Créé en mai 2017 à Limoges et salué par Laurent Bury ici même, cette version arrangée, réduite, ré-assemblée de Peer Gynt accoste pour deux soirées seulement à l’Opéra de Montpellier. Voici donc le dispositif scénique original confortablement installé sur la scène de l’Opéra Berlioz. Il se compose de passerelles et de plateformes de bois, de caméras et d’un écran géant projeté sur un cabane nordique. La réalisation scénique déroule les scènes avec une fluidité remarquable et se permet des clins-d’oeil d’actualité (la préférence nationale des Trolls). Poésie et onirisme viennent enluminer un récit qui cherche plus la vis comica que la réflexion ou la mélancolie, à l’exception de la mort de la mère de Peer particulièrement émouvante en fin d’une première partie sinon assez mécanique et froide. Heureusement, au retour de l’entracte la musique et surtout le chant sont davantage présents, donnant tout son sens à cet objet musical créatif (sic) présenté dans le programme du spectacle. Le projet « vise à donner, dans une situation de concert, une idée globale de la pièce d’Ibsen pour laquelle Grieg a écrit sa musique […] Cette version permet également d’entendre les 26 numéros originaux dans l’ordre et au sein du contexte dramatique pour lequel ils ont été conçus. » Aussi, le spectateur féru de musique sera comblé cependant que le connaisseur de la pièce d’Ibsen pestera intérieurement devant autant de coupures et ce malgré les fréquentes interventions de narratrices qui détaillent les lieux et situations.
© Luc Jennepin
Par bonheur, la musique scénique est magnifiée par le directeur musical de l’institution, Michael Schonwandt. Les violons et la petite harmonie, chevilles ouvrières d’une formation toujours précise et réactive, sont les chantres du lyrisme de cette partition charmante. Bien armé, l’orchestre affronte avec évidence les changements d’ambiances et de rythme de la fresque.
La plateau théâtral et vocal est rigoureusement identique à celui de Limoges (à l’exception des solistes extraits des choeurs) et réitère la belle prestation du printemps dernier. Norma Nahoun orne la chanson de Solveig de très belles nuances et d’élégants piani, Marie Kalinine trouve toujours d’aussi justes et multiples emplois qu’elle joue ou qu’elle chante et Philippe Estèphe incarne avec naturel le grotesque du roi des Trolls et le chant énamouré de Peer Gynt. En comparaison de l’orchestre, le Chœur national Montpellier Occitanie manque de volume dans la grotte des Trolls, surement du fait de son positionnement latéral. Ses interventions suivantes lui permettront d’exposer toutes ses qualités : clarté et précision. Les acteurs enfin ne déméritent pas mais se cantonnent dans un jeu déclamatoire conventionnel.