Le 19 décembre prochain, pour la première de sa nouvelle production de La Traviata, le Staatsoper de Berlin affichera Luisa Mandelli dans le rôle d’Annina, la servante de Violetta.
Le nom de Luisa Mandelli est aujourd’hui bien oublié, si tant est qu’il fut un jour célèbre. Mezzo-soprano, la chanteuse interprétait essentiellement des rôles secondaires, ce qu’on appelle les comprimari, dans les théâtres italiens des années 50. On peut entendre sa voix en Giannetta dans une captation de L’Elisir d’amore au Mai Musical Florentin en 1995, avec Giuseppe di Stefano en Nemorino, ou encore dans la version studio enregistrée par ce même ténor pour Decca. Luisa Mandelli apparait également en page dans l’enregistrement studio EMI de Rigoletto, aux côtés de Tito Gobbi et Maria Callas. Il est même possible de l’apercevoir à 1h 3m 13 s dans cette vidéo tournée par la RAI en 1955 et réunissant Aldo Protti et Virginia Zeani. Citons encore des apparitions dans La Fiamma d’Ottorino Resphighi (Scala, 1955), dans Andrea Chénier d’Umberto Giordano (RAI de Milan, 1955) ou dans une Traviata avec Antonietta Stella (studio, 1956). Son nom apparaît également à l’affiche du Cyrano de Bergerac de Franco Alfano (Milan, 1954) et dans La figlia di Jorio d’Ildebrando Pizzetti (Milan, 1956) dont il ne subsiste dans les deux cas aucune trace sonore. Mais la grande affaire de Luisa Mandelli, c’est d’avoir chanté Annina aux côtés de Maria Callas dans la légendaire production de Luchino Visconti en décembre 1955 à la Scala, il y a bientôt 60 ans, ainsi que pour sa reprise en 1956.
Depuis quinze ans, Luisa Mandelli vit à la Casa Verdi, cette maison de retraite fondée par Giuseppe Verdi pour le repos des musiciens sans ressources. Notre collègue Maurice Salles l’y avait rencontrée en 2006 et elle lui avait confié les souvenirs passionnants de sa collaboration avec Maria Callas. Toujours verte, Luisa Mandelli fait le délice des médias locaux, qu’il s’agisse de donner un avis peu enthousiaste sur Cecilia Bartoli ou sur une production de l’opéra de Verdi Un Ballo in maschera : l’ancienne chanteuse est une figure des loggionisti, ces spectateurs intransigeants du poulailler !
Daniel Baremboim avait pris l’habitude de lui rendre visite, et c’est à lui qu’est venue l’idée de proposer à Luisa Mandelli de revenir sur scène le temps d’une représentation, en l’honneur du soixantième anniversaire des fameuses représentations scaligères. Pour cette nouvelle production de Dieter Dorn, le rôle de Violetta sera incarné par Sonya Yoncheva aux côtés de l’Alfredo du jeune Abdellah Lasri (récemment découvert à Paris) et du Germont de Simone Piazzola, une équipe à qui l’on souhaite de marquer les esprits autant que leurs illustres devanciers.
Nous avons rencontré Luisa Mandelli en plein travail à la Casa Verdi, où elle répète quotidiennement son rôle avec une voix qui fait certes son âge, mais surtout un enthousiasme à déplacer des montagnes. Comme disent les italiens bocca lupo* et rendez-vous le 19 décembre !
* On dit In bocca al lupo (littéralement Dans la gueule du loup) pour souhaiter bonne chance et on répond par Crepi il lupo (Que crêve le loup) pour conjurer le sort. L’expression reste encore très utilisée entre artistes lyriques : c’est un peu l’équivalent du « merde » français.