On apprend le décès à l’âge de 89 ans de Pierrette Alarie, soprano canadienne qui avec son époux, Léopold Simoneau, fit les riches heures de l’opéra d’après-guerre. Bref rappel d’un parcours sur les cimes de la portée.
Née le 9 novembre 1921 à Montréal d’un père chef d’orchestre (Sylva Alarie) et d’une mère comédienne (Amanda Plante), Pierrette (de son vrai prénom Marguerite) Alarie débute à l’âge de 17 ans aux Variétés lyriques. De l’opérette à l’opéra, il n’y a qu’un pas que la jeune femme, précoce, franchit rapidement. A 22 ans, elle interprète Barbarina des Noces de Figaro sous la direction légendaire de Thomas Beecham à Montréal. Deux ans plus tard, en 1945, elle est sur la scène du Met Oscar d’Un Ballo in maschera dirigé par Bruno Walter. En 1946 elle épouse Léopold Simoneau avec lequel elle chantera souvent en duo. En témoignent plusieurs enregistrements d’opéras célèbres dont l’écoute aujourd’hui ne tient pas ses promesses. Plus que Puccini (on tâchera d’oublier un « Soave Fanciulla » anémique) ou Gounod (dont on ne veut retenir que la clarté de la langue), c’est Mozart que réclament ces deux voix pour assouvir leur soif de legato. Blonde, Constance, Susanna et Zerlina font partie des meilleurs rôles de Pierrette Alarie. Encore pourra-t-on trouver son chant bien étroit pour ce répertoire.
Engagé à la fin des années 1940 à l’Opéra Comique de Paris, le couple traverse l’Atlantique et écume les festivals qui dans l’euphorie de la paix retrouvée fleurissent un peu partout en Europe : Aix-en-Provence, Glyndebourne et Salzbourg. La soprano ajoute alors à son palmarès Donizetti, Rossini, Strauss et Delibes dont Lakmé nous semble correspondre idéalement à cette voix flûtée qui avait pour atouts majeurs l’aigu et la prononciation du français. S’il faut trouver d’ailleurs à Pierrette Alarie des sœurs de chant, ce ne sont pas les grandes mozartiennes qui viendront spontanément à l’esprit mais les coloratures françaises : Mado Robin, Mady Mesplé et plus près de nous Natalie Dessay avec laquelle Pierrette Alarie ne peut cependant rivaliser. Dans l’air des clochettes par exemple, le suraigu est indiscutable mais l’expression reste en deçà.
Désormais célèbre, le couple partage son temps entre Europe et Amérique. Dans les années 1950 et 1960, il participe à de nombreuses productions à la radio et à la télévision. La création en Amérique du Nord de La Voix humaine de Francis Poulenc en 1959 à Radio-Canada représente pour la soprano une forme de consécration. Elle fait ses adieux à la scène en 1966 avec La Veuve joyeuse puis met un terme définitif à sa carrière quatre ans après en chantant aux côtés de son mari dans Le Messie de Haendel. Pierrette Alarie appartenait à une époque où, sous prétexte de vocalises, on confiait les rôles de Rosina, Lucia, Amina et Traviata à des coloratures. C’est finalement avec Olympia des Contes d’Hoffmann que l’on veut illustrer la grâce d’une voix qui n’aimait rien tant que s’envoler au dessus de la portée. Laissons les oiseaux dans la charmille.
Christophe Rizoud