Le départ imprévu de Dominique Pitoiset de la direction de l’opéra de Dijon à propos duquel plusieurs pistes étaient avancées dans une interview au quotidien local, le Bien Public, nous conduit à tenter de les expliciter.
La production de Tosca, en mai dernier semble avoir été le révélateur d’une crise profonde. « Des propos injurieux, tenus à l’encontre des enfants de la maîtrise », et, simultanément, un signalement VHSS (1) ont défrayé la chronique. Une enquête interne a été diligentée. Les membres élus du Conseil social et économique (CSE) se sont émus : « Depuis deux ans, à chaque production de Dominique Pitoiset, des comportements, des manières de faire, des propos inadaptés, un manque d’anticipation, de choix stratégiques qui vont à l’encontre du bon fonctionnement de l’opéra, et des pressions exercées sur les salariés ». Le directeur général délégué, Bruno Hamard, déclare « la situation est complexe, pleine de tensions».
Au CSE suivant, le 20 juin, il est dit que « le climat est délétère », et que les salariés s’inquiètent des conditions de travail sur les futures productions, notamment Le Château de Barbe-Bleue (programmé en janvier 2025). De manière à éviter que le metteur en scène use de ses fonctions directoriales, la commission d’enquête propose un dispositif de « déport de la fonction de direction générale » de Dominique Pitoiset pour la prochaine production dont il est metteur en scène, assisté de son frère, scénographe.
L’opéra a repris ses activités le 19 août et le directeur réapparaît le 12 septembre, après sa mise en scène de Falstaff à Paris. La présidente du Conseil d’administration, Christine Martin (2), est saisie de nouveau, le déport n’étant toujours pas réglé. Cette dernière s’en entretient avec le directeur général. Les élus du CSE lui écrivent : « Malgré nos alertes, Monsieur Dominique Pitoiset continue d’imposer ses comportements, en toute impunité, impunité dont vous aviez affirmé qu’il ne bénéficierait pas ». Réaction de l’intéressé le 3 octobre, qui adresse à tous une lettre où il écrit à propos de Tosca : « Bien que le propos même de l’ouvrage et de la mise en scène ait été précisément la dénonciation de telles violences, une des comédiennes (3) s’est sentie surprise et contrainte de les jouer sans pouvoir exprimer une possibilité de les refuser », en ajoutant « il est le symptôme d’une évolution de la psychologie et du ressenti des interprètes en particulier, et surtout des jeunes générations, qui réclament le pouvoir de se prononcer à l’avance sur ce qui est acceptable pour eux et sur ce qui ne l’est pas. »
Le 17 octobre, le problème du déport est « toujours en délicatesse ». Dominique Pitoiset déclare : « Mon désir s’est éteint (…) je ne souhaite plus mettre en scène dans cette maison au-delà de janvier 25. (…) Mon problème c’est où et comment je peux exercer mon métier ». On y apprend que le signalement n’a pas donné lieu à des poursuites pénales.
Une Assemblée générale des salariés est initiée. Le 5 novembre, le déport visant à dépasser la confusion des fonctions de directeur général et de metteur en scène n’a pas abouti : ce pourrait être une note de service… Le Conseil d’administration prendra connaissance d’un audit managérial de l’établissement le 19 novembre. La suite est connue.
Réitérons le voeu que la sérénité revienne, à laquelle devrait participer le recrutement transparent du successeur de Dominique Pitoiset.
(1) Violence et harcèlement, santé et sécurité. (2) Adjointe à la Culture de François Rebsamen, alors maire de Dijon, elle avait proposé la nomination de Dominique Pitoiset dans les conditions que l’on connaît, lors d’un Conseil municipal houleux. (3) Recrutée pour la circonstance pour un personnage ajouté.