Voilà trente cinq ans que le festival de Ravenne irrigue le territoire d’Emilie Romagne des propositions les plus variées dans les lieux les plus divers. Il investit ainsi les sublimes monuments paléochrétiens de la ville pour des programmes intimistes sous les ors des mosaïques, mais également les théâtres, les lieux patrimoniaux industriels pour de grandes formes symphoniques. Plus original, il se glisse également dans la vie spirituelle de la cité comme c’est le cas avec cet office du dimanche matin à la Basilica Metropolitana.
Après un concert sur le thème des Leçons de Ténèbres – Il Nuovo e l’Antico –, voilà l’occasion de retrouver la Stagione Armonica dans un autre programme construit autour des musiques de William Byrd, Edvard Grieg et Giovan Battista Fergusio. L’Ensemble vocal est un habitué de la manifestation avec plus de vingt représentations au fil des éditions. Certaines, prestigieuses, se sont déroulées sous la baguette de Riccardo Muti – dont l’épouse a fondé le festival – comme le concert de l’Amitié à Nairobi ou encore celui du centenaire de la première guerre mondiale à Trieste.
Ici, la musique se met au service de la cérémonie religieuse ; les artistes s’installent en retrait, dans le chœur, derrière un autel fort haut qui les laisse presque invisibles. Ainsi l’auditeur – même si il n’est pas croyant, comme c’est manifestement le cas d’une partie de l’audience ce matin là – se trouve dans le même état de sensibilité particulière que celui qui découvre une peinture religieuse in situ plutôt que dans un musée. La spiritualité intrinsèque de l’œuvre s’y révèle bien plus directement perceptible, la qualité de regard s’en trouve modifiée et affinée.
A l’Introït recueilli interprété à l’orgue par le talentueux Carlo Rossi, succède le Psaume 102, Dominus in caelo de Giovan Battista Fergusio qui impose immédiatement l’émission claire et franche de l’Ensemble, la limpidité de la ligne vocale qui se fera plus planante encore dans le Kyrie aux nuances délicatement ciselées. L’Ave verum corpus constitue un autre moment de grâce tout de limpidité dans ce programme centré sur William Byrd.
La justesse du chœur est impeccable, l’acoustique du lieu excellente, le son n’y tourne pas trop. Le texte est parfaitement audible, les mélismes des Sanctus et Benedictus nets et précis sous la direction exigeante de Sergio Balestracci. La sincérité de l’expressivité éclate à nouveau dans l’O sacrum convivium dont l’Alléluia est particulièrement incarné.
Pour l’Envoi, l’Ave maris stella d’Edvard Grieg induit un magnifique contraste avec des nuances d’un somptueux velours, des fortissimo à donner le frisson et un Amen final d’une infinie tendresse. Il y eu un soir, il y eu un matin, tel est le titre de cette trente cinquième édition, ici parfaitement mis en lumière.