Trop souvent, les concerts donnés dans des lieux sacrés pâtissent d’une acoustique confuse ; qu’on se souvienne du Requiem de Berlioz donné à Notre-Dame par Gustavo Dudamel… Aussi salue-t-on avec reconnaissance l’intelligent programme de l’Orchestre du Conservatoire de Paris. Orchestre d’harmonie devrait-on dire puisque vents et percussions seuls sont convoqués par Messiaen. Le vaste Et expecto resurrectionem avait été commandé par Malraux en 1964 pour le cinquantième anniversaire de la Grande Guerre. L’exécuter en 2014 prend tout son sens et le charge d’émotion particulière. Avec la formidable maîtrise des sons qui le caractérisait, Messiaen l’avait écrit pour utiliser au mieux les résonances des grandes cathédrales (l’œuvre fut été créée publiquement à Chartres après une première privée à la Sainte Chapelle) et les apprivoiser. Sous la baguette de Jean-Philippe Wurtz, les jeunes virtuoses du CNSMDP en font une démonstration éclatante de leur exceptionnelle technique ; il ne manque qu’un peu d’abandon, de liberté, d’absence de précautions pour nous enthousiasmer totalement, mais la puissance, la virtuosité, l’éclat et la perfection d’ensemble en remonteraient à bien des orchestres constitués et réputés.
En seconde partie, bois et vents seuls entourent la maîtrise Notre-Dame de Paris, l’ensemble sous la direction de Lionel Sow, dans l’étonnante Messe en mi mineur de Bruckner (1866). Œuvre fascinante par son austérité, messe liturgique et non de concert, avec son chœur sans solistes, son ensemble instrumental discret, son recours aux entames grégoriennes du Gloria et du Credo. Si les premières notes du Kyrie qui débute a cappella souffrent d’une intonation encore mal assurée, la maîtrise d’une quarantaine de chanteurs qui opte pour la prononciation germanique du latin (consonnes gutturales dans les Genitum par exemple) trouve vite le chemin de l’œuvre. A nouveau, les souffleurs du conservatoire se couvrent de gloire et font le lien entre cette messe et l’univers des symphonies du maître autrichien : broderies champêtres du hautbois, magnifique solo de cor au début du Benedictus, seuls les tutti semblent parfois manquer un peu de plénitude. Mais on s’incline devant tant de talent allié à tant de fraîcheur et d’enthousiasme. Un de ces concerts qui enrichissent durablement les auditeurs.