Avec les cantates BWV 66 Erfreut euch, ihr Herzen et BWV 134 Ein Herz, das seinen Jesum lebend weiß et l’Oratorio de Pâques, BWV 249 (qui serait plutôt une longue cantate), le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence poursuit son cheminement dans le calendrier liturgique pascal. Respectivement écrites pour les Lundi et Mardi de Pâques, les deux premières cantates sont certes moins éclatantes que l’Oratorio dont les cuivres évoquent le jaillissement vital de la résurrection. Il n’empêche qu’elles offrent de belles pages, trop rarement entendues.
Dans la première, chœur, alto, ténor et basse chantent la joie de la résurrection. Écrite sur un mode allégorique, la cantate se présente comme un dialogue entre la Crainte (alto) et l’Espérance (ténor). Incarnant la première, Mari Askvik offre une voix souple et ronde, avec des facilités évidentes dans les aigus, tandis que, lorsqu’il chante la seconde, Nick Pritchard se met tout entier au service d’un texte qu’il parvient à rendre de manière limpide. La voix est claire et bien projetée et, dans le style et l’expression, l’on entend l’excellent évangéliste qu’est aussi le chanteur. Adrien Fournaison remplace vaillamment la basse initialement prévue. S’il maîtrise manifestement la partition et offre un air riche en vocalises où, ni la direction, ni le phrasé ne sont escamotés, il est rivé à la partition. Détail insignifiant, n’était la projection de ce fait dirigée vers le bas, rendant certains moments presqu’inaudibles. Il est clair que la basse maîtrise mieux l’Oratorio où ce problème ne se reproduira pas.
Dans la seconde, alto et ténor offrent un duo parfaitement équilibré. L’air « Auf, Gläubige, singet die lieblichen Lieder » du ténor paraît un peu pressé, mais l’écriture pousse certes à la fuite en avant, de même que le texte qui exhorte les croyants (et les âmes !) à se lever joyeusement.
L’Oratorio sonne comme un moment de gloire. Dans la sinfonia qui ouvre l’œuvre, les cuivres éclatent et offrent de subtils crescendos qui sont autant de petites éclosions. C’est le son d’une renaissance, voire celui d’une résurrection. Avec Les Talens lyriques, Christophe Rousset couvre une palette de nuances allant de la douceur la plus extrême à la glorification débridée. Aux nuances d’intensité, il faut ajouter le mouvement du son – mouvement qui contraste avec une gestique dont la sobriété déconcerte au vu du résultat. Les ralentis et variations de tempi sont parfaitement amenées, ne touchent jamais la carricature et effleurent parfois l’imperceptible. L’ensemble ne serait pas grand-chose sans ses membres et il faut souligner les interventions du premier violon et des flûtes qui, dans l’air « Seele, deine Speezerein » touchent, avec la soprano, le raffinement le plus extrême. Dans l’air de ténor, « Sanfte soll mein Todeskummer », qui est assurément la plus belle page de l’œuvre, elles atteignent quelque chose comme une idée de la perfection.
Aux trois chanteurs mobilisés dans les cantates BWV 66 et BWV 134 se joint, dans l’Oratorio, Anna El-Khashem, soprano. La voix est claire, presque incisive – ce qui apporte un certain volume, y compris dans le piano. On perd cependant en compréhension du texte sur certaines fins de phrases placées comme en recul.
Le Chœur de chambre de Namur, préparé par Thibault Lenaerts, est comme Mary Poppins : parfait en tout point. Il clôt le concert par un « Preis und Dank » qui sera repris en bis et qui synthétise les ambitions de la programmation : traduire musicalement l’exultation.