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BELLINI, Norma – Martina Franca

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Spectacle
30 juillet 2024
La magie bellinienne toujours aussi efficace

Note ForumOpera.com

5

Infos sur l’œuvre

Tragédie lyrique en deux actes (Teatro alla Scala, Milan, 26 décembre 1831)

Musique de Vincenzo Bellini

Livret de Felice Romani d’après la tragédie Norma ou l’Infanticide, d’Alexandre Soumet

Edition critique de Roger Parker pour les Editions Ricordi

 

 

Détails

Nouvelle production du festival de la Valle d’Itria

Mise en scène
Nicola Raab

Décors et costumes
Leila Fteita

 

Norma
Jacquelyn Wagner

Adalgisa
Valentina Farcas

Pollione
Airam Hernández

Oroveso
Goran Juric’

Clotilde
Saori Sugiyama

Flavio
Zachary McCulloch

 

Chœur du Teatro Petruzelli de Bari

Chef de chœur
Marco Medved

Orchestre du Teatro Petruzelli de Bari

Direction musicale
Fabio Luisi

Martina Franca, Cour du Palais ducal, dimanche 28juillet 2024 à 21h

 

 

Né en 1975  le Festival de la Valle d’Itria célèbre ses cinquante ans en remettant à l’affiche Norma. Un jeune lecteur qui saurait que ce festival a bâti sa réputation sur la résurrection de titres rares pourrait s’en étonner. Précisons donc à son intention d’abord que le chef-d’œuvre de Bellini n’avait pas été donné à Martina Franca depuis 1977, ensuite que, comme alors, il est proposé dans la version originale pour deux sopranos. Et cerise sur le gâteau, une nouvelle édition critique a été réalisée par l’éminent musicologue Roger Parker.

Ce dernier dans le programme de salle, se pose la question : pourquoi une nouvelle édition critique ? Non sans humour il constate que la vogue ininterrompue de l’œuvre depuis sa création ne doit rien aux musicologues. Puis il avance l’argument selon lequel les partitions « traditionnelles » s’éloignent des intentions originelles du compositeur. Dans le cas de Norma il n’y croit guère. Il pense plutôt que, comme c’est une impression du début des années 1900 qui a donné sa forme définitive à la partition « traditionnelle », elle correspond aux décisions éditoriales de cette époque, ce qui justifie qu’on les révise aujourd’hui. Et il ajoute aussitôt : « pour autant qu’une nouvelle édition puisse proposer les infinies variations proposées par Bellini, elles ne devraient pas être vues comme prescriptives » car la partition autographe montre clairement les indécisions du compositeur quant à fixer une forme définitive. D’où sa conclusion : qui cherche à produire une version ultime « approuvée par le compositeur » qui serait la seule à pouvoir être représentée le fait contre l’évidence historique.

De quel poids ont été ces remarques dans les représentations de cette année ? Sans doute les changements étaient peu perceptibles, même pour des oreilles exercées, car alors qu’à l’entracte les passions se déchaînaient sur les voix et la direction, aucun commentaire n’évoquait les nouveautés de cette édition. Entrons dans l’arène : la direction de Fabio Luisi  a été pour nous une source presque constante de jouissance, la restriction étant liée à la prière de Norma, dont le rythme a probablement été choisi avec l’interprète, d’une lenteur qui en faisait une berceuse plus qu’un appel vibrant à la divinité. Pour le reste, c’est le mot de transparence qui nous vient à l’esprit, tant ses indications inlassablement précises ont éclairé les rapports des timbres, les plans sonores, dans une maîtrise souveraine des tempi et des rythmes, qui fait chatoyer les couleurs et purge les marches de tout soupçon de « pompiérisme » grâce au concours raffiné des musiciens de l’Opéra de Bari.

.Le dispositif scénique est le même que celui conçu par Leila Fteita pour Aladino e la lampada magica, à ceci près que nous voyons l’arrière du bloc central qui représentait les bibliothèques. A nos yeux s’offre un mur incurvé percé de deux portes rectangulaires et couvert d’un enduit rouge pompéien dont les craquelures deviendront fissures. Il est le support de projections, des flammes dévorantes à la fin de l’ouverture et au final, et un arbre immense pour la rencontre de Pollione et d’Adalgisa à l’abri des regards. Le plateau reste nu, et des accessoires apparaissent et disparaissent selon les nécessités : une faucille, un bandeau pour les yeux, des sièges curules, un ballon. Le matelas sur lequel reposent les enfants endormis sera disposé à jardin dans l’espace scénique latéral au plateau central. Comme la veille ces espaces latéraux permettent la circulation de personnages, tel Oroveso, et l’apparition des chœurs masculins et féminins quand la mise en scène les fait sortir de leurs cages transparentes. Comme la veille, les artistes du chœur de l’Opéra de Bari confirment leur excellente préparation.

Elèves de l’Académie, Saori Sugiyama et Zachary McCulloch campent honorablement leurs seconds rôles. Elle est affublée d’une improbable perruque blonde de style afro quand il apparaît crâne rasé, un accessoire semble-t-il. Leur voix est bien projetée et leur tenue scénique satisfaisante.

L’entrée en scène d’Oroveso n’augure pas le meilleur, tant l’émission semble incertaine et la diction pâteuse. Ce n’est qu’au fil de la représentation que Goran Juric retrouvera une voix conforme aux exigences du rôle, sans toutefois que le personnage atteigne à la grandeur qu’on lui accorde généralement. Mais dans une Gaule que le décor, les costumes et les accessoires représentent largement romanisée, les projets belliqueux de ce chef et de ses guerriers semblent un combat d’arrière-garde perdu d’avance et on peut admettre que ce manque d’envergure est dans la logique des données de l’œuvre.

Airam Hernandez se tire avec les honneurs, selon nous, du rôle ingrat de Pollione, car il le chante et le joue avec suffisamment de nuances pour échapper aux caricatures qui en grossissent les traits. Ni vocalement ni dramatiquement il ne surjoue pour chercher l’effet, et c’est cette probité musicale qui nous séduit.

Cette probité on la retrouve chez Valentina Farcas, qui  prête sa jolie voix de soprano à Adalgisa et réussit, tant vocalement que scéniquement, à représenter la jeune fille bouleversée par un coup de foudre auquel elle n’a pu résister. Le dilemme entre cette passion et sa fidélité à ses engagements religieux, que sa vénération pour Norma aggrave d’un sentiment de trahison, son exaltation quand elle cède à la pression de Pollione, son épanchement auprès de Norma, son effroi quand elle découvre la vérité, autant de nuances qu’elle exprime avec justesse et une réelle maîtrise vocale.

C’est Jacquelyn Wagner qui incarne le rôle-titre. Nous ne l’avions plus entendue depuis une lointaine Fiordiligi à Genève. L’état de sa voix, intacte, démontre la prudence avec laquelle elle contrôle son instrument. Est-ce cette prudence qui lui fait adopter cette lenteur dans la prière à la lune où nous aurions aimé sentir un frémissement plus marqué ? Par la suite, les tempi nous paraîtront justes, et l’émission idoine aux intentions et aux exigences du rôle. La Norma de Jacquelyn Wagner apparait à la fin de l’ouverture : sa haute taille lui donne de la prestance mais son attitude révèle un trouble profond et elle finit par s’écrouler. Quand elle reviendra en scène, escortée par les suivantes qui la parent pour la séance de divination, elle aura le maintien hiératique de la prêtresse, dont la coiffure en hauteur évoque irrésistiblement Leyla Gencer. Sans doute peut-on préférer des voix plus corsées, mais nier la qualité stylistique de cette interprétation relèverait de l’outrance.

Dans Norma, les duos Adalgisa-Norma constituent évidemment les ruminations belliniennes les plus grisantes. Les deux artistes nous ont comblé, mais c’est l’ensemble de l’interprétation vocale et musicale qui a tressé le piège délicieux de ces ressassements dont la reprise indéfinie, quand elle est réussie, crée chez l’auditeur une addiction profonde. Cette Norma nous a grisé.

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Edition critique de Roger Parker pour les Editions Ricordi

 

 

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Nouvelle production du festival de la Valle d’Itria

Mise en scène
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Décors et costumes
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Adalgisa
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