Dans le cadre de la série de concerts « Le temps retrouvé », l’Orchestre Philharmonique de Radio France invitait Barbara Hannigan à se produire à nouveau sur la scène de la maison ronde. Public masqué, distanciations entre musiciens, effectif orchestral réduit : les concerts post-corona apportent leur lot de contraintes, mais il n’a pas empêché la chanteuse et cheffe de construire un programme solide et cohérent.
Comme souvent à Radio France, le concert débutait par une pièce soliste. Le hautboïste Olivier Doise proposait deux des Métamorphoses d’après Ovide de Benjamin Britten, dont la douceur antique fait écho au monde étrange des Illuminations. On ne peut que constater l’élégance du phrasé et de l’articulation dans ces deux pièces admirablement servies par leur interprète.
© Christophe Abramowitz – Radio France
Pour la suite du programme, il convient de séparer (pour un temps) la prestation de Barbara Hannigan soprano, et de Barbara Hannigan cheffe d’orchestre.
La Symphonie n° 49 de Haydn était déjà au programme de son enregistrement paru en mars dernier. On y retrouve les mêmes caractéristiques heureuses : délicatesse des nuances du premier mouvement, dynamisme dans les mouvements plus agités, et les pizzicati Bartók en relais aux contrebasses font sourire. La présence du clavecin apporte toujours son lot d’interrogations, mais il y a certainement une raison musicologique que nous ignorons.
Le Concerto pour cordes de Stravinsky arbore les mêmes qualités que la symphonie de Haydn. La lecture est fluide et précise à la fois, et l’on se prend même à penser que la cheffe a pu perfectionner sa technique de direction pendant le confinement.
En interprétant les Illuminations de Benjamin Britten, la chanteuse renoue avec un cycle qu’elle chanta beaucoup il y a une dizaine d’années. Le temps faisant son affaire, la lecture en est forcément différente, tout d’abord parce que Barbara Hannigan officie à la fois à la direction et au chant. Cumuler les deux dans une page assez exigeante orchestralement et vocalement, c’est forcément prendre le risque de quelques décalages. Certaines pages des « Villes » ou d’un « Being Beauteous » extrêmement lent auraient ainsi gagné à dissocier la direction du chant. Fort heureusement, les cordes de l’Orchestre Philharmonique de Radio France sont en très grande forme ce soir là. Quand la chanteuse ne peut plus diriger (car il faut chanter, tout de même), les chefs d’attaque prennent le relais et l’on assiste à de beaux moments de musique de chambre à trente musiciens.
Dans un entretien publié dans le programme, la chanteuse explique s’être beaucoup entraînée pendant les derniers mois, pour pallier l’absence de concerts momentanée. Cette gymnastique musculaire se ressent particulièrement dans le registre médium-grave qui a nettement gagné en rondeur et en amplitude. Les sols graves poitrinés nous rappellent que le cycle fut d’abord pensé pour une voix de femme, avant que les ténors ne se l’approprient. Si le confinement n’est pas directement responsable de ce petit bouleversement physiologique, on est ravi de voir qu’il est des artistes à qui le confinement n’a pas fait que du mal !