Renée Fleming se confie au sujet de son retour sur la scène de l’Opéra Bastille dans Nixon in China, de ses récentes créations telles que The Hours au Metropolitan Opera, et de ses projets à venir.
La dernière fois que vous étiez à Paris pour un opéra entièrement mis en scène remonte à 2012 dans Arabella à Bastille. Que ressentez-vous à l’idée de revenir sur la scène de l’Opéra de Paris pour un opéra complet ?
C’est un immense plaisir. J’adore Nixon in China, que je chante pour la première fois, mais aussi la production de Valentina Carrasco ainsi que toutes les personnes impliquées dans ce projet !
Vous abordez Nixon in China pour la première fois. Comment avez-vous trouvé la production de Valentina Carrasco ?
Sa production ne recherche pas vraiment l’authenticité historique. L’œuvre a été composée il y a longtemps maintenant, et jusqu’à présent, les différentes mises en scène se sont toujours rapprochées d’une certaine vérité historique, tentant de représenter fidèlement les personnages et ce qui s’est déroulé. De notre côté, nous avons pris plus de liberté. Certes, ne serait-ce que par les costumes, vous aurez bien sûr une idée précise et fidèle des personnages qui évoluent sur scène. Valetina Carrasco a même inséré des références à la Ping Pong Diplomacy par exemple ! Mais cette mise en scène apporte une forme de surcroît d’imagination, d’étincelles, de…delight. Valentina Carrasco est parvenue à trouver un équilibre entre certaines des atrocités qui sont survenues à cette époque de l’Histoire et par ailleurs une forme de créativité très poétique.
A cette occasion, vous travaillez pour la première fois avec Gustavo Dudamel…
C’est un vrai bonheur de travailler avec lui ! C’est un musicien hors pair, bien évidemment, et j’ai été frappée par sa générosité débordante. Je n’avais pas vraiment d’idée préconçue avant de le rencontrer et j’ai été heureuse de découvrir en lui un merveilleux collègue.
Nixon in China est un opéra qui traite d’un événement clé de l’Histoire américaine contemporaine. En tant que soprano, vous avez répondu présente à divers moments de crises majeures de la période récente, que cela soit au cours de la commémoration du 11 septembre 2001 ou pendant la crise du covid. Vous avez une relation particulière avec l’Histoire américaine, n’est-ce pas ?
Et d’un autre côté, je ne dirais pas cela. L’histoire de l’art, bien sûr, m’intéresse, mais je n’ai pas reçu de formation en tant que telle en histoire, contrairement à mes enfants par exemple !
Pendant la crise du covid, vous avez développé un nouveau projet en faveur des victimes du covid long, axé autour de la respiration. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Tout a commencé par une collaboration avec Google Arts and Culture à l’occasion de laquelle une quinzaine de chanteurs ont été amenés à présenter tous les « secrets » pour mieux maîtriser sa respiration. L’idée était de partager des conseils afin d’aider les victimes du covid long dont la respiration demeurait difficile. De manière plus générale, je ne m’étais jamais rendue compte du nombre de personnes qui souffrent, d’une manière ou d’une autre, de problèmes pulmonaires … L’objectif de cette initiative à laquelle je me suis associée est d’aider à améliorer le diagnostic de ces maladies, la récolte des données ainsi que, bien sûr, à développer des solutions.
L’un de vos projets récents, la création de The Hours, composé par Kevin Puts, met en scène le destin de trois femmes qui cherchent à s’extirper du patriarcat. C’était votre idée. Aviez-vous en tête le recul du droit des femmes aux Etats-Unis ?
Oui, absolument. Je voulais qu’on représente des personnages et des trajectoires qui, en plus d’être intéressants en eux-mêmes, parlent à la société actuelle et à notre quotidien. A mon avis, s’il y a des créations contemporaines aussi intéressantes de nos jours, c’est que parce qu’on représente, plus qu’avant, des expériences réelles qui peuvent parler à chacun d’entre nous. Bien sûr, mon choix a aussi été guidé par le fait que c’est un livre (ndlr : The Hours de Michael Cunningham) et un film (ndlr : son adaptation par Stephen Daldry) que j’affectionne particulièrement.
Vous mentionnez le film de Stephen Daldry, dont la musique est signée Philip Glass. A-t-il été envisagé de confier à Glass la composition de l’opéra The Hours ?
A vrai dire, la question ne s’est pas posée parce que je cherchais à créer un opéra avec Kevin Puts en particulier. Je sortais d’un projet passionnant monté avec lui, la mise en musique des Lettres de Georgia O’Keeffe et d’Alfred Stieglitz. Nous avons rencontré un réel succès et l’avons donné en concert avec près de quatorze orchestres… Après cette expérience, je souhaitais vraiment continuer notre collaboration. Pour The Hours, le sujet était donc plus de déterminer ce que nous allions créer plutôt qu’avec qui.
Quels sont vos projets pour la suite ? Vous reste-t-il des rêves à réaliser ?
Je vais poursuivre mon tour du monde avec le pianiste Ievgueni Kissine. Je continue également à donner Penelope, de Prévin, avec l’Emerson String Quartet et Uma Thurman. Pour les nouveaux projets à venir, je prépare actuellement une série de concerts autour de mon enregistrement CD Voice of Nature. Quant à un projet de rêve…à vrai dire, je peux dire qu’à ce stade de ma carrière, tous mes rêves se sont réalisés !
Propos recueillis le 18 mars 2023