« Portrait nostalgique d’une jeunesse insouciante servi par des acteurs spontanés et une mise en scène alerte. Cependant le portrait est affligeant, tant ces jeunes sont vains, grossiers, obsédés et cons ». Fort curieusement, cette note de Claude Bouniq-Mercier sur le film A nous les petites Anglaises ! de Michel Lang (Guide des films de Jean Tulard) s’adapte parfaitement au spectacle de ce soir, où Eric Perez a voulu privilégier la jeunesse. Exit donc les Don Giovanni matures à la Gérard Souzay, Gabriel Bacquier ou Ruggiero Raimondi : ils avaient leur charme, ils ont fait leur temps. Le personnage a connu par la suite des centaines d’incarnations, de l’homme d’affaires véreux au gay guy, en passant par de vraies gémellités avec Leporello. Mais ce soir, c’est jeunesse à tout crin, comme dans le récent Dom Juan de la Comédie française avec Loïc Corbery, et avec un résultat tout aussi relatif.
Ce Don Giovanni, créé à Saint-Céré à l’été 2013, est le troisième proposé par ce festival. La version de Prague y a subi plusieurs modifications dans l’ordre des airs et dans l’orchestration. Mais surtout, la priorité est donnée à l’animalité de la jeunesse. L’impression générale est à la fois déconcertante et peu convaincante : on a l’impression, comme dans le film sus-cité, de jeunots en mal d’expériences sexuelles qui courent les filles ; la mise en scène semble avoir été construite sur ce seul critère, et en paraît d’autant plus anecdotique, scolaire et au-dessus des moyens de la plupart des interprètes. Les dialogues parlés en français souvent mal écrits et dits, qui remplacent les récitatifs chantés, ne font qu’ajouter au malaise. Quant aux chanteurs, malgré leur allure juvénile, ils n’atteignent pas au niveau vocal d’autres distributions pourtant plus jeunes…
La déception ressentie est globalement partagée : il y a certes de beaux moments, quelques airs bien chantés, mais fort curieusement, ce sont les défaillances qui prennent le pas et dont le souvenir reste. Christophe Gay est un Don Giovanni qui, à près de 40 ans, a gardé un physique juvénile, mais dont la technique manque de légato. Son air du Champagne, notamment, chanté il est vrai sur un escabeau à roulettes en mouvement, est trop haché et guère pétillant… Le Leporello de Xiaohan Zhai manque de puissance et peine dans les parties parlées. Marlène Assayag (Donna Anna) accumule les notes approximatives dans la scène du viol du début, mais se rattrape bien par la suite. David Ghilardi (Don Ottavio) manque quasiment toutes les notes aiguës du seul air qu’il ait à chanter, et Julien Fanthou (Masetto) a l’air absent. S’en sortent mieux Marion Tassou (Zerline) à la voix fraîche et Jean-Loup Pagésy (Le Commandeur), et tout à fait bien Carole Garcia (Donna Elvira). Les ensembles vocaux sont globalement bien menés.
Dominique Trottein a laissé la baguette à Dominique Rouits, très attentif à donner aux chanteurs leurs départs, mais qui reste globalement mécanique, se contentant de suivre un tempo soutenu. La tournée se poursuit avec des chefs divers : Le Chesnay (14 mars), Cahors (20 mars), Figeac (21 mars), Andrésy (23 mai).