Distribution de haut vol pour cette nouvelle production de l’Opernhaus de Zürich et qui tient ses promesses.
C’est bien sûr Nina Stemme qui domine le plateau par la beauté de son organe, son chant supérieurement maîtrisé, d’une remarquable finesse (pas toujours de mise avec des voix si puissantes) et puis que tout cela est vibrant et prenant ! Absolument splendide.
On retrouve exactement les mêmes qualités chez le Wolfram de Michael Volle qui ne cesse de nous émerveiller à chaque fois que nous l’entendons (il campait par exemple un formidable Wozzeck il y a deux ans à Munich (cf. notre compte-rendu). Ce magnifique artiste est lui aussi renversant tant par sa superbe voix corsée que par l’intelligence de son chant.
Robert Dean Smith n’atteint pas de telles altitudes mais séduit par la force de son incarnation et un chant assez stylé. Sa voix éclatante de heldentenor n’est cependant pas exempte d’engorgement et offre quelques aigus un peu étranglés, surtout aux fins d’actes.
Vesselina Kasarova affiche un timbre capiteux qui convient bien au personnage de Vénus. La voix est sonore, les aigus ont de l’impact mais une pointe de dureté et des sons poitrinés peu élégants entachent quelque peu la performance.
Le Landgraf d’Alfred Muff a lui aussi de l’impact et de la prestance, on regrettera cependant des aigus émis avec un vibrato lent assez désagréable.
Les autres rôles sont joliment tenus. On notera ainsi le beau Walther de Christophe Strehl.
Chœurs somptueux (leur entrée au deuxième acte est vraiment sensationnelle !), si ce n’est que le chœur féminin baisse dangereusement lors de son intervention en coulisse a capella à la fin du deuxième acte… L’attaque des violons qui suit est alors particulièrement cruelle ! (Les musiciens ont d’ailleurs bien du mérite à démarrer tous parfaitement justes).
L’Orchestre de l’Opernhaus est lui aussi somptueux et semble galvanisé par la direction énergique et très dramatique du formidable Ingo Metzmacher.
Nous avons là du théâtre, et quel théâtre : le discours avance et palpite mais sans que ne soit sacrifiés les détails de la riche orchestration wagnérienne. Cette direction pleine de personnalité et d’intelligence est un indéniable point fort de la production.
Par contre, pourquoi diable sonoriser certaines interventions du chœur ou des instruments depuis les coulisses ? Le chœur des sirènes du premier acte est ainsi massacré, qui plus est avec une horrible réverbération artificielle, tout comme les merveilleux appels de cor qui annoncent l’arrivée du Landgraf, d’Herrmann et tous ses compagnons. Heureusement, les sublimes chœurs des pèlerins échappent à cette manie vraiment dérangeante.
Autre curiosité discutable, le mélange des versions de Dresde (actes II et III) et de Paris (acte I), mais cela semble surtout un choix du metteur en scène.
Une semaine après une Damnation de Faust vue à Frankfurt-am-Main (cf. notre compte-rendu), nous retrouvons Harry Kupfer pour la mise en scène de ce Tannhäuser, avec, parfois, les mêmes images (un violon lumineux rouge, là-bas tenu par Méphisto, ici par un personnage de la Bacchanale) et le même propos abscons pour le finale.
Mais commençons par le début, c’est-à-dire une Bacchanale plutôt réussie, avec beaucoup d’agitation, de mouvements (tant des danseurs que des éléments de décors très mobiles), une chorégraphie séduisante. Cependant, on devine déjà ce qui sera l’objet principal de la mise en scène par la suite : une transposition au XXe siècle avec force clichés comme ces ecclésiastiques et ces militaires qui viennent profiter du stupre et des filles du Venusberg (personnalités que l’on retrouvera au deuxième acte parmi les spectateurs du concours de chant), la présence d’un téléviseur, de caméras de télévision pour le concours de chant, les guitares électriques qu’arborent les trouvères, etc. Tout cela est assez fainéant et assez « mode » car le metteur en scène se contente de rester à ce degré là, ce qui n’apporte finalement pas grand chose à l’action. Mais surtout, tout ce toc, sinon ce « bling-bling », colle mal avec les idéaux humanistes et artistiques des trouvères et avec la foi qui guide les pèlerins se rendant ou revenant de Rome. On passera sur le décor du troisième acte qui représente un hall de gare (un cadre on ne peut plus adéquat pour la fameuse « Romance à l’étoile » !) pour se concentrer sur un finale des plus ambigus : après avoir montré la rédemption de Tannhäuser (qui est recouvert d’un cercueil – transparent – sur lequel on pose la crosse fleurie, symbole du pardon du Pape), des éclairs font fuir l’assemblée tandis que Wolfram se retrouve malmené par des cloisons mobiles qui semblent vouloir l’enfermer… Une sorte de « damnation de Wolfram » bien incompréhensible…
Décidément, on a connu Harry Kupfer plus inspiré…