Voyage à Reims, comme chaque année dans le cadre du Rossini Opera Festival, en compagnie des jeunes artistes de l’Accademia Rossiniana1. Un rendez-vous immuable pour découvrir la fine fleur du chant rossinien de demain. Rappelons que certaines têtes d’affiche de cette 31e édition ont été révélées les années précédentes à cette occasion : Olga Peretyatko, Yijie Shi, Marianna Pizzolato, Manon Strauss Evrard, …
Immuable aussi, la mise en scène d’Emilio Sagi, en service depuis 2001, dont on connaît bien à présent les qualités – esthétisme, fluidité – et les défauts. La transposition de l’action dans un endroit qui évoque à la fois un sanatorium et le pont d’un navire induit une uniformité dans le costume – peignoirs blancs puis robes et complets noirs – qui nuit à l’identification et à la caractérisation des personnages. Autant dire qu’il vaut mieux connaître le livret pour pouvoir suivre et comprendre l’action.
Comme chaque année également, les jeunes chanteurs affichés suscitent des avis contrastés. Certains séduisent d’abord par leur présence : le charme latin de Pietro Di Bianco (Don Alvaro) ou la Madame Cortese mutine de Maria Kostraki. D’autres par leur bagage vocal. La technique de Clemente Antonio Daliotti est suffisante pour venir à bout de la grande scène de Lord Sydney (« Ah, perché la conobbi… Invan strappar dal core »), son chant gagnerait à se départir d’une certaine timidité. Tony Bardon a dans le timbre une élégance et un velouté qui trouveraient, dans des rôles moins vaillants que Belfiore, sans doute plus à exprimer. Sachika Ito possède beaucoup des atouts de Folleville, notamment une étoffe que l’on cherchera en vain chez les sopranos coloratures auxquelles on confie d’habitude le rôle. Mais pourquoi exposer ses limites en surenchérissant d’effets qui nuisent plus à l’interprétation qu’ils ne la servent ?
D’autres enfin semblent déjà bien engagés sur le chemin du succès, comme en témoignent les applaudissements à la fin du spectacle. Marina Bucciarelli laisse entrevoir des trésors de musicalité dans un « Arpa gentil » aux reflets dorés et de nouveau dans son ode à Charles X (« All ombra amena del Giglio d’oré »), énoncé ici avec la même acuité, quand il a souvent ailleurs tendance à tirer en longueur. Dommage que son duo avec Belfiore la trouve moins éloquente, comme s’il s’agissait d’une autre interprète. La Melibea de Veronika Vyatkina, à l’identité vocale typiquement slave – rondeur, chaleur, ampleur – ne fait qu’une bouchée, de John Zuckerman, un peu dépassé par l’envergure de Libenskopf. En Don Profondo, Francesco Vultaggio tire aussi son épingle du jeu, faisant montre de vélocité et d’esprit dans un « Medaglie incomparabili » subtilement caractérisé.
Mais, plus que sur scène, c’est dans la fosse que l’on trouvera peut-être la révélation attendue, en la personne du jeune chef d’orchestre, Andrea Battistoni qui, sans partition, démontre qu’il maîtrise déjà bien son Rossini. L’intelligence de sa direction apporte à l’ensemble une tenue remarquable, supérieure en tout cas à celle des éditions précédentes.
1 Cf. en 2008 le compte-rendu d’Antoine Brunetto.