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C’était sans doute le point culminant de cette édition 2020 du Festival Présences, consacrée à George Benjamin. Accueilli triomphalement à Aix en 2012, et repris depuis une bonne dizaine de fois, le succès de Written on Skin ne s’est pas non plus démenti ce soir à la Philharmonie de Paris.
Une conférence introductive réunissant le compositeur et le librettiste Martin Crimp permettait au public curieux d’en apprendre plus sur cette étrange collaboration qu’est celle entre un compositeur et un dramaturge. On y suit les détails de la collaboration, des débuts presque houleux de Into the little hill à la plénitude d’expression de Lessons in love and violence. On y apprend également l’intérêt du compositeur pour les opéras en version de concert. Alors que Written on Skin nous paraît déjà presque indissociable de la mise en scène de Katie Mitchell, on est curieux du format de ce soir : « version de concert mise en espace ».
La proposition de Dan Ayling ne manque pas d’intérêt ni d’astuce, car elle sait réduire l’action de l’opéra au strict minimum nécessaire. On reste cependant un peu sur sa faim face à cet exercice dispensable car contraint : le peu d’espace disponible pour les chanteurs les oblige à un jeu essentiellement solitaire, et l’on se demande s’il n’aurait pas été plus simple d’opter pour une version strictement concertante.
La distribution exclusivement britannique de ce soir permet de suivre le livret très précisément, ce qui est d’autant plus bienvenu que la musique ménage de beaux espaces de rencontre avec le texte. Nicholas Sharatt et Victoria Simmonds sont un convaincant duo d’Anges. Malgré une voix un peu timide pour le premier, et une légère difficulté dans le grave pour la seconde, leur extrême précision de prononciation est à souligner. Tim Mead s’illustre merveilleusement dans le rôle du Garçon. Les sons filés et délicats qui constituent une grande partie de l’écriture vocale du rôle ne l’empêchent pas de convaincre avec un registre forte brillant et opulent. Ross Ramgobin est un Protecteur encore un peu jeune physiquement, mais dont la voix ne montre aucun signe de juvénilité excessive. Doué d’une présence scénique généreuse, le baryton emplit aisément la grande salle de la Philharmonie de son timbre métallique et tranchant. Il revient à Georgia Jarman la tâche ingrate de remplacer Barbara Hannigan, retenue pour des raisons familiales. Si l’on ne parvient pas encore à oublier la créatrice du rôle, la performance de sa remplaçante reste en tous points impeccable. On regrette simplement quelques sons filés qui peinent à se développer, même si ici aussi, l’incarnation scénique du personnage ne lui fait aucunement défaut.
Officiant au pupitre de l’Orchestre philharmonique de Radio France, George Benjamin magnifie les sonorités rares que sa partition tire d’un effectif rutilant : banjo et mandoline, cuivres avec sourdines whisper, harmonica de verre et viole de gambe… C’est un millefeuille contrapuntique qui se dévoile à l’auditeur, où la coexistence de différente couches temporelles n’a jamais semblée aussi limpide. Au sortir de la représentation, on ne peut que se réjouir de notre certitude quant à l’avenir radieux de l’œuvre.