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BEMBO, L’Ercole Amante – Stuttgart

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Spectacle
1 juin 2023
Antonia Bembo, le « gusto barocco » entre Brenta et Neckar

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Opéra en 5 actes d’Antonia Bembo sur un livret de l’abbé Francesco Buti, écrit en 1707 et jamais représenté
Production, Il Gusto Barocco

 

Détails

Ercole
Yannick Debus

Iole
Anita Rosati

Hyllo
David Tricou

Dejanira
Alena Dantcheva

Giunone
Flore Van Meersche

Licco
Andrès Montilla-Acurero

Venere, Pasithéa, Bellezza
Chelsea Zurflü

Nettuno
Hans Porten

Il Paggio
Arnaud Gluck

Orchestre baroque Il Gusto Barocco
Direction et clavecin
Jörg Halubek

Stuttgart, Liederhalle, Mozartsaal, vendredi 26 mai 2023, 19h

Depuis trois ans, L’ensemble Il Gusto Barocco propose un printemps baroque à Stuttgart avec des programmes qui font la part belle aux découvertes ainsi qu’aux femmes compositrices. Preuve en est cet Ercole Amante écrit en 1707 par Antonia Bembo qui n’avait jamais été donné à la scène.
Bordelais et Parisiens ont pu découvrir en 2019 la version de Francesco Cavalli proposée par Raphaël Pichon, Valérie Lesort et Christian Hecq. C’est l’abbé Francesco Buti qui en avait commis le livret en 1662 à la demande du Cardinal Mazarin à l’occasion du mariage de Louis XIV et Marie Thérèse d’Autriche.
« Variante fort éloignée de l’Hercule furieux d’Euripide, l’Hercule gaulois était une invention de la Renaissance française : un ancêtre que caractérisaient l’éloquence et la volonté d’atteindre la perfection à travers les épreuves, un demi-dieu que Ronsard avait même comparé à Jésus dans son Hercule chrétien » soulignait alors le programme de salle de l’Opéra-Comique.

Antonia Bembo, élève de Cavalli, reprend ce texte quarante cinq ans plus tard. Originaire d’une famille aisée de Vénétie, la musicienne a reçu une éducation raffinée et épousé un aristocrate qu’elle fuit pour se réfugier en France. Chanteuse, pensionnée par Louis XIV, elle lui dédie l’essentiel de ses œuvres – motets, cantate ainsi que cet unique opéra .

Il s’agit d’une œuvre de la maturité – l’artiste est née dans les années 1640 – dont le style combine les apports italiens et français autour d’une poésie maniériste à l’intrigue quelque peu embrouillée, avec siège magique et tunique empoisonnée. La ligne musicale en est assez flatteuse, parfois aussi déroutante qu’audacieuse. Il est forcement émouvant d’entendre une œuvre résonner pour la toute première fois plus de trois cent ans après sa composition ; l’Ensemble vient d’ailleurs d’en achever l’enregistrement, à paraitre, la sortant définitivement du silence.

Cette première version concertante aurait sans doute gagné à plus d’interactions scéniques entre les protagonistes et à quelques coupes supplémentaires, car, si les deux premiers actes en sont assez enlevés, les deux heures trente de musique comportent finalement peu de grandes arias et une place très importante laissée aux récitatifs, en raison de la complexité de l’intrigue. Ceci dit, ces derniers s’intercalent entre les airs avec beaucoup de fluidité, une même scène pouvant basculer de l’un à l’autre à plusieurs reprises. Jörg Halubek dirige sobrement ses quatorze musiciens depuis le clavecin, sans emphase, et varie sans cesse son instrumentarium pour ne pas lasser l’oreille. Cette inventivité fait merveille, d’autant plus que la pâte sonore est aussi riche que souple. La harpe soutient avantageusement le continuo ; les vents, les cordes alternent comme dans le magistral final du quatrième acte. Les ouvertures des cinq actes sont, quant à elles, autant de brillantes respirations dans la narration.
Malheureusement, fatigue ou trop grande nouveauté de la partition, à partir du troisième acte, les dérapages se multiplient avec de ce fait, plusieurs moments très délicats en terme de justesse, d’entrées erratiques voire de continuité mélodique.

Ercole Amante © Philipp Lin

Le plateau scénique est d’excellente tenue avec neuf artistes venus de toute l’Europe, maîtrisant parfaitement l’esthétique baroque. Ils interviennent à plusieurs reprises pour des chœurs superbes à la polyphonie raffinée : « Dormi, o sogno dormi » berce Ercole simulant une respiration qui s’apaise. Tout comme le splendide chœur des sacrificateurs, il constitue un indéniable temps fort de la partition.

A tout seigneur, tout honneur : Yannick Debus campe un Ercole plein d’autorité. Verticalité, beau métal de la projection sont mis en valeur par le gras du timbre. Son ultime aria, celle de sa mort, est particulièrement réussie.

Son rival, David Tricou, est un Hyllo magnifique, très expressif, aussi investi scéniquement qu’émotionnellement notamment dans l’admirable « Ahi che pena è gelosia ». Dans « Amor, ardor piu cari », c’est via le sentiment qu’il négocie fort habilement les notes les plus aiguës, si difficiles. Sa voix s’harmonise parfaitement avec celle d’Anita Rosati, Iole au timbre plein de fraîcheur mais bien campé, aux vocalises nettes et faciles enrichies d’intelligentes nuances. Mais la jeune soprano a parfois du mal à caractériser son personnage, contrairement à Chelsea Zurflü qui, qu’elle personnifie Venere, Pasithéa ou la Bellezza, enthousiasme par la ductilité d’une voix parfaitement placée, à l’émission naturelle et aux registres unifiés. Pastoral et bucolique « mormorate O fiumicelli » lui donne par exemple l’occasion d’exprimer sa grande sensibilité.

La Giunone de Flore Van Meersche d’enorgueillie pour sa part de vocalises tout en netteté, d’un legato généreux, d’une présence tout de noblesse, de colère retenue. Elle achève sa partie en apothéose lorsqu’elle chante celle d’Ercole pour clore l’opéra.

Alena Dantcheva en Dejanire se révèle au cours de la soirée avec des graves plutôt mats dans la première intervention « Ahi ch’amarezza » enrichit par de très belles nuances à l’orchestre. Ceci dit, les aigus sont brillants, le travail des couleurs et des nuances opulent. L’autorité vocale est patente dans « Figlio, tu prigioniero » et le final en trio avec Iole et Licco, magnifique.
Ce dernier, incarné par Andrès Montilla-Acurero, a beaucoup d’espace dans la voix, accrochée bien haut. Impeccable, il forme un couple cocasse avec Arnaud Gluck, page plein d’allant et de charme tandis qu’Hans Porten en Nettuno complète avantageusement la distribution.

Spécialiste de JS Bach à qui il a consacré plusieurs enregistrements, Jörg Halubek proposera le 4 juin une soirée Anna Magdalena Bach avant que Camilla de Rossi et Maria Margherita Grimani, autres femmes compositrices, ne tiennent le haut du pavé le 23 juin avec un programme porté par la soprano Suzanne Jerosme.

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Ercole
Yannick Debus

Iole
Anita Rosati

Hyllo
David Tricou

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Flore Van Meersche

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