Forum Opéra

BACH, Matthäus-Passion – Aix-en-Provence (Festival de Pâques)

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
20 avril 2025
Minimal Bach

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Matthäus-Passion, BWV 244

Créée à Leipzig, église Saint-Thomas, le Vendredi saint 1727

Détails

Julie Roset, soprano

Apolline Raï-Westphal, soprano

William Shelton, alto

Coline Dutilleul, alto

Valerio Contaldo, ténor

Antonin Rondepierre, ténor

Sebastian Noack, baryton

Tomas Kral, baryton

 

Les Ambassadeurs

La Grande écurie

Direction musicale
Thibault Noally

Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, Grand théâtre de Provence, le 18 avril 2025 (vendredi saint) à 20h30. Retransmission en direct sur Radio classique.

Calendrier liturgique oblige, le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence programmait une Passion le soir du Vendredi saint. Et comme il est des traditions auxquelles on ne peut déroger, c’est évidemment une Passion de Bach qui fût donnée : la saint Matthieu.

Écrite pour être exécutée depuis les deux tribunes alors présentes en l’église Saint-Thomas de Leipzig, la partition a des atours monumentaux : deux chœurs (plus un chœur d’enfants), deux orchestres et, bien sûr, deux continuos et une armada de solistes – l’ensemble se répondant et produisant de somptueux effets d’échos. Mais ces atours sont ceux de la partition et ne peuvent produire le résultat escompté que si les choix d’interprétation et d’effectifs y sont adéquats. Pour sa passion, Thibault Noally, à la tête de deux ensembles, Les Ambassadeurs et La Grande écurie – réunis pour l’occasion –, a fait le choix de la sobriété extrême. Les deux chœurs sont ici deux quatuors, l’Évangéliste et Jésus sont le ténor et la basse du premier « chœur », Judas et Pierre sont la basse du second « chœur », tandis que les autres soli sont répartis entre les « choristes-solistes ». Derrière l’orchestre, un autre quatuor assure la partie du chœur d’enfants et un renfort nécessaire dans les chorals.

Sans s’attarder sur les querelles musicologiques liées à la manière dont Bach était chanté à son époque – grands chœurs ou effectifs réduits, avec ou sans l’assemblée… – car, au fond, on lit tout et son contraire, force est néanmoins de constater que l’option retenue ici – qui n’a, certes, rien d’inédit – ne convainc pas. La frustration est peut-être la plus aiguë au tout début de l’œuvre, alors que le chœur d’ouverture (  I «  Kommt, ihr Töchter, helft mir klagen ») devrait déployer un son généreux où les interventions des trois  chœurs (deux chœurs et choral) se mélangent et font saillance. Le dialogue et les équilibres entre les deux chœurs y sont mais sans la pâte sonore qui fait la solennité du moment et avec un choral trop effacé. La configuration n’a pas que des désavantages et l’on apprécie en particulier le mordant du XXVIIb « Sind Blitze, sind Donner, in Wolken verschwunden » où l’on évite le lissage des articulations qu’induisent certaines grandes formations. On perd en revanche en efficacité dramatique, alors que le texte appelle un courroux non contenu, pour ne pas écrire débridé : « Pulvérise, ruine, engloutis, fracasse d’une soudaine fureur le faux traître, le meurtrier sanguinaire ! ». Les chorals souffrent moins de l’effectif puisque, d’un soliste, l’on passe à deux ou trois choristes par voix. On est toutefois loin de l’évocation de l’assemblée déclamant le texte liturgique (ce qui, selon Cantagrel, ne pouvait quoiqu’il en soit pas se faire durant les offices de la Passion à Leipzig en raison d’une trop grande complexité harmonique de l’écriture). Les tempi sont franchement allants et les ralentis parfaitement maîtrisés – on ne s’appesantit pas mais on peine à trouver un véritable esprit de recueillement.

© Caroline Doutre / Festival de Pâques

L’Évangéliste de Valerio Contaldo se révèle au fil du récit. Si le son paraît d’abord trop canalisé, il s’ouvre au fur et à mesure de l’incarnation et, au LVIII b « Und da sie an die Stätte kamen mit Namen Golgatha », le chanteur touche une intensité  dramatique vocalement parfaitement rendue. En plus d’un rôle déjà exigeant, il assure plusieurs airs pour ténor solo, transformant à certains égards l’interprétation en performance. Dans le XX « Ich will bei meinem Jesu wachen », le dialogue avec le hautbois est bien mené, malgré des vocalises un peu marcato et une articulation qui aurait pu être davantage prononcée du côté de l’instrument. 

En Jésus, Sebastian Noack convainc malgré des graves un peu éteints. Il offre également des airs de basse solo engagés, avec notamment un LVII « Komm, süßes Kreuz », qui parvient à concilier inquiétude et supplication. Tomas Kral campe un Judas et un Pierre efficaces. Les airs, quant à eux, sont bien menés, servis par un timbre clair sans profondeur excessive (notamment le XXIII « Gerne will ich mich bequemen » et un XLII « Gebt mir meinen Jesum wieder » engagé mais dans lequel les cordes étaient déjà désaccordées). Antonin Rondepierre met la brillance et la rondeur du timbre au service d’un XXXV « Geduld ! Wenn mich falsche Zungen stechen » parfaitement mené. Côté soprano, Julie Roset offre une belle souplesse et un phrasé parfaitement adéquat à la partition. La voix qui n’a pourtant rien d’une « petite voix » souffre néanmoins de l’acoustique d’une salle qui, d’une manière générale, ne met que peu en valeur les voix dans un répertoire qui, s’il requière une certaine intensité sonore, ne s’accommode pas d’élans outrageusement lyriques. Apolline Raï-Westphal, quant à elle, offre un VIII « Blute nur, du liebes Herz ! » globalement convaincant, mais dans lequel on aurait aimé davantage de contrastes du côté du chant (on les retrouve pleinement du côté de l’orchestre). Le timbre est sobre, ce qui convient parfaitement à la partition, mais les passages vocalisants manquent de direction. Dans le LII « Können Tränen meiner Wangen nichts erlangen », Coline Dutilleul trouve le juste dosage entre expression dramatique et intériorité. Le timbre est chaleureux et la voix bien projetée – ce qui, dans cette salle et cette tessiture, mérite qu’on le souligne. Alto du « chœur » I, William Shelton commet certains des plus beaux moments de l’œuvre. Son LI « Erbarme dich » est sublime, nécessairement lacrymal sans pour autant être pathétique. Malgré un violon solo un peu « pâteux » (trop legato), le contreténor emporte la pièce vers les sommets qu’elle appelle. Le timbre est rond et velouté mais, à la fois, lumineux, ce qui a permis au chanteur, dans le VI « Buß’ und Reu’ » de la première partie, d’atteindre un équilibre parfait entre joie, ferveur et drame – équilibre que la cohabitation d’un texte chargé et d’une mesure en 3/8 rend particulièrement complexe.

Si le timbre des instruments anciens apporte beaucoup à l’œuvre, leur instabilité aurait au moins dû amener le chef à les laisser s’accorder une nouvelle fois en milieu de seconde partie (mais aussi, idéalement mais moins urgemment, en milieu de première partie). Certains ensembles proposent une « vision » de l’œuvre (recueillie, théâtrale, plus ou moins lyrique…). Rien de tout cela ce soir mais une cohésion irréprochable avec les chœurs, n’étaient l’un ou l’autre enchainement empressé ou coup d’archet mal ciselé.

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

3

❤️❤️❤️❤️❤️ : Exceptionnel
❤️❤️❤️❤️🤍 : Supérieur aux attentes
❤️❤️❤️🤍🤍 : Conforme aux attentes
❤️❤️🤍🤍🤍 : Inférieur aux attentes
❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Matthäus-Passion, BWV 244

Créée à Leipzig, église Saint-Thomas, le Vendredi saint 1727

Détails

Julie Roset, soprano

Apolline Raï-Westphal, soprano

William Shelton, alto

Coline Dutilleul, alto

Valerio Contaldo, ténor

Antonin Rondepierre, ténor

Sebastian Noack, baryton

Tomas Kral, baryton

 

Les Ambassadeurs

La Grande écurie

Direction musicale
Thibault Noally

Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, Grand théâtre de Provence, le 18 avril 2025 (vendredi saint) à 20h30. Retransmission en direct sur Radio classique.

Vous pourriez être intéressé par :

Deux grandes voix pour un Werther de choc
Clémentine MARGAINE, Arturo CHACÓN CRUZ, Giampaolo BISANTI
Spectacle