Pour son quarante-cinquième anniversaire, le festival de Sablé reste fidèle à son ancrage baroque et dédie cette édition à l’éclat. La directrice artistique, Laure Baert, propose ici sa seconde programmation avec onze concerts en quatre jours dans une dizaine d’églises et théâtres du territoire. « L’éclat évoque la large palette de couleurs musicales que peut offrir le répertoire mais également les fêlures, brisures… Sans oublier les éclats de rire! ». « Eclat pour Emerveillement, Créativité, Lumière, Art, Talent » ajoute-t-elle, « voilà la somme de toutes les émotions que l’on peut éprouver dans le cadre du spectacle vivant. Elles sont au cœur de mes choix. Si nous restons fidèle à notre identité baroque, il m’est également demandé d’ouvrir à d’autres esthétiques, de faire découvrir le festival à un nouveau public tout en retrouvant les anciens festivaliers après plusieurs éditions en perte de vitesse ». Force est de constater que les spectateurs répondent massivement présents, à la fois pour des propositions aussi alternatives que réjouissantes comme le Bach, Berio, Beatles de l’Ensemble Spark ou pour des concerts exigeants comme a Byrd Celebration qui rend hommage au compositeur britannique pour les quatre cent ans de sa disparition.
Robin Pharo a crée une messe imaginaire mêlant extraits profanes et sacrés suivant l’ordinaire catholique, ce qui ne laisse pas de surprendre en un temps où l’Angleterre, anglicane, n’était pas réputée pour sa tolérance religieuse. Protégé par la reine Élisabeth, puis délaissant la Cour pour un refuge campagnard où il put proposer sa musique dans un cadre privé, plus secret, William Byrd ne fut apparemment pas inquiété.
L’Ensemble Près de votre oreille alterne donc des extraits vocaux à quatre voix accompagnées et des morceaux transcrits pour consort de violes de gambe et virginal d’une louable fluidité où la complexité du discours empêche rarement la lisibilité. C’est le cas dans le « In Nominé », le délicieux « The Bells » superbe musique en imitation ou encore dans la très recueillie « Pavana Sir William Petre ». La conduite mélodique y est remarquable tout comme le travail des nuances.
On retrouve ces qualités dans les parties chantées avec toutefois quelques réglages de justesse à envisager. L’émission est franche, très timbrée pour les quatre solistes qui savent pourtant trouver une palette pianissimo toute en délicatesse comme dans le très beau Credo. Dans l’Agnus Dei, ils construisent des tuilages et des gradations raffinées, toujours au service de la narration.
Le contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Djian et le baryton Romain Dayez servent le son du groupe avec précision et finesse tandis que le ténor percussif de Martial Pauliat équilibre la voix ronde et chaude d’Anaïs Bertrand. La mezzo a une légère tendance à prendre ses notes par en dessous mais bénéficie d’une diction limpide et d’une belle unité des registres qui font merveille notamment dans « Ye Sacred Muses », poignante élégie pour la mort de Thomas Tallis, le maître de Byrd dont l’étonnament tendre « If ye love me, keep my commandments » clôt justement le concert, comme un hommage et un ultime enseignement.