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Maximilien Hondermarck : « Célébrer la musique baroque et la beauté de la ville de Beaune »

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Interview
12 mars 2025
Discussion autour de la programmation 2025, et au-delà, du premier festival baroque français.

Infos sur l’œuvre

Détails

Signature familière des lecteurs de Forum Opéra et de Diapason, Maximilien Hondermarck a été nommé, l’année dernière, délégué général du Festival international d’opéra baroque de Beaune, deux ans après la disparition de son co-fondateur historique, Kader Hassissi. L’heure d’annoncer l’édition 2025 est arrivée – et avec elle, celle de tirer un premier bilan, et surtout d’évoquer un avenir foisonnant, entre musiques baroque, médiévale et Renaissance, pratique amateure et projets « hors les murs ».

Vous avez été nommé à la tête du Festival international d’opéra baroque de Beaune en avril 2024. Quel bilan tirez-vous, à l’issue de cette première année ?

Cette année, c’est à la fois la deuxième édition que nous portons, et la première dont nous avons vraiment construit la programmation. L’année dernière a été pour moi l’occasion de découvrir le Festival avec ce regard de nouveau Délégué général, et d’assister à la dernière programmation signée par Anne Blanchard. Bien sûr, je connaissais déjà Beaune, mais j’ai mesuré à cette occasion la passion très forte qui anime, chaque soir, à la fois les artistes, qui sont très heureux de venir ou de revenir à Beaune, toutes les équipes mobilisées, et le public. Il y a à Beaune une qualité d’écoute qui est franchement assez rare. Pour moi, Beaune représentait vraiment l’excellence en matière de musique baroque et ancienne, les meilleurs artistes au meilleur moment de leur carrière, les débuts d’artistes très prometteurs. A cet égard, la dernière édition a confirmé ces promesses, en offrant, pendant un mois, le meilleur de la musique baroque au même endroit, et un panorama général de la musique baroque européenne dans des conditions d’excellence artistique. Pour tout cela, il faut applaudir et saluer le travail d’Anne Blanchard et de Kader Hassissi [disparu en 2022, NDLR], d’avoir vraiment transformé Beaune en cette capitale de la musique baroque, d’avoir senti le talent naissant de tellement d’artistes (Christophe Rousset, Raphaël Pichon, Jérémie Rohrer, une liste immense de chanteurs), et d’avoir, ce faisant, créé un rendez-vous musical incontournable. Ce rendez-vous doit également beaucoup aux bénévoles réunis au sein de l’association Guillaume Dufay, qui se dévouent avec passion. Le Festival de Beaune est un vrai festival de bénévoles, cela contribue à créer cette atmosphère si particulière et conviviale !

2025 sera la première édition du Festival à votre main ; qu’avez-vous souhaité impulser à cette occasion ?

Aujourd’hui, le Festival peut compter sur un noyau de fidèles ayant une confiance absolue dans la programmation, et venant avec une qualité et une bienveillance d’écoute qui créent un climat très agréable pour les artistes. C’est une richesse qu’il faut préserver.

Dans le même temps, on va essayer, cette année, de garder davantage les festivaliers dans la ville, en proposant de nouvelles formes qui viennent s’ajouter aux concerts du soir : un concert supplémentaire chaque week-end, le dimanche après-midi, des visites guidées et en musique de la ville, avec une conférencière et une chanteuse, en passant par des lieux qui ne sont jamais ouverts, des conversations avec des artistes dans un hôtel particulier de la ville à quelques heures des concerts, de nouveaux espaces pour les concerts également. La basilique et la cour des Hospices restent les lieux emblématiques du Festival de Beaune, mais cette année, dans une logique de découverte historique, des concerts auront lieu dans des chapelles jamais ouvertes, ce qui permettra de proposer une expérience renouvelée, et de présenter des répertoires plus intimistes. A terme, l’idée serait même de proposer une petite programmation pendant l’année, grâce à l’accueil d’artistes en résidence, qui viendront travailler à Beaune une semaine pendant l’automne et une semaine pendant le printemps. Ce programme, « Baroque futur », sera l’occasion de donner à de jeunes ensembles l’opportunité d’élargir leur répertoire et de se développer. C’est dans ce cadre que nous accueillerons, dès l’édition 2025, l’ensemble La Palatine.

A l’heure où beaucoup d’événements culturels sont menacés, voir le Festival de Beaune multiplier les projets constitue une bonne nouvelle, et presque une heureuse surprise…

C’était sans doute un défi pour l’association de réussir cette période de transition après avoir été jusque-là dirigée par deux fondateurs aussi importants et charismatiques. J’éprouve, à cet égard, beaucoup de gratitude pour Anne Blanchard, qui reste pour le Festival une figure présente et bienveillante. Rien n’est jamais acquis, bien sûr, mais je sens un vrai enthousiasme de la part du public, qui est le premier financeur du Festival. Nos partenaires publics renouvellent également leur intérêt face aux projets que nous proposons. Notre engagement et notre ancrage y sont pour quelque chose : nous travaillons ainsi avec trois ensembles de la région Bourgogne-Franche Comté, c’est aussi notre responsabilité de faire rayonner de telles initiatives locales.

La programmation 2025 est organisée en plusieurs week-ends thématiques (les noces de Louis XIV, Rameau, etc.). Comment cela se concrétise-t-il ?

L’objectif était de ne pas trop se contraindre avec un thème unique qui traverserait tout le Festival. Il y aura ainsi un hommage à Alessandro Scarlatti pour le tricentenaire de sa mort, avec ce qui est sûrement son plus bel oratorio, Il primo omicidio, avec une distribution extraordinaire, un week-end Rameau avec deux opéras, Pygmalion et Dardanus, ainsi qu’une adaptation de Platée pour deux clavecins, un projet absolument génial. Il y aura évidemment un week-end Haendel, un compositeur incontournable dès qu’on parle d’opéra baroque, avec Le Messie et Agrippine.

Les artistes ont répondu en nombre cette année, où l’on retrouvera quelques-uns des piliers du Festival.

Oui ! C’est même assez émouvant car nous aurons deux chefs qui ont fait leurs débuts grâce aux encouragements d’Anne Blanchard : Thibault Noally, qui a été le violon solo des Musiciens du Louvre, avant qu’Anne lui dise « lance-toi ! » et qu’il fonde son ensemble Les Accents, et Stéphane Fuget, avec les Epopées. Christophe Rousset, qui a été présent à Beaune tout au long de sa carrière, sera aussi présent. Nous sommes également très heureux de retrouver des ensembles qui n’étaient pas revenus depuis plusieurs années, comme Le Banquet Céleste ou Le Poème Harmonique.

Au-delà du plaisir de voir ou de revoir des figures très appréciées du public, qu’est-ce que ce compagnonnage de longue haleine avec les artistes apporte au Festival ?

C’est une relation de confiance, au sein de laquelle on peut chercher, expérimenter. Plusieurs représentations, cette année, auront pour particularité des conditions d’exécution originales, par rapport au cadre habituel des concerts classiques : le Banque Céleste travaille désormais sans chef, Reinoud van Mechelen dirigera l’ensemble A nocte temporis dans La passion selon Saint-Jean de Bach tout en chantant le rôle de l’évangéliste, Thibault Noally dirigera ses Accents du violon dans le Dixit Dominus de Haendel, l’ensemble Liberati donnera Le Messie sans chef… avec de tels formats, le regard sur le concert se déplace, on fait rentrer le public dans la musique d’une manière différente, le dispositif scénique lui-même peut se moduler facilement : pour Le Messie, nous placerons la scène sous le grand orgue afin de mettre en valeur ce superbe instrument, il y aura un appel de trompettes à l’extérieur de la basilique pour accompagner le public au début du concert consacré aux Noces royales de Louis XIV… Cette volonté de promouvoir la musique sous différentes formes se traduit aussi par un véritable encouragement que nous donnons à la pratique amateure. Ainsi, des spectateurs ayant une pratique du chant choral pourront travailler, sous la direction d’une cheffe de chœur, afin de donner un programme de musique anglaise, et de participer au Messie qui sera donné lors du dernier week-end.

Découvrir, ou redécouvrir, des œuvres médiévales ou de la Renaissance, ce sera également un axe fort des prochaines éditions du Festival de Beaune ?

Il reste, bien sûr, beaucoup d’œuvres à découvrir dans le répertoire baroque. Mais pour les répertoires médiéval et Renaissance, je constate qu’il y a un nombre important de jeunes ensembles qui renouvellent complètement l’écoute en proposant une démarche originale. Il y a des façons totalement nouvelles d’écouter ces musiques, et ce serait dommage de passer à côté. Cette année, par exemple, l’Ensemble Irini proposera un concert de musique de Guillaume Dufay mise en miroir avec la musique de ses contemporains byzantins, avec pour point de départ l’idée que tous ces artistes se côtoyaient, notamment à Venise. Reconnecter cette école flamande et bourguignonne avec son héritage méditerranéen apporte beaucoup de fraîcheur dans l’interprétation.

Comment le Festival va continuer à concrétiser ces engagements dans les années à venir ?

J’aimerais bien que le Festival puisse s’intégrer dans la vie culturelle de Beaune, même en dehors du mois de juillet, en participant aux Journées du Patrimoine, ou en proposant un concert de Noël, qui seront autant de prétextes pour faire découvrir la musique baroque tout au long de l’année. A terme, le Festival lui-même pourrait offrir une programmation en continu, et pas seulement le week-end. Je voudrais aussi faire parler les archives du Festival : nous avons des enregistrements exceptionnels, des photographies, des affiches qui constituent un vrai trésor. Et à terme, nous réfléchissons à introduire à Beaune de l’opéra en version scénique ; nous pourrions nous appuyer sur le Théâtre municipal de Beaune, une très belle salle, dotée d’une fosse d’orchestre, que nous utilisons déjà pour les répétitions.

Une dernière question plus personnelle : nos lecteurs n’ignorent pas que vous avez été, pendant plus de dix ans, membre de la rédaction de Forum Opéra. Est-ce que cette expérience vous a aidé, d’une manière ou d’une autre ?

La critique est évidemment une école de l’écoute. Cela force, par honnêteté intellectuelle, de dépasser le « j’aime / j’aime pas » pour réfléchir à nos motivations esthétiques et artistiques. Par ailleurs, Forum Opéra reste aussi une aventure humaine, avec une belle bande de copains !

Informations sur la programmation disponibles ici à partir du 11 mars : Festival international d’Opéra Baroque & Romantique de Beaune

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