Du concours Operalia en 2011 à ce premier concert au Festival de Verbier, il y a plusieurs étapes que Pretty Yende a su franchir en un sourire, ce même sourire qu’elle affiche après une entrée dont l’hésitation n’est due qu’aux platform shoes dont elle est chaussée. Quelle drôle d’idée de s’être perchée sur des talons de plus de 10 centimètres qui la condamnent à l’immobilité sous peine de perdre l’équilibre ou de se tordre la cheville. L’interprétation s’en trouve inévitablement entravée tant corps et chant sont indissociables.
Passons outre ces chaussures de diva, si contraire à son tempérament. Pretty Yende sourit et ce sourire, simple, franc bien que timide attire la sympathie et la retient. Le programme du jour visite quatre langues – l’italien, le français, l’anglais et l’espagnol – comme si Pretty Yende voulait montrer sa polyvalence, avec plus ou moins de succès d’ailleurs. L’italien, l’anglais coulent naturellement quand les mots en français sont souvent incompréhensibles. Le sens ici n’a pas d’importance. Pretty Yende chante tout un peu pareil, c’est là son plus grand défaut. Mais la voix a suffisamment d’éloquence pour qu’on lui pardonne cette faiblesse d’expression. Ses affinités n’en sont que plus affirmées. Les songs de Victor Herbert, petites mélodies du bonheur, la montrent soudain plus animée. Bellini et Donizetti aiment aussi les couleurs chatoyantes de son soprano et sa longueur de souffle. Rossini, bien que varié, s’impose avec moins d’évidence. Peut-être parce qu’il nécessite plus d’imagination que d’âme. Puccini, le quatrième Italien de l’histoire, n’était pas prévu au programme et pourtant s’affirme sans conteste malgré une sévère concurrence. Rarement « O mio babbino caro », magnifié par ce souffle et ce timbre dont nous relevions précédemment la qualité, n’a brillé d’autant de feux. Où est la rengaine que nous accueillons habituellement d’un bâillement intérieur. Soudain la supplication au « petit Papa chéri » se fait chair, et c’est beau !
Pretty Yende © Aline Paley
Pretty Yende sourit au public qui en fin de concert se lève pour l’acclamer, à son pianiste James Vaughan, dont le jeu, intelligent, accompagne autant qu’il le peut cette promenade d’un langage à l’autre. Le français et l’espagnol réclament la vocalise mais Pretty Yende, si elle a le suraigu brillant, n’est pas une colorature. L’agilité et les notes les plus extrêmes marquent la limite de son territoire. Ses forces sont ailleurs, dans une étoffe soyeuse, tissée de plusieurs fils, dans une musicalité naturelle, dans une fraîcheur que l’on peut porter au crédit de sa jeunesse et dans ce sourire qui, le récital terminé, continue d’éclairer, telles ces étoiles qui, une fois mortes, illuminent encore le ciel.