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Questionnaire de Proust : Hélène Guilmette : « Les mises en scène sont parfois risquées et intenses. »

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Interview
27 septembre 2023
La soprano Hélène Guilmette est à l’Opéra-Comique pour La Fille de Madame Angot, production qu’elle reprendra en tournée à Nice et à Avignon. Elle se livre au petit jeu de notre Questionnaire de Proust lyrique.

Infos sur l’œuvre

Détails

Mon meilleur souvenir de carrière?
Mon plus grand souvenir est certainement lorsque j’ai remporté le 2ème prix au Concours Reine Élisabeth de Belgique. Nous attendions tous en coulisses et en entendant mon nom, je ne n’y croyais pas! Quand je suis sortie sur scène, la foule s’est levée d’un trait et j’ai senti que dans leurs applaudissements, leurs cris de joie, ils me disaient: c’est toi notre choix! Moi qui ne visais que la demi-finale, c’était un conte de fée ! Ma mère, aujourd’hui décédée, était dans la salle. Je chérirai ce moment toute ma vie.

Mon pire souvenir dans une salle d’opéra (ou « mon pire souvenir sur scène »)?
Je crois que c’est de devoir assurer des spectacles en étant blessée et de ne pas le laisser paraître. J’ai dû chanter avec les deux jambes complètement « strappées » sous ma robe pour ne pas aggraver une blessure faite en répétition et pouvoir faire les spectacles. L’ostéopathe que j’ai vue me disait que c’était une blessure de footballeur ou de hockeyeur, pas de chanteuse ! Les mises en scène sont parfois risquées et intenses. Heureusement, j’avais une très grosse robe pour cacher tout ça et un partenaire en or qui m’aidait discrètement sur scène.

Le rôle qui a changé ma vie?
Je dirais plutôt l’opéra qui a changé ma vie. Il y a un eu pour moi un « avant » et un « après » « Dialogues des carmélites » de Poulenc. J’ai tout d’abord chanté le rôle de Constance et j’ai été frappée par sa lumineuse âme, sa joie pure et sa force tranquille. Puis, j’ai abordé le rôle de Blanche: être complexe, sensible, cherchant sa destinée. Cet opéra est bouleversant et a été marquant pour moi, car il a en plus ponctué certaines étapes douloureuses de ma vie personnelle. Je peux dire que ça m’a aidé d’une certaine façon à passer au travers de certaines épreuves.

Le chanteur du passé avec lequel j’aurais aimé me produire.
Lucia Popp, j’aurais bien fait Susanna à ses cotés!

Mon plus grand moment de grâce face à une œuvre d’art.
Quand j’ai vu mon fils pour la première fois!!!

La ville où je me sens chez moi?
Montmagny au Québec, ma ville natale! …et Bruxelles aussi où j’y ai passé beaucoup de temps. J’y ai trouvé une deuxième maison chez ma famille d’accueil du concours Reine Élisabeth, nous sommes restés très proches.

La ville qui m’angoisse?
Tokyo

Ce qui, dans mon pays, me rend le plus fier?
L’accueil chaleureux des gens et leur simplicité dans le bon sens du terme.

Le metteur-en-scène dont je me sens le plus proche?
J’ai eu la chance de travailler avec de formidables et brillants metteurs en scène. Présentement, j’ai vraiment une super collaboration avec Richard Brunel, donc je dirais Richard, car je me sens « proche » de lui, c’est-à-dire dans la même pièce tous les jours!

Une anecdote avec un chef ?
Quand un chef a fait entrer l’orchestre trop tôt alors que j’avais un contre-ut (pourtant très court) à chanter a capella. Sa réaction a été de dire à voix haute à son assistant (je ne dis pas ici en quelle langue pour fin de non identification): « dis-lui de ne pas faire de point d’orgue sur son contre-ut ». Les musiciens ont pouffé de rire et l’ont trouvé ridicule (et moi aussi)!

Le chef ou la cheffe qui m’a le plus appris?
Marcello Viotti pour un concert de la fête nationale en Belgique à mes débuts. On devait collaborer à nouveau ensemble et il est décédé subitement quelques mois plus tard, beaucoup trop jeune…nous avions fait des extraits d’opéra de Mozart et Rossini, c’était extraordinaire. Et Michel Plasson pour le grand style français…même s’il m’appelle toujours par mon nom de famille (hommage à Guillemette Laurens je crois!), je le laisse faire, car c’est fait avec beaucoup d’affection.

À part chanter, ce que j’ai dû faire de plus compliqué sur scène?
Chanter debout sur une immense toile tendue que des danseurs devaient tirer sans tomber et en restant bien immobile…et descendre dans une trappe couchée avec 30 manteaux très lourds me recouvrant! (même production!)

Si je pouvais apprendre un instrument du jour au lendemain, lequel serait-il?
La guitare! J’aimerais tant pouvoir jouer des chansons au coin du feu! et…le piano jazz! Je suis déjà pianiste classique, mais cela me fascine de voir les musiciens de jazz improviser, j’en suis toujours admirative!

Un opéra dont j’aurais voulu être le créateur du rôle-titre?
Le rôle de Susanna dans les Noces de Figaro! Mon rôle préféré!

Le chanteur du passé dont l’écoute m’a le plus appris?
Lucia Popp! Tout y est: beauté du timbre, technique saine et solide, musicalité, expressivité, joie dans la voix…

Le chanteur du présent que je trouve d’une générosité rare?
Joyce di Donato, autant pour sa belle et longue carrière que pour ses masters class qu’elle fait avec les jeunes chanteurs.

Si j’étais un personnage de Disney?
Cendrillon! Pas pour ses malheurs, uniquement pour le côté magique et inattendu du tournant de sa vie….pour moi, c’est le fait de faire cette carrière incroyable pour une petite fille ne venant pas d’une famille de musiciens et d’une petite ville au Québec. Je ne l’ai pas volé, j’ai travaillé d’arrache-pied pour que ça fonctionne sans vraiment y croire à cause de mes origines modestes et cela fait plus de 20 ans que ça dure! Je me pince encore parfois…

Mon plus grand moment d’embarras?
Quand, dans un changement rapide de robe lors d’une version de concert « semi-staged » des Mamelles de Tirésias à Londres avec l’orchestre de la BBC, une technicienne m’a aidée à remonter la fermeture éclair de mon bustier en vitesse et l’a cassée juste avant mon entrée en scène. Une épingle à nourrice et un châle plus tard pour cacher mon dos et hop, sur scène…j’ai prié pour que cela tienne jusqu’au bout!!!

Si votre carrière avait dû se terminer du jour au lendemain, avec quel projet déjà réalisé vous auriez pu finir sans regrets?
Le concert et l’enregistrement de l’Île du rêve de Reynaldo Hahn pour le Palazetto Bru Zane avec l’Orchestre de la radio de Munich, Hervé Niquet et de merveilleux collègues. Mahenu est un rôle écrit sur mesure pour moi! Cette musique est somptueuse…C’est le dernier projet que j’ai fait avant l’arrivée du Covid et la grande pause forcée. Vivement une version scénique de cet opéra!!!

Le compositeur auquel j’ai envie de dire “mon cher, ta musique n’est pas pour moi”?
Un compositeur actuel et qui ne sait pas écrire pour la voix…Je ne le nommerai pas…

Quel est votre passe-temps favori
La cueillette de champignons sauvages et de petits fruits! La pêche aussi!

Avez-vous un don spécial?
J’ai l’oreille absolue! C’est très pratique la plupart du temps, car je n’ai pas besoin de piano pour apprendre mes rôles et ça aide énormément en musique contemporaine, mais ça complique les choses pour la musique ancienne! J’ai donc développé ma méthode de travail, car j’en fais beaucoup plus maintenant! Je trouve aussi des trèfles à 4 feuilles en quantité astronomique et sans les chercher en plus! C’est devenu une blague tellement j’en trouve…je suis très chanceuse je crois!

Mon pire souvenir historique des 40 dernières années.
11 septembre 2001
Guerre en Ukraine
Covid
Donald Trump

Ma personnalité historique préférée
Barack Obama

Le rôle que je ne chanterai plus jamais.
Frasquita

Ma devise
La bonté triomphe toujours
et…
The show must go on!

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