Les concerts du dimanche matin, outre qu’ils ont le mérite de pousser à sortir de chez soi, sont souvent l’occasion de découvrir de nouveaux talents, ou de nouveaux répertoires. Dans le cadre des Flagey piano days, une série qui revient chaque année, était proposé ce dimanche un concert où le piano dialoguait avec le violoncelle ou avec la voix, dans un florilège d’œuvres du couple Schumann ; confronter les Lieder de Clara avec ceux de Robert, voilà une bien bonne idée !
Nous passerons rapidement sur les deux œuvres pour violoncelle et piano, superbement interprétées par le violoncelliste ukrainien Aleksey Shadrin, sonorité impressionnante, musicalité sincère et émouvante, et sur les variations de Clara sur un thème de Robert, partition virtuose et un peu démonstrative, pour nous concentrer sur les deux cycles de Lieder au programme, interprétés par la soprano Ilse Eerens et le pianiste Liebrecht Vanbeckevoort, deux artistes bien connus du public belge.
Les Lieder de Clara Schumann, composés entre 1840 et 1843, au début de son mariage avec Robert, donc, sont plus personnels qu’on ne pourrait le croire. Certes, ils appartiennent à la même veine d’inspiration que ceux de son époux, mais les mélodies sont très originales, et le traitement de la voix, sans doute influencé par le fait que Clara avait aussi étudié le chant, contrairement à son époux, part d’un élan naturel et spontané, sans aucune surcharge ornementale, avec une fraîcheur incomparable. Ils font d’ailleurs d’avantage penser aux Lieder de Mendelssohn qu’à ceux de Robert, précisément en raison de cette spontanéité. On y entend aussi quelques audaces d’écriture, comme par exemple la fin complètement ouverte de la dernière mélodie du cycle opus 13, en forme de point d’interrogation.
Ilse Eerens a fait de nombreuses apparitions dans des programme d’oratorio ou de cantates, plus rarement dans des programmes de Lieder, discipline pour laquelle sa voix est idéale : la diction est très soignée, le timbre est agréable, un peu acidulé, et si la palette de couleurs n’est pas très variée, la chanteuse possède un sens parfait du modelé de la phrase, qu’elle rend avec beaucoup de musicalité et d’expression. Le piano extrêmement précis et investi de Liebrecht Vanbeckevoort, le soin qu’il met à faire chanter l’instrument, sa vision très claire du texte et le travail abouti de musique de chambre que les deux artistes ont élaboré ensemble contribuent pour beaucoup à la grande réussite de ce premier cycle.
Le second cycle du programme, le célèbrissime Frauen Lieben und Leben de Robert Schumann est donné dans la même veine, et avec le même soin. On sent la chanteuse un peu plus à son aise dans ce cycle-ci, même si elle conservera tout au long du programme sa partition sous les yeux, y compris pour le bis ! Le pianiste fait à nouveau preuve de beaucoup de personnalité, rendant justice à la merveilleuse partie de piano de ce cycle, comme un personnage à part entière, qu’il investit pleinement.
Petit blâme pour le service des publications de Flagey, à qui on rappellera qu’un Lied, c’est aussi (d’abord) un poème, dont il n’est pas superflu de mentionner l’auteur… Certaines maisons vont même jusqu’à en publier le texte, voire même une traduction pour les plus courageuses !