, à Nancy, d’avoir un foyer qui permet d’admirer la place Stanislas de haut. Une fois la porte franchie, les personnes se rendent compte que les codes ne sont pas si figés, les gens viennent habillés comme ils le souhaitent. C’est bien là tout notre enjeu : faire passer les portes à des jeunes dont je suis convaincu qu’ils ne vivent pas que d’écrans et de virtualité. Pour cela, nous n’avons pas hésité à concocter des propositions qui peuvent surprendre, et qui créent leur effet. L’année passée, nous avons proposé début octobre une soirée étudiante, avec en première partie des airs d’opéra de Kurt Weill, puis en deuxième un DJ nancéien. La file d’attente s’étirait sur toute la place Stanislas… Ils étaient 1000 ! Au final, les étudiants ont même regretté de n’avoir pas eu plus d’opéra, après tout c’est pour ça qu’ils étaient venus. Voilà pour nous une belle expérience, sur laquelle nous appuyer pour la suite. Cette année, ils vont en avoir, de l’opéra ! Nous prévoyons une soirée lyrique avec de jeunes artistes qui choisiront eux-mêmes le programme. Il faut se donner les moyens de proposer les formats adéquats, en respectant les publics, autant que nos savoir-faire et notre exigence, pour mieux la mettre à portée de tous.

Vous compareriez cette façon de faire avec quelle époque de l’histoire de l’opéra ?

J’aime bien l’idée que l’on a pu, dans le passé, faire avec les moyens du bord. Par exemple, se dire que Rossini ait pu composer La Cenerentola en six semaines, répétitions incluses, avec les chanteurs qu’il avait sous la main. L’histoire de l’opéra, c’est ça, et non celle d’un art figé. Et que savons-nous, d’ailleurs, des intentions des compositeurs s’ils étaient là aujourd’hui ? Je me méfie beaucoup de la volonté de rester à toutes fins fidèle aux œuvres. Dans son livre Le Discours musical, Harnoncourt écrit que l’interprétation doit rester vivante et contextualisée, je partage cette idée. J’entends tout à fait que l’on puisse ne pas vouloir retrouver sur scène la laideur ambiante, mais on peut aussi venir à l’opéra pour se faire bousculer. L’art est là pour questionner. On ne peut pas plaire à tout le monde, ce qui m’importe c’est que le geste soit sincère, et qu’il soit animé de passion.

Vous sentez-vous plutôt iconoclaste ou plutôt muséographe ?

Les projets que je défends ont pour trait commun une singularité, une émotion, une inventivité. N’étant pas issu du sérail, je suis habité par des valeurs plus que par des usages. C’est vers l’âge de 10-11 ans que j’ai rencontré la musique. J’étais alors enfant de chœur et j’ai été subjugué par un tambour lors d’un défilé. C’est pour en jouer que je me suis inscrit à l’école de musique et à l’harmonie, mais mon choix s’est finalement porté sur les percussions. Mon grand-oncle, seul de ma famille à être mordu de musique classique, m’a enregistré des cassettes, et initié à cet univers. Je ne crains pas de dire que j’ai vu mon premier opéra à l’âge de 18 ans. C’était La Traviata, dans un endroit où j’ai travaillé dix ans après… Ça reste un souvenir fort. Cette rencontre-là est possible et j’ai envie de la transmettre. Peu importent les méthodes. Il faut garder en tête l’envie de partager, avec une grande exigence pour viser l’excellence.

En assistant au pot de première offert aux artistes, j’ai pu constater que la nourriture proposée était majoritairement végétale. Est-ce du militantisme ou une volonté de correspondre à l’air du temps ?

Ni l’un ni l’autre. L’ADN de cette maison, et c’est antérieur à ma venue, c’est la bienveillance. Nous sommes à l’écoute des artistes que l’on accueille. Il faut qu’ils aient envie de venir créer ici parce qu’ils s’y sentent en sécurité. Cela vaut aussi pour le public. On ne peut pas ignorer que nombre de personnes éprouvent un malaise vis-à-vis de la nourriture carnée, qui peut être discriminante pour certaines confessions. Mais il ne s’agit pas pour autant d’être complètement radicaux. Pour prendre un autre exemple, dans la signalétique des toilettes côté public, figure une inclusion pictographique non-genrée. Pourquoi ne pas le faire ? Si cela peut aider à ce que les minorités de genre avec lesquelles on a travaillé se sentent plus à l’aise ou tout simplement considérés, très bien !

Si l’on vous reprochait de donner un peu trop dans les tendances actuelles (inclusion, féminisme, etc.) ce qui pourrait correspondre à un certain opportunisme, que répondriez-vous ?

Que ce qui m’importe est avant tout l’artistique, et que j’invite tous les amateurs de ce type de commentaires, sur les réseaux sociaux notamment, à juger sur pièce les productions que nous présentons à Nancy. Oser s’atteler à des ouvrages comme ceux d’Héroïne par exemple constitue une prise de risque, tant pour le choix des chanteurs que pour la perfection de cette musique à l’orchestre. Notre production de Cenerentola dispose d’un casting de très haut niveau. L’excellence est l’une de nos priorités et c’est là-dessus que je souhaiterais que porte le débat. 

Matthieu Dussouillez (© Vincent Arbelet / Opéra national de Lorraine)

Est-ce que vous essayez d’inclure ce qui est local dans la saison ?

L’Opéra de Nancy s’inscrit dans l’esprit des lieux, comme l’illustre le spectacle NOX#I, qui contribue à un travail de récit du territoire, en interrogeant les Nancéiens – Il s’est agi de prendre pour matière première des témoignages de patients du CHU ou du Centre de réadaptation qui ont raconté leur vécu, parfois tragique et bien réel. Au-delà des spectacles, certains projets prennent pour attache le calendrier nancéien, comme à la fête de Saint-Nicolas, par exemple, ou celle d’Halloween. Cela contribue à notre inscription dans la vie locale, ses rites, ses rendez-vous. Je suis d’origine jurassienne et j’accorde beaucoup d’importance au lieu où l’on vit, à petite échelle. Mais l’Europe musicale, c’est tout aussi important pour moi ; l’opéra était européen avant même l’invention de l’Europe.

On ne peut pas s’empêcher de se demander combien de temps un directeur va rester dans une maison…

Je me pose la même question ! Je suis arrivé en 2019 et je me projette ici plusieurs années encore, dans une succession de cycles. Le premier, au terme duquel j’arrive aujourd’hui, m’a permis de me familiariser avec l’équipe ; la crise du Covid étant passée par là, cela a demandé du temps. Je suis vraiment fier de cette équipe, qui m’apporte énormément, notamment sur le plan humain. Nous avons trouvé un rythme de croisière et nous savons où nous allons. Au fil de ces dernières années, j’ai aussi vu le public prendre connaissance de notre identité nouvelle, et l’accueillir me semble-t-il, avec, un certain enthousiasme : le projet est bien ancré dans le territoire. Pour un premier mandat, il s’agissait aussi de tordre le cou à certaines idées reçues. Oui, on peut être gestionnaire et musicien, ce qui est mon cas car ma formation musicale – j’étais supplémentaire dans un orchestre, et donnais des cours de percussions en écoles de musique – précède de très loin mon expérience dans la gestion d’un opéra. Cela ne fait pas de moi un créateur, chacun son métier.

Vous ne donnez pas l’impression d’être quelqu’un qui est absent de la création !

C’est justement pour être présent que je fais ce métier ! Présent dans les idées, dans les discussions. Mais je ne suis pas interventionniste. Je joue de la musique par ailleurs, dans un orchestre d’harmonie à Vandœuvre, seul, avec des amis et je m’amuse, je continue à défricher des répertoires au piano et j’adore ça. À l’Opéra, c’est différent, j’endosse le rôle de programmateur, par le choix des artistes, des créateurs, des interprètes et mon travail consiste ensuite à les soutenir et créer, avec mon équipe, le cadre et les conditions pour qu’ils se sentent à l’aise. Quand ils me demandent mon avis, je leur donne, quand je considère qu’il y a un problème, je leur dis.

Avez-vous une idée précise de ce que va donner le spectacle que vous avez initié ou êtes-vous le plus souvent surpris ?

On ne peut pas s’empêcher, quand on choisit un metteur en scène et un titre, d’imaginer ce que cela va donner. Et il arrive que le résultat corresponde ! Parfois, c’est très différent, mais je ne demande pas pour autant qu’on change ! Je fais un travail de sélectionneur.

 Avez-vous des regrets très précis ?

J’en ai, bien sûr, mais je ne le dirai pas !

 Et vos meilleurs souvenirs ?

J’ai un certain nombre de moments d’acmés. Par exemple, la Tosca qu’on avait proposée en 2022 : là, il y avait une convergence. Silvia Paoli faisait son premier opéra en France ; elle est demandée partout depuis. Nous avions de superbes interprètes. Il y a aussi le Tristan und Isolde et bien d’autres…

 Ce Tristan était pourtant très peu consensuel !

En effet. Je comprends que certains partis-pris aient pu en froisser certains, mais notre orchestre a joué superbement et, au plateau, de magnifiques interprètes se sont révélés dans ce qui était, en majorité, des prises de rôles : Sam Sakker, qui maintenant, est invité partout pour chanter Tristan ou encore Dorothea Röschmann qui trouvait là sa première Isolde avec une prosodie, un sens du texte inouïs. Sous le métatexte proposé par Tiago Rodriguez, le texte chanté était évidemment le livret original de Wagner. Si le principe a pu paraître arrogant à quelques-uns, il s’agissait en réalité d’une démarche extrêmement humble, sensible et surtout dotée d’une vraie compréhension de l’œuvre et de la musique. Wagner restait présent et les panneaux de la mise en scène n’empêchaient en aucun cas de se délecter de la musique. Je suis très sensible au courage que cela demande à un artiste comme Tiago Rodriguez que de défendre et assumer une idée jusqu’au bout avec intégrité. Et cela dans un grand respect de l’esprit de l’œuvre ; dans le droit fil de ce que Tristan et Isolde raconte.

Mais les chanteurs n’ont-ils pas souffert de ce procédé ?

Absolument pas. Ils se sont sentis pleinement à l’aise dans ce spectacle. On ne leur demandait pas d’être un personnage autre que ce qu’ils chantaient. Si des spectateurs se sont fortement opposés à ce spectacle, d’autres ont été absolument bouleversés et notamment des personnes qui fréquentent moins l’opéra. Ils sont venus pour Tiago Rodriguez et ont fait l’expérience de Wagner. Tout est une question de point de vue et de contexte. Il faudrait pouvoir venir au spectacle sans attente, avec sa curiosité et sa bienveillance, être prêt à découvrir une œuvre pour la première fois, à chaque fois.

L’équipe de l’Opéra sur le plateau de Tristan et Isolde © Jean-Louis Fernandez

Il est vrai que nous sommes nombreux à être conditionnés par les impressions que nous nous sommes faites d’une œuvre à première écoute ou vision…

C’est le problème à l’opéra. Et je suis le premier à en pâtir. Le premier Tristan und Isolde que j’ai vu était la mise en scène d’Olivier Py. Magnifique ! Sublime ! De bout en bout, avec un décor hallucinant, des idées incroyables ! La chambre du deuxième acte, qui défile, l’ascension d’Isolde dans la nacelle avec le phare à la fin : sublime ! Pour autant, je n’ai pas cherché à Nancy à retrouver cette émotion-là. Je souhaitais être prêt à accueillir une autre lecture.

Mais pour en revenir à Tiago Rodriguez, est-ce vous ou lui qui souhaitiez ce surtitrage ?

C’était son idée. Je tenais à lui confier sa première mise en scène d’opéra, et lui tenait à monter Tristan. Je venais d’arriver et c’était un challenge : trouver le chef, les chanteurs pour une œuvre pareille, faire effectuer ce voyage à notre orchestre ! Tiago Rodriguez est un artiste que j’estime énormément. À l’époque, il n’était pas encore directeur d’Avignon. Il avait cette idée de surtitrage, l’idée d’un poète qui commente un poète. Cela m’a convaincu. La dimension artistique d’une mise en scène réside à mes yeux dans sa capacité à mettre le propos original en perspective, et la donner à voir sous un jour nouveau. En cela, si la recherche historique est passionnante, il ne s’agit pas d’un geste de création. Notre rôle de maison d’opéra est de donner la parole à des artistes d’aujourd’hui, qui engagent leur sensibilité dans la lecture d’une œuvre, et lui donnent ainsi une densité nouvelle.

Vous avez parlé de la première partie des projets, mais quel est le concept pour les années à venir ?

Consolider ce qu’on fait et installer les autres éléments du projet, notamment les artistes. Nous allons sans doute passer à une autre ère de direction musicale en 2026-2027. Certains partenariats seront renforcés, comme la collaboration avec l’Opéra national du Rhin, ainsi que la synergie avec l’Opéra de Reims et l’Opéra de Metz, tout un travail à l’échelle régionale.

Une fusion en vue ?

Non, ce n’est pas ce sur quoi nous travaillons.

Que pensez-vous des traditionnelles tensions entre les deux villes, Metz et Nancy ?

Nos maisons d’opéra travaillent main dans la main. Associer nos forces nous permet de ne pas faire appel à des supplémentaires, et de préserver nos formations respectives. Nous avions, pour les saisons futures, des projets en œuvre avec Alain Perroux, qui viennent d’être entérinés par Chrysoline Dupont, la future directrice de l’Opéra national du Rhin qui prendra sa suite en 2026. Je me réjouis de son arrivée et nous nous sommes d’ailleurs déjà retrouvé sur des projets communs pour le futur.

Quel type de directeur êtes-vous ?

Ma programmation en parle sans doute mieux que moi : interroger, donner à penser, quitte à provoquer, avec Le Lac d’argent de Kurt Weil, sans jamais renoncer à l’émotion, à la sincérité, en ayant à cœur de faire de l’opéra un lieu fédérateur, hospitalier, avec des propositions comme le Don Pasquale où tout le monde se retrouve. C’est aussi la vocation de cette maison : créer des liens autour d’un art dont nous sommes les humbles passeurs.

Avez-vous un message pour le public ?

Je dirais : « Venez voir, venez entendre ». Diriger un opéra en 2024 demande de la passion, des convictions. Je lis beaucoup de commentaires négatifs sur les manières de diriger des uns et des autres, avant même, parfois, que les personnes ne soient entrées en fonction. Faisons preuve de curiosité, allons voir les œuvres et parlons de musique, plutôt que d’engager des batailles idéologiques. Nous œuvrons tous à notre manière à préserver cet art si particulier et si vulnérable, je préfère consacrer mon énergie à cela, qu’à la critique facile et souvent prématurée. Critiquer est, ces derniers temps devenu un sport à la mode, notamment sur les réseaux sociaux. Je le déplore. 

À propos de sport, qu’avez-vous pensé de la cérémonie d’ouverture des J.O. où on est sorti du stade pour utiliser Paris comme décor ?

Magnifique ! L’idée même d’avoir utilisé Paris comme décor est sublime. Bon courage à tous ceux qui vont organiser des cérémonies d’ouverture par la suite, car Paris est la plus belle ville du monde…

Vous avez l’intention d’utiliser Nancy comme décor, également, à votre échelle ?

On l’a déjà fait avec NOX#1, dont les 12 courts métrages d’opéra tournés dans 12 lieux différents sont disponibles en ligne. C’est le principe du NOX, le Nancy Opera Xperience, que d’utiliser la nature et la ville comme décor. De plus, Maud Le Pladec, chorégraphe de la Cérémonie d’Ouverture des Jeux de Paris est aussi la future directrice du Centre national du Ballet de Lorraine, partenaire principal de l’Opéra. Je suis très enthousiaste et cet enthousiasme est partagé, à l’idée de faire des hoses ensemble. L’Opéra va encore plus vibrer avec le Ballet. C’est une très bonne nouvelle. C’est l’un des axes de ce deuxième cycle, en plus des collaborations régionales qui doivent s’intensifier. Pour finir, le projet Nancy Opéra Citoyen 2025, qui était une priorité de mon premier cycle, s’apprête à devenir une réalité. Notre projection vers 2030 fera de l’Opéra national de Nancy – Lorraine, le nouvel Opéra populaire grâce à l’engagement citoyen de toutes ses équipes artistiques, techniques et administratives. Voilà pour moi une perspective des plus réjouissantes.

Propos recueillis le 4 septembre 2024 par Catherine Jordy

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