Aïda n’est pas considéré particulièrement comme un opéra de chef. Et pourtant, c’est le chef qui aujourd’hui fait l’événement. Interminable ovation lors de l’entrée dans les Arènes de Plácido Domingo qui y dirige cette année deux représentations de l’opéra de Verdi. Celui qui fut l’un des très grands Radamès du siècle dernier connaît bien sûr parfaitement la partition ; sa direction, d’une autorité souveraine, est loin de la routine que l’on observe le plus souvent. L’orchestre retrouve les sonorités perdues la veille, et des finesses d’orchestration apparaissent là où on les avait oubliées. Bien sûr très attentif aux chanteurs, Domingo prouve une fois encore quel immense musicien il est.
La mythique production qui inaugura le Festival en 1913 est une fois encore reprise. A défaut de nouveauté, cette Aïda hollywoodienne prouve sa redoutable efficacité sous la férule du grand metteur en scène Gianfranco de Bosio (voir le compte rendu de 2008). Les « oh » fusent de toute part, montrant la séduction qu’exercent encore sur le public des recettes théâtrales remontant au dix-neuvième siècle. Même le troisième acte, avec sa felouque et ses marécages, parvient à être spectaculaire grâce à des éclairages particulièrement soignés.
L’interprétation ne passe pas pour autant au second plan. Elle est globalement bonne, sans atteindre néanmoins au plus haut niveau. La jeune Ukrénienne Oksana Dyka (Aïda), que l’on a déjà vue à Bastille et qui y est annoncée dans le même rôle, est une bonne cantatrice, mais la voix est un peu dure, et l’absence de pianissimi et de notes filées rend son personnage un peu trop monolithique. Du même âge, l’Espagnol Jorge de León (Radamès) a un physique – rare pour un ténor – de presque jeune premier, ce qui fait que le couple a pour une fois une réelle crédibilité. La voix est belle et la projection solide, mais chez lui non plus, pas de raffinements particuliers.
Tichina Vaughn chante depuis une quinzaine d’années les grands rôles de mezzos verdiennes, et en particulier Amnéris dont elle aurait intérêt à relire avec attention la partition, ce qui lui permettrait d’éviter quelques savonnages et notes parfois hasardées. Enfin, Amonasro est fort bien interprété par Ambrogio Maestri, jeune baryton qui continue de progresser régulièrement dans les grands rôles verdiens qu’il défend sur les plus grandes scènes internationales (il est annoncé dans le rôle de Falstaff à Bastille). Il compose un irrésistible personnage de grand sauvage conforme à une certaine tradition, avec un maquillage appuyé et une large gestuelle. Pour une fois, Ramfis et le Roi (Giorgio Giuseppini et Carlo Striuli) sont tout à fait excellents, de même que la prêtresse d’Antonella Trevisan. Enfin, cela fait bientôt 20 ans que Myrna Kamara danse le même ballet insipide et décalé dans les productions d’Aïda des Arènes de Vérone et d’ailleurs ! Donc c’est bien, place maintenant à des jeunes et à une nouvelle lecture…
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