Pourquoi intituler un récital « D’amor sull’alli rosee » pour n’interpréter ensuite aucun air du Trouvère ? Certes il s’agit d’un récital en forme d’hommage à Verdi pour le bicentenaire de sa naissance, mais l’on frôle ici la publicité mensongère !
Cela dit, c’est un exercice bien difficile auquel se prête Marina Rebeka, jeune soprane lettone révélée à Pesaro en 2007 dans Le Voyage à Reims et projetée l’année suivante en haut de l’affiche de Maometto II. Difficile à plus d’un titre d’ailleurs, le premier défi étant de fêter le maître de Busseto dans le cadre du Rossini Opera Festival dédié au cygne de Pesaro, le second de se confronter à un répertoire qui se cherche aujourd’hui des interprètes capables de lui rendre justice et de se mesurer aux mânes des interprètes d’antan, Tebaldi, Callas ou Caballé pour n’en citer que quelques unes.
Le résultat n’est pas exempt de frustration. Il faut en effet attendre le dernier air au programme, extrait de La Traviata (« E strano… Sempre libera »), pour que la chanteuse se détache de sa partition et entre enfin véritablement dans le personnage. Si l’on peut regretter un contre Mi bémol final escamoté (il est vrai optionnel), l’interprétation est superbe, l’incarnation crédible : on sent que la soprano a travaillé le rôle. Elle trouve en Giorgio Misseri (Don Eusebio de L’Occasione fa il ladro) un Alfredo ardent à souhait. Elle enchaîne avec un seul bis, un boléro des Vêpres Siciliennes enlevé, mais privé également de son suraigu final.
Auparavant, après une Gilda qui cueille Marina Rebeka à froid, un peu raide et privée de notes piquées, le programme a le grand mérite de ne pas se cantonner aux lieux communs, en alignant I Masnadieri et Il Corsaro. La grande scène d’Amalia « Tu del mio Carlo al seno » (air et cabalette) laisse malheureusement un peu froid : toutes les notes sont là, la projection est impressionnante (voire un peu surdimensionnée pour le petit Théâtre Rossini), mais il manque une liberté et des intentions pour créer un personnage. Marina Rebeka, un peu crispée, se raccroche à son pupitre. Medora d’Il Corsaro, guère plus séduisante et peu émouvante, pâtit d’un timbre que l’on rêverait plus opulent.
Il faut dire à sa décharge que la chanteuse n’est pas toujours très soutenue par la direction de Daniele Agiman, peu inspiré à la tête de l’Orchestre symphonique Rossini. Pour un prélude d’I Masnadieri enchanteur grâce au beau solo de violoncelle, on a droit à une ouverture de Giovanna d’Arco d’une rare pesanteur.
Prometteuse, Marina Rebeka ? Sans nul doute, mais une pratique plus approfondie et prolongée du répertoire verdien lui permettra de concrétiser l’affinité démontrée avec brio dans l’extrait de La Traviata.