Pour les Fêtes de fin d’année, fidèle à sa trajectoire d’ouverture, l’Opéra de Rennes s’associe à l’incontournable festival des Tombées de la Nuit pour une proposition délicieusement branquignole portée par la compagnie 26 000 couverts suivant son ADN de théâtre de rue.
Voilà 4000 ans que les « Céciliens » traversent l’immensité vide du cosmos vers la Terre Promise, la planète Chamonix. Une avarie les forcent à mettre pied à Terre, sur la planète de leur origine. Une descente dans « l’intra-monde » leur permettra de rencontrer leur improbable – et répugnant – ancêtre puis de répondre à cette lancinante question : l’humanité mérite-t’elle de survivre ?
© Christophe Raynaud de Lage
La scénographie de Patrick Girot, Julien Lett, Michel Mugnier et Laurence Rossignol encadre les trouvailles loufoques de Philippe Nicolle et Gabor Rassov. D’un vaisseau spatial-marionnette de Carole Allemand jusqu’au « suppositage » comme arme de destruction massive en passant par l’hilarant Crédo au Saint Prospectus d’un golf 18 trous, nous vous laissons découvrir par vous -même la place prépondérante de l’apéricube dans tout cela.
« Space-operette », pourquoi pas, mais opérette vraiment ? Si la soirée associe effectivement musique, danse, théâtre et que l’objectif en est le divertissement, mâtiné d’une réflexion sur nos errements, cet OTNI – objet théâtral non identifié – ne semble pas relever du registre de l’opérette puisqu’il n’y a pas d’alternance réelle entre les numéros parlés et chantés. La musique n’est ici qu’accessoire. Pas d’orchestre en dépit d’un prometteur accord symphonique avant le lever de rideau, mais neufs comédiens couteaux-suisses qui chantent avec autant de justesse que de conviction les textes les plus absurdes et s’emparent au fil du récit, d’une guitare, d’un saxophone, d’un clavier ou d’une batterie.
© Christophe Raynaud de Lage
En revanche, le clin d’oeil à la tradition du théâtre de tréteaux – à l’origine de l’opérette – est patent avec une indéniable dimension parodique, satirique et ces quelques chansons qui reprennent chacune un univers musical à la mode, de la variété au rap en passant par le hard rock. De même, les loufoqueries de Florimond Rongé dit Hervé, sont convoquées lorsque l’un des personnages décède et revient sur scène sous les oripeaux de son jumeau. Voilà une amusante – et peut-être involontaire – allusion à l’époque où il était interdit aux comédiens de la foire d’écrire une musique originale ou de faire paraître plus de deux ou trois protagonistes sur scène. Le « compositeur toqué » usait alors de subterfuges comme de tuer un personnage pour mieux le faire revenir sur le plateau en fantôme.
Le concept de Chamonix est cocasse, la trame étonnamment cohérente à partir du moment où l’on accepte son excentricité. Chaque élément qui semble parfaitement loufoque en début de représentation trouve finalement sa justification au dénouement. L’intrigue, d’ailleurs, a plus de corps que bien des bluettes des livrets lyriques. Manque malheureusement le petit grain de folie qui emporterait la totale adhésion du spectateur. Le rythme pourrait être plus enlevé en raccourcissant un peu une soirée qui s’avère distrayante sans être hilarante. Après cette création rennaise, Dijon, Chalon-sur-Saône, Cergy-Pontoise, Tarbes, Rouen, Corbeil-Essonnes, Châlons-en-Champagne, Gap, Vesoul, Draguignan accueilleront successivement le spectacle. Cette importante tournée sera, espérons-le, l’occasion de resserrer l’action pour plus d’efficacité humoristique.