*** Mis à jour en 2024 ***
Autre porte d’entrée du rêve américain, ville de la ruée vers l’or, notre visite des opéras du monde fait halte à San Francisco. Celle que l’on décrit comme la plus européenne des métropoles américaines existe dans l’imaginaire collectif étasunien comme la rivale de New York. Dans les faits, elles ne sont guère comparables : moins d’un million d’habitants pour San Francisco, dix fois moins que la Grosse Pomme ! Pourtant, l’opéra y tient son rang tant en termes de politique artistique que de formation lyrique.
Adresse : 301 Van Ness Avenue, San Francisco, CA 94102, États-Unis
Institution lyrique hébergée : San Francisco Opera
Site Web : sfopera.com
Année de construction : 1923
Architecte : Arthur Brown, Jr
Style architectural: Classique, ordre dorique.
Répertoire de prédilection : grand répertoire
Histoire : La Compagnie de l’Opéra de San Francisco (SFO) est fondée en 1922 par un chef d’orchestre, Gaetano Merola, qui venait depuis une quinzaine d’années en tournée avec des troupes lyriques. L’année précédente, Merola avait présenté une première saison dans un stade, sous forme d’un festival de cinq jours. Ce fut un succès critique mais un échec financier. Deux mille quatre cents dons plus tard, le SFO peut s’installer au Civic Center. La première saison ne dure guère plus que le mois de septembre et les opéras n’y sont présentés qu’une ou deux fois. Beniamino Gigli en est la star (Andrea Chénier, Mefistofele, Rigoletto). Très rapidement la construction du War Memorial Opera House est décidée, le nom étant un hommage aux soldats de la Première Guerre mondiale. C’est l’architecte Arthur Brown Jr, figure emblématique de San Francisco et de ses bâtiments publics (la Mairie, Coit Tower etc.) qui le conçoit dans un des styles classiques des Beaux-Arts, l’ordre dorique notamment quand on observe la façade à colonnes sobres assises sur un socle d’arches austères. L’auditorium peut recevoir 3146 spectateurs assis et réserve deux cents places debout supplémentaires. C’est la troisième plus grande salle aux Etats-Unis derrière Chicago et New York. Pour la grande histoire, le traité fondateur des Nations Unies est signé dans ce bâtiment. Affaibli en 1989 par un tremblement de terre, il sera modernisé et sécurisé en 1993.
En octobre 1932 s’ouvre la première saison dans le nouvel auditorium. Claudia Muzio chante Tosca : la tradition est établie, les grands noms du chant viendront à San Francisco. Merola restera à la tête de l’institution jusqu’à sa mort en 1953. On lui doit encore une collaboration fructueuse avec RCA Victor, même si le SFO peine à étendre sa saison au-delà de l’automne.
Kurt Herbert Adler, arrivé en tant que chef du chœur dix ans plus tôt, prend la suite de Merola. Fort caractère, formé en Europe, Adler veut développer le SFO, étendre sa saison au délà de l’été indien californien où il est jusqu’alors cantonné. Il se fait un devoir personnel de découvrir de nouveaux talents (Leontyne Price, entre autres, lui doit ses premiers grands rôles) et de développer les aspects scéniques et théâtraux. Dès 1957, Jean-Pierre Ponnelle est associé au SFO. Simultanément, Adler fonde le Merola Program pour la formation des jeunes artistes (voir plus bas). Toutes ces initiatives seront reprises, amplifiées par les successeurs de ce second père fondateur. Aujourd’hui le San Francisco Opera s’enorgueillit d’avoir fait découvrir, ou formé, certains des plus grands noms du chant depuis les années 1950 : Inge Borkh, Boris Christoff, Leyla Gencer, Tito Gobbi, Sena Jurinac, Mario del Monaco, Anna Netrebko, Birgit Nilsson, Leontyne Price, Margaret Price, Leonie Rysanek, Elisabeth Schwarzkopf, Anja Silja, Giulietta Simionato, Renata Tebaldi et Ingvar Wixell ; et pour les chefs, Valery Gergiev et Sir Georg Solti, sans oublier les metteurs en scène Francis Ford Coppola, Harry Kupfer et Jean-Pierre Ponnelle.
En 1971 le SFO donne un concert gratuit dans le Golden Gate Park. Il réunit environ 30 000 spectateurs et entre dans la tradition musicale de la ville.
Terence McEwen qui prend la suite d’Adler en 1982 met à profit son background dans l’industrie du disque (Decca Records USA). Sous son mandat, l’accent est clairement mis sur le chant, tant dans les distributions, que dans le développement des programmes de formations. Le San Francisco Opera Center est créé dès 1982. Il réunit, outre les programmes à destination des jeunes et des élèves de la communauté urbaine, le Merola Program et le tout nouveau Adler Fellowship Program (voir plus bas). C’est à cette époque qu’émerge Dolora Zajick, stupéfiante Azucena dès sa prise de rôle « à la sortie de l’école ».
Le mandat de Lotfi Mansouri, metteur en scène, voit le répertoire du SFO s’ouvrir notamment à l’opéra russe, défendu par Valery Gergiev, et à la création. Celui de Pamela Rosenberg, venue de Suttgart, sera plus sujet à controverse : certaines mises en scène passent mal et les mécènes font face aux difficultés financières liées à l’implosion de la bulle internet et aux conséquences du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. David Gockley qui prend la suite, revient à la recette du succès du SFO. Sous son mandat un nouveau Ring, d’inspiration féministe et américaine voit le jour, une certaine Nina Stemme y fait ses grands débuts en Brunnhilde.
Education : Le San Francisco Opera Center est le bras armé de la politique de formation d’excellence du SFO. Il chapeaute et veille au bon fonctionnement de l’ensemble des initiatives du SFO en matière de formation lyrique. Depuis 2002, Sheri Greenawald, une ancienne soprano internationale (entendue en France dans L’Aiglon en 1987) en tient les rênes. Entre auditions et masterclass, cette papesse du chant, silencieuse et discrète, lance la carrière de bien des artistes.
Le Merola Opera Program offre une formation d’excellence à vingt-trois chanteurs, quatre accompagnateurs et un metteur en scène chaque année. Recrutés sur audition, en général à la sortie d’autres formations prestigieuses comme la Juilliard School, ils suivent des cours intensifs pendant les trois mois de l’été. Beaucoup de lauréats embrassent alors une carrière internationale ou sont recrutés par le SFO comme comprimari. Carol Vaness ou Thomas Hampson ont fréquenté les bancs de ce programme. Leah Croccetto plus récemment aura bénéficié de ce tremplin.
Le Adler Fellowship Program est un exemple unique de résidence d’artistes lyriques placée sous le mécénat de donateurs privés. Un mécène pour chaque pupille, qui reçoit cours et formation dans tous les domaines de la scène, ainsi que des prises de rôles dans les productions du SFO. Voici la liste impressionante de chanteurs passés par ce fellowship : Jane Archibald, Leah Crocetto, Heidi Melton, Patricia Racette, Ruth Ann Swenson, Elza van den Heever et Deborah Voigt ; Daniela Mack, Renée Tatum et Dolora Zajick ; Brian Asawa, Ryan Belongie et Gerald Thompson ; Andrew Bidlack, Brian Jagde, Alek Shrader ; Mark Delavan, Lucas Meachem and James Westman ; John Relyea, Kenneth Kellogg, etc.
Premier opéra représenté : La Bohème, le 26 septembre 1923
Créations marquantes :
- A Streetcar Named Desire de André Previn (livret Philip Littell), automne 1988
- The Death of Klinghoffer de John Adams ,1992.
- The Dangerous Liaisons de Conrad Susa (livret de Philip Littell), automne 1994 avec Renée Fleming, Frederica von Stade et Thomas Hampson.
- Harvey Milk de Stewart Wallace (livret de Michael Korie), 1996
- Dead Man Walking de Jake Heggie (livret de Terrence McNally), octobre 2000.
- Doctor Atomic de John Adams, octobre 2005
- Appomattox de Philip Glass et Christopher Hampton en 2007
- La Ciociara de Marco Tutino et Luca Rossi en 2015
- Dream of the Red Chamber de Bright Sheng et David Henry Hwang sera créé à l’automne 2016
Meilleures places : Les mêmes qualités et défauts que ceux du Metropolitan Opera ou du Chicago Lyric Opera se retrouvent dans ce vaste auditorium. On conseille donc le parterre, en veillant à ne pas être placé trop proche de la scène ou sous les avancées de balcons. Le Grand Tier offre une excellente balance entre la visibilité et le son. Le balcon est confortable et offre les places les moins chères, mais il est très éloigné de la scène. Attention dans le choix des dates, certaines représentations sont en « operavision » retransmises en même temps sur des écrans disposés au balcon.
Tarifs : 10$ pour les places debout. 27$ pour les places de dernières minutes réservées aux étudiants et senior, et jusqu’à 400$ en fonction des productions.
Anecdote : En 1972, pour le cinquantenaire du San Francisco Opera, Lauritz Melchior revient se produire, non pour chanter mais pour diriger la Marche de Radetsky à la tête l’orchestre de la maison.
Vestiaire : Prévus en nombre pour accueillir les 3000 spectateurs de l’auditorium !
A l’entracte : Le War Memorial Opera House propose plusieurs restaurants et bars.
Le bémol : San Francisco est à -9h de décalage horaire. Vous y rendre (et en revenir) sera un vrai périple. Pensez à prévoir large pour ne pas être fatigué le soir de la représentation.
Le dièse : Une acoustique étonnante par sa proximité, dans une salle si vaste. Des trois principales aux USA, elle est celle qui offre le meilleur confort sonore.
Accès : Le SFO est situé en face du City Hall, autant dire que c’est la place de la ville la mieux desservie par les transports en commun. Les parkings sont présents en nombre pour les automobilistes.
Boutique : Le SFO dispose d’une boutique assez sommaire. Ce n’est peut-être pas là que vous ferez vous meilleures emplettes.
Où dîner a proximité ? En remontant Van Ness avenue vous tomberez sur la Japan Town, idéale pour savourer la gastronomie venue de l’autre côté de l’Océan. Dans l’autre direction, en dépassant le Central Business District le quartier littoral d’Embarcadero offrira toutes sortes d’options.
Où dormir à proximité ? Le développement de la Silicon Valley et les succès fulgurants des multinationales de l’industrie 2.0 ont fait grimper les tarifs hôteliers de San Francisco. La ville a vu aussi naitre AirBnb et autres services dits collaboratifs dont l’usage est recommandé pour faire des économies. Si votre bourse vous permet plus de largeur, on conseillera des quartiers typiques comme Russian Hill, Height & Hashbury et surtout, de marcher, marcher, marcher ! San Franciso est une ville qui s’arpente.