Fondé en 1998, par le baryton-basse américain Richard Cowan, qui avait choisi Belle-Île comme lieu d’échanges culturels entre la Bretagne et les Amériques, le festival international Lyrique en mer, consacré en majeur partie à l’art lyrique, célèbre cet été, de belle manière, ses 25 ans. Il est aujourd’hui dirigé par l’Anglais Philip Walsh, son plus ancien chef d’orchestre attitré. Presque entièrement financé par du mécénat privé, il bénéficie, de longue date, du soutien de la région, du département, des communes et, enfin, depuis 2022, d’une subvention de la DRAC. Le bénévolat est essentiel et fait appel aux habitants et aux résidents temporaires qui s‘investissent avec passion dans sa réalisation. Quatorze soirées se succèdent ainsi entre le 26 juillet et le 12 août (La Passion selon Saint Jean le 11 août à l’église de Locmaria).
Le chœur, constitué de cinquante chanteurs amateurs, en majorité bellilois, répète régulièrement à partir du mois de janvier (des résidents temporaires font aussi les voyages pour s’adjoindre à eux). Denise, belliloise très populaire, s’enorgueillit, à l’âge de 85 ans, de n’avoir jamais manqué au rendez-vous depuis la création du festival.
Philip Walsh vient régulièrement de Londres et peut désormais compter sur son remarquable chef de chœur, le jeune Gérald de Montmarin originaire de la région.
D’autre part, l’Académie accueille des jeunes chanteurs venus d’Europe et des Etats-Unis. Ils participent aux master classes, renforcent le chœur et interprètent de petits rôles.
Enfin, sur le modèle britannique All singing, Philip Walsh fait appel à des candidatures spontanées pour intégrer, le 8 août, le chœur du Gloria de Vivaldi et Zadok the Priest de Haendel. Ces derniers arrivent le matin pour la répétition et le concert en fin d’après-midi. Pour l’occasion, l’ensemble compte alors 150 choristes.
Le 3 août avait lieu la première de la Passion selon St Jean de Jean-Sébastien Bach dans la belle église de Bangor dont l’acoustique est exceptionnelle grâce aux lambris de recouvrement des voûtes (comme ceux construits à travers la Bretagne par les charpentiers marins). Quand on sait la difficulté du premier chœur « Herr, unser Herrscher », on est immédiatement saisi par l’engagement des chanteurs, leur force d’expression, la mise en place sans faille et la couleur superbe de l’ensemble. L’homogénéité est le terme qui convient d’ailleurs pour l’interprétation de tous, sous la baguette précise de Philip Walsh, à la tête d’un ensemble de musiciens de premier rang, qui parvient à tenir l’attention du public de bout en bout. Le rôle de l’Évangéliste est tenu de manière touchante par le ténor Gallois William Searl aux beaux aigus pianissimi en voix mixte. Le baryton-basse ukrainien Ihor Mostovoi, né à Marioupol où vit toujours son père, est un Jésus poignant. Il déclame ses récits d’une voix veloutée pleine de nuances. C’est aussi le cas du ténor Stefan Sbonnik, membre de l’opéra studio de l’Opéra du Rhin. Le timbre est lumineux, la diction impeccable et il se joue de la tessiture tendue de « Ach mein Sinn » et de « Erwäge » grâce à une technique sans faille. A leurs côtés trois américains : la soprano Maria Koroleva, d’origine russe, belcantiste aux aigus brillants, le baryton Michael Kelly et la mezzo-soprano Blythe Gaissert, familière du Metropolitan Opera de New York, à la voix ample et étendue qui interprète avec sobriété et émotion contenue, le « Es ist vollbracht » final.