Oratorium, indique l’en-tête de l’autographe. Mais en réalité, six cantates aux caractères variés, créées séparément entre le lendemain de Noël 1734 et l’Epiphanie 1735. Si le récit d’un Historicus emprunté à Luc (I-IV) et à Matthieu (V-VI) leur fait une trame narrative, leur non-continuité musicale autorise à ne pas les jouer d’une traite. Ton Koopman ne se focalise donc que sur les quatre premières – La naissance du Christ, l’Annonce aux bergers, l’Adoration des bergers, La Circoncision et le nom de Jésus –, et laisse les Rois mages là où ils sont.
Oubliez l’inimitable fondu d’Herreweghe ou la virtuosité ultra-chic de Gardiner. Le Néerlandais n’est pas plus contemplatif que gentleman farmer. Peu pressé – la gestuelle déborde toujours d’entrain mais le tempo ne court pas la poste –, Koopman s’invente une dynamique qu’il sculpte au ciseau pour suggérer le sens général de chaque numéro, instaurer une atmosphère, creuser le Verbe ou simplement rebondir sur un mot. Mention spéciale au traitement des chorals, qui fait mouche dans tous les cas.
Plutôt sombre, l’orchestre s’avère inégal. Les trompettes envoient des pétards mouillés dans un « Jauchzet, frohlocket » sans beaucoup d’étincelles, les anches sont incapables de répondre avec sensualité aux langoureux rythmes pointés des cordes dans la Sinfonia d’ouverture de la deuxième cantate (mais feront heureusement mieux dans « Herr, dein Mitleid, dein Erbarmen »), et les scories s’accumulent au fur et à mesure de la soirée. Les grandes années de la formation – l’époque des piges du hautboïste Marcel Ponseele, notamment – semblent bien derrière elle. L’Amsterdam Baroque Choir a lui aussi besoin de temps pour se hisser à son meilleur niveau. Il faut attendre « Herrscher des Himmels » pour que l’ensemble atteigne vraiment sa forme optimale dans les chœurs qui encadrent chaque cantate.
Côté solistes, on imagine difficilement plateau plus dépareillé. Vieux compagnon de route de Koopman – il était déjà de la partie en 1996 pour les micros d’Erato –, Klaus Mertens tient les clés de la crèche. Ses interventions le montrent fin connaisseur de la rhétorique de Bach, et son duo avec Martha Bosch, venue remplacer Yetzabel Arias Fernandez souffrante, met véritablement la jeune soprano en selle. Si elle faisait un ange dangereusement yo-yotant dans les quelques notes du récitatif « Fürchtet euch nicht », elle retrouve stabilité et joliesse de timbre dans les airs de « Fallt mit Danken, fallt mit Loben ». Evangéliste fétiche du chef-organiste, le brillant et sémillant Tilman Lichdi incarne l’enthousiasme, et prend manifestement un malin plaisir à cabotiner partout où il le peut (« Frohe Hirten, eilt, ach eilet », entre autres). Franziska Gottwald passe en revanche pour le maillon faible de la bande. Couverte par les cordes dès « Bereite dich, Zion », sa voix se dissout partout dans les sonorités de l’orchestre (l’oreille la perd carrément de vue dans « Schlafe mein Liebster »). Pas de miracle de Noël pour la mezzo.